Depuis une semaine, le Planning familial du Pas-de-Calais diffuse une brochure aux établissements scolaires du département, pour les inciter à dispenser des séances d'éducation sexuelle à leurs élèves. Des cours pourtant obligatoires depuis 2001, qui manquent toujours à l'appel dans les salles de classe.
Vous vous souvenez certainement de ces cours d'éducation sexuelle, dispensés au collège en 4e ou en 3e pour coller au programme sur la reproduction et l'anatomie humaine, qui n'ont pas permis d'apprendre grand-chose si ce n'est sur la contraception. Ou plutôt le préservatif.
Aujourd'hui encore, beaucoup d'établissements scolaires dispensent des cours incomplets sur la sexualité, voire ne prennent pas du tout le temps d'en dispenser. Des lacunes que pointe du doigt le Planning familial du Pas-de-Calais, en rappelant qu'une loi votée en 2001 oblige les écoles, collèges et lycées à dispenser au moins trois séances par an et par groupe d'âge homogène.
"On a réalisé des sondages auprès des jeunes et la plupart expliquent ne jamais avoir eu de cours là-dessus", relève Sabrina Sénécal, conseillère conjugale et familiale au Planning 62. "Ou alors un seul, avec les cours de SVT. Mais un cours habituel ne permet pas de libérer la parole comme dans les vraies séances."
Même si certains enseignants suivent la formation FILEAS (formations pluri-catégorielles à l'éducation à la sexualité), la conseillère souligne que leurs interventions doivent être complémentaires à de vraies séances d'éducation sexuelle pour "pouvoir parler de tous les sujets et déconstruire ce système".
Des jeunes en demande et en questionnement
Afin d'alerter sur les dangers que représente cette absence d'éducation sexuelle, l'association a créé une brochure visant à accompagner les établissements scolaires, pour leur permettre d'appliquer cette obligation légale... Et surtout de prendre en compte la santé sexuelle et mentale de leurs élèves.
Car les cours d'éducation sexuelle ne parlent pas que de pilule ou de grossesse. Les thématiques sont censées être plus larges, plus inclusives et surtout répondre aux interrogations des jeunes en leur donnant la parole. Sabrina l'affirme : "On parle uniquement des sujets qu'ils amènent et, clairement, ils ont plein de questions. Les jeunes sont assez demandeurs concernant ces cours et s’interrogent beaucoup."
On parle uniquement des sujets qu'ils amènent et, clairement, ils ont plein de questions. Les jeunes sont assez demandeurs concernant ces cours et s’interrogent beaucoup.
Sabrina Sénécal, conseillère conjugale et familiale au Planning familial 62
Prévention des violences sexistes et sexuelles (VSS), découverte de son corps, du corps de l’autre, parler du consentement, de l’égalité, de l'orientation sexuelle, des questions de genre... Tout un panel de sujets peut être abordé pour déconstruire certains mythes et conduire les élèves "vers une sexualité épanouie".
Un discours qui s'adapte à l'âge
Évidemment, ces cours éveillent des réticences de la part de certains parents, d'administrations ou d'enseignants. Sabrina Sénécal explique que, avant le collège notamment, des personnes peuvent être réfractaires aux cours d'éducation sexuelle, de peur "d'amener le loup dans la bergerie". "On explique à ces gens que ces questionnements existent déjà, qu'on ne va pas les inciter et en amener plus. On s’adapte à notre public."
Quand il s'agit d'enfants plutôt que d'adolescents, le Planning familial travaillera plutôt sur les émotions et le rapport au corps. "On ne va évidemment pas parler de pornographie à des enfants en CE1. Tout ce qu’on veut c’est qu'en grandissant les enfants puissent faire des choix respectueux envers eux et les autres, sans contrainte et sans violence."
On ne va évidemment pas parler de pornographie à des enfants en CE1. Tout ce qu’on veut c’est qu'en grandissant les enfants puissent faire des choix respectueux envers eux et les autres.
Sabrina Sénécal
"Un cours sans en être un"
Pendant deux heures, les 5 salariés du Planning 62 peuvent donc se rendre dans un établissement scolaire pour réaliser une animation. En 2023, l'association a rencontré 1542 personnes, dont 1187 adolescents (12-17 ans) et 24 enfants (5-11 ans). Un travail qui se prépare en amont, sans qu'il y ait pour autant de séance classique, écrite à l'avance.
Les conseillers s'entretiennent d'abord avec la structure scolaire pour trouver une plage horaire assez longue, qui permettra aux élèves de se livrer. "En dessous de 2 heures, c'est compliqué, il faut du temps aux jeunes pour s'ouvrir", note Sabrina. Le jour de l'intervention, les animateurs mettent un cadre à la discussion, en rappelant que ce cours est confidentiel mais nécessite un respect mutuel. "Ensuite on ne sait jamais de quoi l’animation sera faite."
La parole peut être fluide comme difficile, le groupe peut aborder plusieurs sujets comme un seul, poser des questions, discuter entre eux... Mais toujours, l'intervention se veut interactive, sous forme de brainstorming ou à l'aide d'outils, de jeux, comme des cartes ou des images. "C'est un cours sans en être un", mentionne la conseillère en riant. "Simplement on ne vient pas avec un PowerPoint pour parler pendant deux heures. Sinon on n'atteint pas les jeunes. Il faut les écouter pour comprendre leurs problèmes, et les guider au mieux."