Le tribunal administratif de Lille a exhorté les occupants des chalets de Blériot-Plage à les détruire dans les trois mois. Mais certains propriétaires refusent toujours d’abandonner ce qu’ils considèrent comme un patrimoine à part entière.
Ils ont moins de trois mois pour démolir leur chalet, sans quoi ils devront payer une amende de 50 euros par jour de retard : les 28 occupants des cabines de Blériot-Plage, à Sangatte (Pas-de-Calais), sont désormais soumis à la décision du tribunal administratif de Lille, datant du 5 juillet. Ils doivent également payer une amende de 550 euros pour l’occupation des cabines, jugée illégale depuis décembre 2019, date de fin de l’autorisation d’occupation du domaine public. Les concernés pourraient faire appel de cette décision.
La raison de ce contentieux ? Les 232 cabines, datant de l’après-guerre, ne sont plus aux normes de la loi Littoral de 2006. Depuis ce décret, afin que les constructions ne soient pas présentes plus de six mois sur les plages, elles doivent être démontables et ne pas occuper plus de 20% du linéaire de la plage. Ce qui n’est pas le cas de la majorité des cabines, qui dépassent également les 2,5 mètres sur 2,5 mètres requis. L'opposition entre la mairie de Sangatte et les occupants et défenseurs des chalets dure depuis plus de six ans. Pour Pascal Dubus, adjoint au maire chargé du littoral, nous sommes "sur la fin de cette affaire puisque la justice a donné son jugement".
Encore de l'espoir ?
En face, pour Loïc Lassalle, président de l’association Les Chalets Castors, ça n'est pas encore le clap de fin : "La contravention est un détail. Elle ne va pas nous faire plier, nous avons énormément de donateurs", précise-t-il. "Mais ce n’est pas normal qu’on traite des familles comme des délinquants. Qui plus est quand elles ont passé leur vie à entretenir leur chalet, payé une taxe et contribué à l’histoire de notre village et de notre station balnéaire", fustige le quarantenaire.
Il raconte notamment comment, après avoir annoncé de prochaines actions lors de l’audience au tribunal, il a été approché par les forces de l’ordre le jour du passage du Tour de France : "J’ai vu les renseignements territoriaux, la sous-préfète, le commissaire de police, je faisais deux pas dehors et trois policiers en civil m’attendaient. Est-ce que vous pensez que c’est normal de traiter des militants associatifs qui défendent du patrimoine comme ça ?", s’enquiert-il avant d’y répondre : "C’est un peu disproportionné. Et cette disproportion nous donne encore plus envie de nous battre".
Le bras de fer risque donc de se poursuivre en justice puisque les propriétaires entendent "entamer des procédures contre la mairie pour demander le remboursement des redevances". En effet, Loïc Lassalle assure, preuve à l’appui, que les occupants ont donné une redevance qu’ils n’auraient pas dû payer, car l’autorisation d’occupation du domaine public était déjà terminée. Pascal Dubus, lui, assure qu'à partir de ce moment, "aucune redevance n’a été demandée à qui que ce soit".
Un projet contesté
Les délais d’application du décret de 2006 sont également mis en cause par l’association : "S’ils avaient tenté en 2006 de trouver des solutions pour classer les chalets, on n’en serait pas là. Il y a une espèce de ‘non-dit’ sur les responsabilités", assène Loïc Lassalle. Or, la mairie indique avoir pris acte de la nouvelle loi en 2016, après un courrier du préfet qui demandait une mise en conformité pour décembre 2018.
Il y a 232 chalets aujourd’hui, il y en aura 232 demain
Pascal Dubus, adjoint au maire en charge du littoral
Désormais, la Ville prévoit le démontage des 200 cabines pas aux normes, dont les propriétaires ont accepté le protocole d’accord. Il devrait avoir lieu après la signature, par le Préfet, de la nouvelle concession de plage prochainement soumise à une enquête publique. Le projet ? Des aires de jeux, un bar de plage sur une zone de 400m2, une bibliothèque, un commerce d’articles de plage et une zone "naturelle". Nouveaux et anciens chalets se mêleront : louables dans l’année, six mois, trois mois, voire à la journée. "Il y a 232 chalets aujourd’hui, il y en aura 232 demain", assure l’adjoint au maire Pascal Dubus.
"L’idée, continue Pascal Dubus, est que le plagiste ait à sa disposition un certain nombre de choses tout en prenant en considération la dune, actuellement piétinée par les chalets. C’est bien pour protéger au maximum l’espace naturel remarquable que nous avons créé des constructions légères et démontables. Il faut arrêter de dire que nous sommes contre l’environnement", défend l’adjoint au littoral. Surtout quand, selon lui, 20% des cabines actuelles contiennent de l’amiante et que certaines ont des sanitaires qui donnent dans le sable.
Là, le projet de la Ville, après nous avoir rasé, c’est de mettre en place une économie touristique qu’il faudrait remonter et démonter chaque année. Le but c’est de faire de la côte d’Opale une côte d’Azur
Loïc Lassalle
Reste que le projet ne séduit pas le moins du monde Loïc Lassalle : "On parle d’un décret qui est fait pour protéger une urbanisation massive. Là, le projet de la Ville, après nous avoir rasé, c’est de mettre en place une économie touristique qu’il faudrait remonter et démonter chaque année. Le but c’est de faire de la côte d’Opale une côte d’Azur alors qu’il faut protéger l’authenticité de notre plage", se désole-t-il.
Patrimoine maritime historique
L’authenticité, c'est ce que se refusent à perdre les près de 400 membres de l’association Les Chalets Castors. "Nous aussi nous avons une bibliothèque gratuite, et ils sont prêts à brûler nos livres", assène Loïc Lassalle, qui déplore que les habitants de Sangatte ne soient pas pris en compte : "Les chalets, c’est tous ces gens qui n’avaient pas les moyens d’aller en vacances et s’offraient des petits moments de bonheur à quelques kilomètres de chez eux. Ces gens-là on les écrase. Leur histoire, leur passé, leur famille, leur quotidien, tout le monde s’en fout. Tout ça pour développer un tourisme…"
Car les cabines représentent pour lui un patrimoine local et régional à préserver. "Ils veulent enlever les chalets, c'est la seule chose qui a une histoire. La question de savoir ce qu’allait devenir ce patrimoine ne s’est jamais posée", dit-il, conscient de la longueur des démarches de reconnaissance. Pour lui, si la demande auprès des monuments historiques a été rejetée, c’est parce que les occupants ne sont pas propriétaires du sol. L'association compte tout de même se lancer dans des démarches pour faire reconnaître les chalets comme patrimoine maritime.