Les résidences secondaires représentent plus d'un tiers des logements dans 51 communes des Hauts-de-France. La plupart de ces biens sont concentrés sur le littoral et possédés par des habitants de la région. Certains maires choisissent de surtaxer ces biens, d'autres préfèrent les préserver pour faire vivre les commerces de la commune.
Parmi les 125 000 résidences secondaires des Hauts-de-France, 42 % se trouvent sur le littoral et les trois quarts appartiennent à des habitants de la région. C'est plus qu'au niveau national, où seule la moitié des résidences secondaires sont la propriété de personnes vivant à proximité. Ce sont quelques-unes des conclusions de l'étude de l'INSEE publiée ce mardi 12 novembre.
Dans certaines communes, les chiffres sont impressionnants : à Fort-Mahon-Plage, 80,4 % des logements sont des résidences secondaires. C'est la ville des Hauts-de-France qui en compte le plus, suivie de près par Le Touquet-Paris-Plage, qui affiche 79,5 % de résidences secondaires. Cependant, les deux villes adoptent des attitudes différentes face à ce phénomène : Fort-Mahon-Plage a ainsi décidé de majorer la taxe d'habitation de ses résidences secondaires à hauteur de 15 %, à l'inverse, Le Touquet-Paris-Plage n'applique pas de surtaxe.
Depuis 2023, seules les résidences secondaires sont concernées par une taxe d'habitation, les résidences principales n'y sont plus soumises. Celle-ci est calculée selon la valeur du bien. Certaines communes peuvent ensuite choisir de rehausser cette taxe entre 5 % et 60 %. Certains maires y voient une manne, d'autres, un danger pour l'attractivité de leur commune.
Qui sont les propriétaires de résidences secondaires ?
Héritage familial, achat coup de cœur, niche fiscale : la typologie des résidences secondaires est variée. Dans les Hauts-de-France, l'INSEE note qu'un propriétaire de résidence secondaire sur quatre fait partie des 10 % de la population aux revenus les plus élevés. Ils sont aussi plus âgés que la moyenne : 57 % ont plus de 60 ans.
Si la grande majorité vit dans la région, par endroits, les résidences secondaires sont plébiscitées par des publics spécifiques. Ainsi, dans l'agglomération dunkerquoise, 18 % des propriétaires de résidences secondaires sont Belges. Dans la communauté de communes du Haut-Pays du Montreuillois, près de Calais, près de 20 % des résidences secondaires sont détenues par des Britanniques. Vers la Thiérache, les Néerlandais sont bien représentés parmi les résidents non-permanents.
Sur le littoral, certaines villes attirent aussi les investissements de défiscalisation : l'abattement d'impôts dont bénéficient les meublés de tourisme (de type Airbnb) va être prochainement réduit par une loi adoptée le 7 novembre, mais il restera tout de même de 30 % pour les meublés non classés, dans la limite de 15 000 €. "Ce n’est pas ça qui va freiner les promoteurs et les gens qui font de la spéculation immobilière" regrette Philippe Evrard, maire (DVD) du Crotoy.
Lui voudrait pouvoir limiter le nombre de meublés de tourisme dans sa commune. Avec la nouvelle loi, cela sera possible pour les constructions à venir, en instaurant un quota de meublés de tourisme dans le plan local d'urbanisme. Mais pour l'existant, les maires peuvent seulement limiter la durée de location des résidences principales à 90 jours, contre 120 aujourd'hui. "Je n’ai pas les moyens de le vérifier" note Philippe Evrard.
Bien qu'il regrette la prépondérance des Airbnb dans sa commune, il a choisi de ne pas majorer la taxe d'habitation pour les résidences secondaires, car des réalités contrastées se cachent derrière les volets fermés.
"On a du surtourisme, mais on vit du tourisme"
Ce choix, Philippe Evrard l'explique simplement : "certaines résidences secondaires sont des résidences familiales. Si j’augmente à cause des Airbnb, eux aussi vont être impactés. Des gens ont investi parce qu'ils aiment bien venir deux, trois mois dans l’année au Crotoy, je ne veux pas les taxer." Toutes les résidences secondaires paient une taxe d'habitation, dont une part revient à la commune, la majoration est donc une surtaxe qui s'ajoute à cela. Avec 65 % de résidences secondaires, la municipalité Crotoy estime que la recette sans surtaxe est déjà satisfaisante.
Le maire admet aussi qu'il ne veut pas nuire à l'activité touristique de sa commune. "On a du surtourisme, mais on vit du tourisme, le reste de l’année, il n’y a plus grand monde" observe-t-il. Le maire (SE) d'Ault, Marcel Le Moigne, veut, lui aussi, prendre soin des résidents non-permanents de sa commune et n'applique pas la surtaxe.
"Nous estimons que les résidences secondaires sont actrices du développement économique local. J’ai été très heureux de voir, un 1er novembre, dans la grande rue, tous les commerces allumés et pleins" se réjouit l'élu. Il explique aussi sa décision par la typologie des propriétaires de ces résidences : "ce sont des gens qui ne viennent pas trois à quatre semaines dans l'année, ils viennent souvent tous les weekends, toutes les semaines, ce sont des maisons de famille qui se transmettent. Ils paient déjà une taxe d’habitation, cela ne me semblait pas utile de la majorer." Cette taxe d'habitation représente déjà 650 000 € annuels de recettes pour la commune, d'après le maire.
Pour lui, le réel problème, ce sont les propriétaires qui ne déclarent pas les biens qu'ils louent aux touristes. "Nous avons un gros travail à faire là-dessus et je suis absolument contre ce business sous-terrain" déclare Marcel Le Moigne. Les biens loués à des touristes rapportent en effet une taxe de séjour à la commune, mais pour cela, il faut qu'ils soient enregistrés. La nouvelle loi sur les meublés de tourisme vient d'ailleurs renforcer le dispositif d'enregistrement et les amendes pour les contrevenants.
Je n’ai aucune envie de les décourager et de les pénaliser. Sachant que par ailleurs, ils continuent à payer la taxe d’habitation, alors qu’elle a été supprimée pour les résidents principaux.
Daniel FasquelleMaire (LR) du Touquet-Paris-Plage
Autre lieu, même approche : au Touquet-Paris-Plage, la majoration de la taxe d'habitation sur les 79,5 % de résidences secondaires n'a pas été mise en place. "On confond souvent l’économie touristique et l’économie résidentielle, distingue Daniel Fasquelle, maire (LR) du Touquet-Paris-Plage. Le Touquet vit des deux. La différence, c’est que l’économie touristique, ce sont des personnes qui louent dans le réseau hôtelier voir en meublé de tourisme. L’économie résidentielle repose sur les résidences secondaires, qui sous-tendent l’activité économique."
Pour lui, si Le-Touquet-Paris-Plage peut vivre tout au long de l'année, c'est grâce aux résidences secondaires. "Je n’ai aucune envie de les décourager et de les pénaliser. Sachant que par ailleurs, ils continuent à payer la taxe d’habitation, alors qu’elle a été supprimée pour les résidents principaux" regrette l'élu. Il constate par ailleurs une nette augmentation des recettes de la taxe séjour, passée d'environ 700 000 € à 1,2 million d'euros depuis le développement des meublés de tourisme de type Airbnb.
S'il salue l'adoption de la nouvelle loi, c'est pour encadrer les effets négatifs de leur surreprésentation dans le parc de logements. "Les effets pervers que je constate dans ma commune, c’est un assèchement du marché immobilier quant aux locations à l’année, observe Daniel Fasquelle. L’autre effet pervers est l’assèchement des ventes : cela s’est calmé, mais à un moment, avec l’avantage fiscal et le taux d’intérêt bas, des investisseurs ont multiplié les achats pour les louer en Airbnb. Cela a tiré les prix vers le haut. Donc cela a besoin d’être mieux encadré, les effets d’aubaine doivent cesser."
Il regrette cependant que la loi de novembre ne donne pas plus de marge de manœuvre aux maires, notamment pour inciter aux locations à l'année : il voudrait par exemple pouvoir réduire la taxe foncière des propriétaires louant des biens pour de longues durées.
Le choix de la fiscalité
D'autres communes choisissent d'appliquer la majoration de la taxe d'habitation. Là aussi, tout dépend du cas de figure. Pour certaines petites communes, cela peut être un moyen de trouver des recettes supplémentaires sans pénaliser trop d'administrés. C'est par exemple le cas de Vaudancourt, dans l'Oise, où les résidences secondaires représentent un logement sur cinq.
"La commune, c’est 173 habitants aujourd’hui. Cela veut dire que le budget de fonctionnement est de 250 000 à 300 000 €. Avec ça, il faut payer les routes, les trous, l’obsolescence du matériel municipal... Malheureusement, les subsides de l’État ne s’arrangent pas, donc nous n’avons pas 36 solutions" constate Jean-Michel Colson, maire (SE) de Vaudancourt.
Il a donc choisi d'appliquer la majoration maximale, à hauteur de 60 % de la taxe d'habitation. Cela représentera d'après lui une somme de 3 000 € supplémentaires pour sa commune, "on gratte partout", regrette le maire. Ce choix lui permet de ne pas augmenter les taxes sur le bâti, alors que les résidences secondaires, "il y en a peu ici, donc cela ne pénalise pas trop les gens du village. Les résidences secondaires d’ici sont celles de gens plutôt aisés et de parisiens."
"Si l’on regarde les quinze dernières années, les résidences secondaires sont devenues du principal, les gens ont acheté il y a fort longtemps et sont venus passer la retraite ici" conclut Jean-Michel Colson. Pour lui, la majoration est donc un coup de pouce pour la commune, qui ne vit pas du tourisme.
Autre lieu, autre choix, à Fort-Mahon-Plage, commune qui compte le plus de résidences secondaires dans les Hauts-de-France, la municipalité a adopté une majoration à 15 %, "pour ne pas matraquer", précise le maire (DVD) Alain Baillet. Les communes touristiques ne sont pas nombreuses à appliquer cette majoration : dans la Somme, elles sont 7 sur un total de 25 communes où plus d'un tiers des logements sont des résidences secondaires.
En plus d'une recette, ce choix se veut incitatif. "On trouvait que l’on avait pas mal de logements vacants, ça va peut-être inciter les gens à louer ou vendre le logement. Nous avons des biens de famille qui étaient très peu occupés. Ce que l’on souhaite, c’est que ces appartements soient de plus en plus ouverts. Les volets fermés pendant dix mois de l’année, ce n’est pas intéressant" complète Alain Baillet.
Il note que les comportements des résidents non-permanents évoluent : là où ils ne venaient que quelques semaines à la belle saison, ils sont de plus en plus nombreux à utiliser leur bien le weekend, tout au long de l'année. La taxe va rapporter autour de 134 000 € supplémentaires à la commune, qui seront utilisés "pour les animations et l'entretien de la plage". L'élu précise que ce n'est qu'une petite augmentation pour les particuliers : quelqu'un qui payait 700 € devra maintenant débourser 730 €.
Confrontées au manque de logement, les maires des communes touristiques adoptent des attitudes différents : certains jouent sur la fiscalité, d'autres, non. Tous s'accordent à dire qu'ils souhaiteraient plus de location longue durée dans leur ville ou village. Mais ils craignent de perdre des revenus importants. "Le tourisme est l’un des seuls secteurs que l’on peut encore développer" conclut le maire d'Ault Marcel Le Moigne.Dans les Hauts-de-France, 51 communes comptent plus d'un tiers de résidences secondaires parmi leurs logements.