TEMOIGNAGE. Camille Delcroix et le label région européenne de la gastronomie, "l'occasion de présenter notre région au monde"

Les Hauts de France sont région européenne de la gastronomie en 2023. La distinction a été remise par l’Institut International de la Culture, de la Gastronomie, de l’Art et du Tourisme. Simple opération communication ou réelle opportunité ? Le chef Camille Delcroix, vainqueur de la 9ème édition de Top Chef, nous a reçus dans son restaurant de Saint-Omer.

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Camille Delcroix fait partie de ces chefs tombés dans la marmite tout petit. Né à Saint-Saulve dans le Nord, il grandit dans une famille où l'on cuisine beaucoup. Il apprend son métier au lycée hôtelier Notre-Dame de la Providence d'Orchies, puis au château de Beaulieu à Busnes, restaurant de Marc Meurin.

En 2018, il remporte la 9ème édition de l'émission Top Chef. Depuis décembre 2021, Camille Delcroix est le chef de son propre restaurant, le Bacôve (ancien Le Cygne) à Saint-Omer dans le Pas-de-Calais.

1 Dans les Hauts de France, on aime le welsh, la carbonade et autre ficelle picarde… Est-ce que c'est de la gastronomie ?

Oui, c'est de la gastronomie. Mais gastronomie, c'est un peu un gros mot. Ça veut tout et rien dire. Il y a des gens dans des estaminets qui font de la gastronomie. Il y a des gens dans des étoilés qui font de la gastronomie. C'est un terme assez large.

Une super carbonade avec un bœuf qui a été élevé pas loin, le mec qui va chercher ses carottes chez le producteur, la bière locale… ça, c'est de la gastronomie.

2  Les Hauts de France, région européenne de la gastronomie en 2023. C'est un gros coup de com ou c'est plus que ça ?

C'est l'occasion de présenter notre région à l'Europe, au monde entier même. On a un peu cette étiquette des gens du Nord : baraque à frites, carbonade, fricadelles. Les gens s'arrêtent à ça. Alors que pas du tout. Ici, il est facile de très bien manger. 

Mes apéros, à chaque fois, ce sont des petits clins d'œil à mon terroir. Une gougère audomaroilles, un coussin moules-frites… On peut amener des choses bien faites avec des produits populaires. C'est ça la gastronomie aussi.

Les Hauts de France, c'est aussi la région où il y a le plus de variétés de fromages en France, peut-être même dans le monde. On est à 450 variétés différentes.

Camille Delcroix, chef

3 Quelle est l'identité gastronomique des Hauts de France ?

C'est une cuisine rassembleuse, généreuse, gourmande, mais il faut éviter ce cliché de la grosse marmite qui arrive sur la table. On a cette étiquette de gros mangeurs, mais il n'y a pas que ça dans notre région.

Les Hauts de France, c'est aussi la région où il y a le plus de variétés de fromages en France, peut-être même dans le monde. On est à 450 variétés différentes.

4 Et s'il y avait un goût des Hauts de France, ce serait lequel ?

Je pense d'abord à l'amertume. J'ai fait mon école hôtelière à Orchies et en face, on avait l'usine Chicorée Leroux. Tous les matins, on se levait, on avait cette odeur, cette torréfaction qui nous prenait au nez. C'est un beau souvenir de ma période scolaire. Il y a aussi les produits marins, le maraichage, la terre.  

5  Est-ce que vous vous voyez comme un ambassadeur ?

Je pense qu'on doit être le fer de lance de son territoire. A l'heure actuelle, on parle tous du bien manger, du circuit-court, de faire travailler les paysans à côté de chez soi. Ici, c'est un peu notre façon de faire.

Tous nos légumes et une partie des fruits viennent de la région audomaroise. Je vais chercher mes truites à Affringues dans une pisciculture. D'être un acteur économique local, je trouve ça plutôt valorisant pour une entreprise. De faire travailler le voisin, c'est génial.

J'ai la chance d'être dans le dernier marais maraîcher de France. Il y a encore 45 maraîchers en activité. Je commence à me faire un petit carnet d'adresses. On a tout à portée de main.

Pour autant, je ne suis pas 100% locavore. Je ne vais pas me priver de chocolat, d'huitres, d'épices ou d'agrumes.

6  A Busne, le chef Christophe Dufossé a son propre jardin. Vous iriez jusque-là ? 

Non, parce que je pense que c'est un métier de paysan. Ça doit rester un métier de paysan. Cultiver la terre, c'est un vrai métier. Surtout à l'heure actuelle avec les gros changements climatiques.

Cet été, je suis passé à travers plein de choses. Avec la sécheresse, j'ai eu mes tomates très tard. Petits pois, fèves, ça a duré 4 semaines. Les cornichons, tout est sorti en 2 semaines. On a fait avec ce qu'on a eu et avec ce qu'on a pu avoir. Ça a été compliqué.

7 La gastronomie, c'est un monde en sursis ?

Oui, c'est ça. On ne sait jamais de quoi demain va être fait. C'est difficile de voir l'avenir. C'est compliqué. Il nous faut beaucoup de personnel. On utilise des beaux produits qui coûtent chers. Tout augmente.

J'espère qu'on a encore de belles années devant nous. Moi, ça fait un an que je suis ouvert, donc je n'ai pas beaucoup de recul. On a fait une belle année d'ouverture. J'espère que ça va continuer.

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