Une permission de sortir pour un détenu “roi de l’évasion” fait polémique à la prison de Vendin-le-Vieil

L'ancien braqueur Christophe Khider, incarcéré à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), a obtenu une permission de sortir, ce lundi 19 août, pour participer à des cours de conduite. La décision judiciaire fait polémique auprès des syndicats de personnel pénitentiaire, qui redoutent une évasion du prisonnier surveillé pour... des faits d'évasion. Explications.

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Ubuesque”, le mot revient à plusieurs reprises dans les conversations. Ce lundi 19 août, l’ancien braqueur détenu à la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), Christophe Khider, a obtenu une autorisation de sortie pour suivre un cours de conduite. Une action tout à fait ordinaire si le prisonnier en question n’était pas particulièrement surveillé pour plusieurs faits d’évasion.

Et pour éviter tout débordement du genre prise d’otage de personnel pénitentiaire dont Christophe Khider s’est rendu coupable lors d’évasions passées, la décision a été prise de ne pas l’accompagner à ses séances de conduite et de le laisser sortir… complètement seul.

Malgré les avis défavorables du directeur de la prison et du procureur de la République de Béthune, qui a tenté de faire appel de la décision, la permission de sortie a été confirmée par une juge d’application des peines. S’il est impossible d’aller à l’encontre de cette décision judiciaire, les syndicats n’ont pas manqué de faire savoir leur profond désaccord.

Un bras d’honneur” au personnel pénitentiaire

L’UFAP-UNSa Justice a réagi le 13 août dans un communiqué de presse, indiquant que le syndicat et les personnels de la prison de Vendin-le-Vieil “sont dans l’incompréhension la plus totale face à cette décision ubuesque [...] L’octroi de cette permission est également un nouveau bras d’honneur aux personnels et à toute la pénitentiaire”.

On a protesté au vu de son CV”, intervient également David Lacroix, secrétaire local Force Ouvrière (FO) et surveillant au sein du centre pénitentiaire. Et le CV de Christophe Khider, 53 ans, est plutôt chargé : l’homme est incarcéré depuis 1995 pour braquages, meurtre et plusieurs évasions ou tentatives, en 2001, 2002, 2008 et 2009, à grand renfort d’hélicoptère sur les toits, d’armes et d’explosifs ou de prise d’otage de personnel pénitentiaire.

Il a une aura particulière auprès des autres détenus, il fait partie des grands bandits”, témoigne David Lacroix. En 2013, Christophe Khider donne même une interview au Journal du dimanche, dans laquelle il déclare sans détour ses intentions de s’évader à nouveau…

L’homme est théoriquement libérable en 2044 et est inscrit au fichier des DPS : les détenus particulièrement surveillés. Cela implique par exemple que chacun de ses déplacements hors de la prison doit être indiqué aux forces de l’ordre et ainsi se faire avec une escorte particulière, selon une source proche du dossier.

Or, pour la sortie de ce lundi, “aucune sécurisation n’est prévue”, indique cette même personne. Notre source évoque parfois des différences de perception légitimes entre les personnels de surveillance et les agents de réinsertion, “mais là, il y a de quoi se poser des questions”, affirme-t-elle.

Un test ultime pour le “roi de l’évasion”

Serait-ce alors un test ultime, proposé par la juge d’application des peines ? Pour David Lacroix, cela ne fait aucun doute. “C’est un véritable coup de poker de la magistrate”, dénonce-t-il avant de rappeler que le détenu avait déjà demandé une autorisation de sortir il y a quelques mois pour une visite en groupe au Louvre-Lens. L’opération n’avait finalement pas abouti, face à la grogne des surveillants et faute de moyens suffisants pour assurer la sécurité de la sortie.

Rappelons que cette sortie intervenait quelques jours seulement après l’attaque violente du fourgon d'Incarville, dans l'Eure, transportant le prisonnier Mohamed Amra. L'évènement avait fait deux morts et trois blessés parmi les surveillants accompagnant le convoi. La méfiance du personnel pénitentiaire, métier en tension, s’est depuis accrue.

► Lire aussi : Attaque mortelle d'un fourgon dans l'Eure : Sequedin, Longuenesse, Liancourt... Plusieurs prisons bloquées en soutien aux deux agents décédés

L’équation est délicate, car l’autorisation de sortie met en balance l’inquiétude légitime d’une évasion avec le droit à la réinsertion des détenus, autre mission de la prison. Et si la sortie de Christophe Khider a été autorisée, c’est qu’elle s'appuie sur de nombreux rapports d’expertise positifs. Une “promesse d’embauche”serait également en discussion selon David Lacroix.

Le surveillant l’admet par ailleurs sans hypocrisie, bien qu’il n’ait eu que des échanges “très basiques” avec le détenu depuis plusieurs années, il affirme ne jamais avoir eu de problèmes avec lui et témoigne d’échanges “courtois”.

Maître Marie Violeau, l’avocate du détenu, a pris la défense de son client au micro de France Bleu Nord. Elle a déclaré qu’en trente ans de détention, “n'importe quelle personne change” et que les syndicats devraient “se féliciter que Christophe Khider sollicite des permissions de sortir, qu'il ait l'envie et l'énergie de passer son permis”.

D’autres sorties sont d’ores et déjà dans les tuyaux: Christophe Khider doit effectuer une dizaine de séances au total, de deux heures chacune. Réel désir de rédemption ou énième plan d’évasion bien huilé, seul l’avenir nous le dira.

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