Trois jours avant Pâques, les cloches se taisent en signe de deuil. Mais alors comment sonner l’Angelus ? Dans ce petit village picard, on a la solution : quand les clochers sont muets, les crécelles entrent dans la danse ! En 1975 un journaliste nous fait découvrir la tradition des crécelles de Pâques.
Dans la tradition pascale, il y a l’agneau, les œufs, les lapins, les cloches, les poules… et dans certaines régions, les crécelles. Nous sommes en 1975, dans un petit village de Picardie et c’est aux enfants que revient la mission d’appeler les fidèles à la messe. Une mission exécutée avec fracas ! Quand le son harmonieux des cloches fait place à la stridence des crécelles, le réveil des paroissiens n’est pas des plus doux… mais la tradition est préservée.
Trois jours avant Pâques, pour commémorer la mort du Christ, les cloches font silence pour marquer leur deuil. On dit même qu’elles s’envolent à Rome pour se faire bénir par le Pape… ou ramener des chocolats ?
Ce qui est sûr, c’est qu’elles carillonnent à nouveau dès le matin de Pâques, pour célébrer la résurrection. Mais pendant ces deux jours de silence, l’Angélus n’est plus sonné ! Alors en lieu et place des sons de cloches, les sons de crécelles prennent le relais.
Ce sont les enfants qui mènent le bal, avec un seul mot d’ordre : faire du bruiiit ! Et ce dès potron-minet, il ne s’agit pas de manquer le premier Angélus. Trois fois par jour ils appellent les fidèles à l’office, noyant le village sous un déluge de cliquetis tous plus grinçants les uns que les autres. Les sonorités ne sont pas des plus harmonieuses, mais au moins ça réveille !
Cacophonie traditionnelle
Ces « lâchers » de crécelles à Pâques se déroulent encore aujourd’hui dans certains villages des Hauts-de-France, d’Alsace ou de Lorraine. Avec, souvent, une amélioration notable : dorénavant les défilés ne sont plus l’apanage des seuls enfants de chœur, ils sont ouverts à tous les enfants du village, y compris les filles !
Souvent fabriquée par l’arrière-grand-père, le grand-père ou le père, la crécelle fait partie de l’héritage familial.
On se la transmet de génération en génération, et les enfants ne sont pas peu fièrs de perpétuer cet héritage en la faisant grincer à tue-tête… Quitte à devoir faire une croix sur leurs œufs en chocolat, car ici on ne plaisante pas avec la coutume : pas d’ovoïde enrubanné en remerciement de leurs bons et loyaux services, mais de vrais œufs, pondus par de vraies poules !
Grinçante, mais utile
Certes, il y a des afficionados de la crécelle… Mais avec sa réputation de criarde qui lui colle à la peau, cette pauvre crécelle souffre encore souvent d’un déficit d’image. On la dénigre, mais elle a fait œuvre utile !
Au Moyen-Age, c’est elle qui annonçait le passage des lépreux ou des malades de la peste, dont il fallait s’éloigner. Pendant les Guerres Mondiales, on l’utilisait pour avertir des attaques de gaz.
Les marchands ambulants en jouaient pour attirer le chaland, les femmes s’en servaient pour appeler leurs maris dans les champs, et on dit même qu’elle chassait les mauvais esprits…
Sous un angle plus festif elle s'est aussi illustrée dans les carnavals et les charivaris, et que dire de ces générations d'enfants qu'elle a réjouis, pour le plus grand plaisir de leurs parents !
Finalement, un petit instrument qui a plus d'un tour dans son sac…
Car oui, la crécelle est un instrument de musique, parfois même invitée au sein des orchestres symphoniques. Ouvrez l’œil et tendez l'oreille, vous pourriez bien la dénicher parmi les percussions, auprès des triangles, woodblock et autres castagnettes !