La nuit du 23 au 24 novembre 2021, la mer du Nord a été le théâtre du pire drame migratoire qu'elle n'a jamais enregistré. S'ils ont été sollicités, les secours ne sont pas allés sauver cette embarcation. Depuis, une instruction judiciaire est en cours. Sont mis en examen, 18 personnes dont des passeurs et des agents du CROSS Gris-Nez. Ces derniers ont déposé un recours à la Cour d'appel de Paris pour que leur procédure soit désolidarisée de celle des passeurs.
Il y a presque trois ans, dans la nuit du 23 au 24 novembre 2021, 33 migrants avaient embarqué sur un bateau de fortune pour rejoindre les côtes anglaises depuis Loon-Plage. Mais au milieu de la Manche, cette embarcation s'est retrouvée en détresse.
Les autorités françaises sont soupçonnées d'avoir été appelées à l'aide à une quinzaine de reprises, sans intervenir. 27 d'entre eux, essentiellement des Kurdes irakiens perdront la vie durant cette nuit de novembre. Ils avaient entre 7 à 46 ans. C'est le pire drame migratoire jamais enregistré dans la Manche.
Vers un dépaysement judiciaire ?
Trois ans après les faits, la justice doit toujours se prononcer sur ce drame. À ce jour, 18 personnes ont été mises en examen dont 11 passeurs et sept militaires. Parmi eux, cinq agents du CROSS Gris-Nez pour non-assistance à personne en danger.
Mais la procédure s'éternise, du fait du dépôt d'un recours par les militaires le 7 juin 2024. Six d'entre eux ont contesté la régularité de la procédure devant la cour d'appel de Paris. Cette affaire, qui est pour l'instant instruite par la Juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (Junalco) de Paris, mêle le cas des militaires et des passeurs.
Suite au naufrage d’une embarcation le 24 novembre 2021 au large de Calais ayant causé la mort d’au moins 27 personnes, Utopia 56 dépose plainte pour homicide involontaire et omission de porter secours ⤵️ pic.twitter.com/PgRTsqHxl2
— Utopia 56 (@Utopia_56) December 20, 2021
Mais pour ces derniers, leur procédure devrait être disjointe de celle concernant les passeurs, demandant alors à être suivis par le juge aux affaires militaires de Lille. Ce qui signifierait que les actes d'enquête les concernant jusqu'ici seraient nuls.
C'est sur ce point que l'opinion se divise. Me Emmanuel Daoud, avocat d'une partie civile estime que ce recours "tente de priver les parties civiles et finalement la société d'un procès où tous les acteurs seraient présents." D'après une information de l'AFP, l'avocat général aurait également demandé qu'une enquête unique subsiste, considérant que c'est la suite "de comportements combinés des passeurs et des militaires qui a pu causer ces décès."
C'est donc à la Cour d'appel de Paris de se prononcer sur ce dépaysement, comprendre ici la procédure qui permet de transférer ou renvoyer une affaire dans une autre juridiction. Si une réponse était attendue le 27 septembre, le délibéré a finalement été prorogé au 2 octobre confirme la juridiction.
Retour sur cette nuit meurtrière de novembre 2021
En attente de l'arrêté de la Cour d'appel de Paris, cette affaire est toujours entre les mains du Junalco. Leur enquête a révélé de lourds manquements de la part des agents du CROSS Gris-Nez.
Dans la nuit du 23 au 24 novembre 2021, c'est une embarcation fragile et surchargée qui a tenté la traversée vers l'Angleterre, malheureusement trop fragile face à la houle de la mer du Nord. Au large de Calais, les 33 exilés sont à la dérive et appellent à l'aide à 18 reprises entre 1h48 et 4h23. En contact avec les secours français, le CROSS et le Samu, ils enverront leur géolocalisation à 18 reprises.
Ah bah t'entends pas, tu seras pas sauvé...
Opératrice du CROSS à un exilé en détresse dans la Manche
Les journalistes du Monde et de la cellule investigation de Radio France se sont procuré les échanges entre les naufragés et le CROSS Gris-Nez. Publiée en novembre 2022, l'enquête de Julia Pascual, journaliste au Monde, est difficile à lire et accablante pour les secours Face aux cris et aux pleurs des exilés s'oppose la froideur de l'opératrice du CROSS. Pariant que l'embarcation de fortune dérivera vers les eaux anglaises, le centre n'enverra pas de bateau de sauvetage.
« Ah bah t’entends pas, tu seras pas sauvé... » : l’enquête sur la mort de 27 migrants dans la Manche accablante pour les secours https://t.co/6R1RjFqV4X
— Le Monde (@lemondefr) November 13, 2022
► Lire aussi : Naufrage de 27 migrants dans la Manche en novembre 2021 : Le Monde publie une enquête accablante pour les secours
À 13h49. Dix heures après le premier appel des naufragés, un bateau, le "Saint-Jacques 2" alerte à son tour le CROSS. Il repêchera une quinzaine de victimes qui flottaient à la surface de l'eau. Sur les 33 personnes embarquées dans le bateau de fortune, 27 ont été retrouvées mortes et deux ont miraculeusement survécu. Quatre n'ont pas été retrouvées.
Trois ans après ce drame, les tentatives de traversées de la Manche n'ont pas ralenti. Alors que l'année 2024 n'est pas encore finie, elle est déjà la plus meurtrière pour les migrants qui essaient de rejoindre côtes britanniques.
Avec AFP