Par une décision du 26 juillet, le Conseil d'État ordonne une nouvelle fois au gouvernement de revoir sa réglementation sur les zones d'épandage des pesticides. Une avancée importante pour le collectif de victimes des Hauts-de-France, alors que les agriculteurs dénoncent des contraintes excessives.
"C'est une décision très importante", estime Edmond Leduc, coordinateur du collectif de victimes des pesticides des Hauts-de-France, qui fait partie des organisations à avoir déposé un recours devant le Conseil d'État. Par une décision du lundi 26 juillet, le juge ordonne au gouvernement de revoir une nouvelle fois sa réglementation concernant les zones d'épandages de pesticides à proximité des habitations.
⚖Pesticides : le Conseil d'État ordonne que les règles d’utilisation
— Conseil d'État (@Conseil_Etat) July 26, 2021
soient complétées pour mieux protéger la population
➡https://t.co/chfrLBaRHx pic.twitter.com/5jfsjrVXCd
Déjà en 2019, la plus haute juridiction administrative avait jugé que l’arrêté du 4 mai 2017 réglementant l’utilisation des pesticides ne protégeait pas suffisamment la santé publique et l’environnement. Un nouvel arrêté avait donc été pris le 27 décembre 2019. Selon cette réglementation, le gouvernement impose actuellement des distances minimales d'épandage recommandées par l'Agence française de sécurité sanitaire (ANSES) : cinq mètres des habitations pour les cultures dites basses, dix mètres pour les cultures hautes et vingt mètres pour les produits "les plus dangereux".
"C'est la 3e fois que je suis contaminé dans mon jardin"
Une réglementation qui ne convenait à personne : pas assez restrictive pour les associations de protection de l'environnement et les collectifs de victimes des pesticides et trop excessive pour les agriculteurs. Lundi 26 juillet, le Conseil d'État estime que la protection des riverains n'est toujours pas suffisante et ordonne au gouvernement d'augmenter les distances minimales d'épandages, notamment pour les produits qui sont suspectés d’être cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR).
"C'est la troisième fois que je suis contaminé dans mon jardin, confie Edmond Leduc, habitant de Roncq dans le Nord et voisin de trois exploitants agricoles. J'ai retrouvé des herbicides dans le feuillage, dont deux cancérogènes en plus des substances préoccupantes. Il y a une chose que l'on occulte, c'est qu'avec la météo, le vent, les produits ne restent pas sur le champ."
À 74 ans, ce médecin retraité souffre d'un lymphome. "C'est sans doute à cause des pesticides me disent les hématologues, mais il n'y a jamais eu de traçages, aucun rapport là-dessus, alors que l'on est plusieurs dans le même cas." Parmi les adhérents au collectif de victimes, une quarantaine de riverains, atteints de différentes pathologies. "C'est surtout des lymphomes, mais on peut souffrir de la maladie de Parkison, ou d'une tumeur cérébrale", ajoute-t-il.
Avec cette décision du Conseil d'État, qui estime par ailleurs que les résidents doivent être systématiquement informés de l'utilisation des pesticides à proximité de leur habitation, le médecin retraité y voit tout de même une avancée importante. "C'est une longue bataille, affirme-t-il. Mais actuellement, on voit que la santé est quand même prise en compte et prime sur l'économie."
"J'ai peur que les agriculteurs ne s'en remettent pas"
Du côté des agriculteurs, en revanche, c'est plutôt l'inquiétude qui plane. "Je suis déçu qu'il n'y ait pas eu plus d'attention sur les chartes d'engagement que nous avions rédigées, estime Denis Bully, président de la FDSEA de la Somme. On n'est plus à une époque ou on pulvérise des produits dangereux comme dans les années 60. On a vraiment diminué les quantités, le matériel utilisé est contrôlé périodiquement et avec les techniques, on est capables de ne pas polluer les cultures avoisinantes."
Suite à l'arrêté du 27 décembre 2019, les agriculteurs de la région avaient déjà manifesté leur opposition à la mise en place de ces zones de non-traitement (ZNT). "Pour le Nord et le Pas-de-Calais, cela représente 6 000 hectares en moins. Si l'on considère que l'exploitation moyenne est de 60 hectares, c'est comme si on expropriait 100 agriculteurs", dénonçait alors Laurent Verhaegue, président de la FDSEA du Nord.
Son homologue de la Somme se demande aujourd'hui comment ces terres non exploitables vont être compensées économiquement. "Ce dont j'ai peur, c'est que les agriculteurs ne s'en remettent pas, notamment avec des mauvaises récoltes dues à la météo. Si en plus, on rajoute des contraintes supplémentaires, je m'inquiète pour les générations futures."