Pour une mission d'étude scientifique qui s'intéresse aux interactions entre pollution urbaine et émanations naturelles, un avion unique au monde va survoler les Hauts-de-France jusque début juillet. L'ATR42, aux dimensions impressionnantes, est un véritable laboratoire volant.
Si vous apercevez 22 mètres de carlingue survoler votre quartier à basse altitude : pas d'affolement ! L'avion en question, l'ATR42 est en mission scientifique pour le climat, et des vols sont prévus du 15 juin au 7 juillet. Le projet ACROSS s'insère dans le programme international Make Our Planet Great Again (MOPGA), lancé en France en 2017 en réponse au climatoscepticisme de Donald Trump. La mission d'étude a été confiée à la Safire, une infrastructure de recherche fondée par trois agences publiques françaises : Météo France, le CNRS et le CNES.
Quelle est la mission du projet ACROSS ?
Le but de l'étude est d'en savoir plus sur les interactions entre la pollution urbaine et les émanations naturelles. La première est essentiellement le produit du trafic urbain, l'autre se dégage des végétaux, particulièrement en zone forestière. Or, ces composants interagissent entre eux une fois relâchés dans l'atmosphère.
"Ces réactions chimiques vont donner naissance à de nouveaux polluants, des particules... explique Jean-Christophe Canonici, directeur adjoint de Safire. Il y a à la fois des enjeux concernant la pollution mais également l'évolution de climat. Qui dit davantage de particules dans l'atmosphère, dit davantage de points sur lesquelles la vapeur d'eau va s'agglomérer et former des gouttelettes d'eau. Cette évolution du contenu en aérosol peut directement influencer la nébulosité (couverture nuageuse, nldr) au-dessus des villes. In fine, ça peut modifier la création des nuages."
Pourquoi a-t-on besoin d'un avion pour cette mission ?
L'ATR42 affrété par Safire n'est pas précisément un avion de transport comme les autres : c'est le seul avion au monde à avoir subi de lourdes modifications pour en faire un véritable "laboratoire volant". "On a par exemple la possibilité d'accrocher, sous les ailes, des capteurs qui permettent de compter le nombre de gouttelettes d'eau et cristaux de glace présents dans l'atmosphère. On a des hublots supplémentaires sous et dessus le fuselage qui permettent de mettre des instruments de types radar ou laser" , illustre Jean-Christophe Canonici.
L'avion, initialement prévu pour le transport courte distance d'un maximum de 42 personnes, peut désormais charger jusqu'à 2,5 tonnes de "charge scientifique", instruments et chercheurs compris. Deux pilotes, un mécanicien, et huit ingénieurs et scientifiques prendront place à bord de l'appareil pour cette mission. Parmi eux, le spécialiste américain de la chimie atmosphérique, Christopher Cantrell, invité dans le cadre du programme MOGPA à poursuivre ici ses travaux.
"Nos instruments vont permettre des prélèvements en plein vol et des analyses en direct. On peut donc mesurer en continu et très rapidement des concentrations en gaz, des concentrations en aérosol, mais aussi le rayonnement solaire venu du ciel ou du sol, le rayonnement infrarouge, poursuit le directeur adjoint de Safire. Tout un tas de paramètres qui vont permettre de mieux connaître l'environnement, l'état de l'atmosphère sur une zone donnée."
Pourquoi la région Hauts-de-France est-elle concernée ?
Le point de départ de la mission se trouve en forêt de Rambouillet, en région parisienne, où tout un panel d'installations scientifiques ont été montées pour l'occasion, dont une tour équipée de capteurs. Ce sont les émissions de cette zone qui sera précisément étudiée. Les vols se feront "sur alerte", c'est-à-dire que ce sont les scientifiques eux-mêmes qui choisiront le moment opportun et la zone adéquate pour le survol. La météo entre en grande ligne de compte, mais c'est surtout la force et le sens du vent qui seront scrutés.
"Selon d'où vient le vent, les émissions vont avoir tendance à se mélanger sur une zone qui va jusque dans les Hauts de France. Dans certaines conditions météos, les vols vont pouvoir intéresser plutôt cette région." Des autorisations de vol ont été demandées dans 27 départements au total.