La juge d'instruction en charge de l'affaire Tarnac a décidé de renvoyer huit militants libertaires, dont Julien Coupat, en correctionnelle, soupçonnés d'avoir saboté des lignes TGV, mais n'a pas retenu, comme le souhaitait le parquet, la qualification de "terroriste" dans ce dossier.
C'est un coup de tonnerre. Les militants du groupe de Tarnac qui avaient sectionné des caténaires sur des lignes SNCF, notamment dans l'Oise, ne seront pas poursuivis pour "terrorisme", contrairement à ce que voulaient le gouvernement de l'époque et la police.
Parmi les huit prévenus, Julien Coupat, leader présumé du groupe, sa compagne Yildune Lévy et deux autres personnes, sont renvoyés en procès pour "association de malfaiteurs", a-t-on appris de sources concordantes.
Dans son ordonnance rendue vendredi, Jeanne Duyé, la juge d'instruction antiterroriste en charge du dossier, n'a pas suivi les réquisitions du ministère public qui demandait que la circonstance aggravante d'"entreprise terroriste" soit retenue à l'encontre de trois militants, dont Julien Coupat et sa compagne. "Cette qualification a été abandonnée pour l'ensemble des infractions", a confirmé une source judiciaire.
Le parquet a cinq jours après la signature de l'ordonnance pour faire appel devant la chambre d'instruction.
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"Après près de sept années d'instruction complètement à charge, nous avons enfin une décision de justice courageuse. C'est un désaveu total pour le parquet", ont réagi Marie Dosé et William Bourdon, avocats des prévenus. "Depuis le début, nos clients ont été considérés et traités comme des terroristes. On se rend compte enfin que ce qualificatif ne tient pas", ont-ils ajouté
Notre arrestation était uniquement politique et basée sur de faux témoignages de la police.
Cette affaire a suscité une vive polémique, le gouvernement et la ministre de l'Intérieur de l'époque, Michèle Alliot-Marie, ayant été accusés de l'instrumentaliser
en insistant sur son caractère terroriste.
"Notre arrestation était uniquement politique et basée sur de faux témoignages de la police. Tout ceci va éclater au grand jour lors du procès", a relevé Mathieu Burnel, l'un des prévenus.
Rappel des faits
Le "groupe de Tarnac", présenté comme proche de l'ultra-gauche, est soupçonné d'être à l'origine de sabotages de lignes SNCF sur des caténaires dans l'Oise, l'Yonne et la Seine-et-Marne.
Julien Coupat, 40 ans, et son épouse Yildune Levy, 31 ans, ont reconnu leur présence dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 à Dhuisy (Seine-et-Marne) aux abords de la voie ferrée où passe le TGV Est, mais ont toujours nié avoir participé à la pose d'un fer à béton, retrouvé plus tard sur le caténaire.
Tordu en forme de crochet, il avait causé d'importants dégâts matériels au premier TGV du matin, et fortement perturbé le trafic. Pour les agents SNCF interrogés par les enquêteurs, cet acte ne pouvait pas menacer la sécurité des voyageurs.
Souvent présenté comme brillant intellectuellement, Julien Coupat, fils de famille aisée, est considéré comme le fondateur de ce groupe d'une vingtaine de jeunes, qui gravitaient autour d'une propriété agricole proche de Tarnac (Corrèze).
Pour le parquet, l'enquête avait mis en évidence le "basculement dans le terrorisme" de ce collectif, baptisé officieusement "comité invisible, sous-section du parti imaginaire". A l'appui de cette vision, le ministère public mettait en avant des extraits du livre "L'Insurrection qui vient" (2007), attribué à Julien Coupat. Cet ouvrage
fait l'apologie de modes de sabotage propres à "finaliser la chute de l'Etat" et désigne le réseau TGV comme cible "aisée".
"On est dans une procédure où on ose se baser sur un livre en vente à la Fnac pour justifier une incrimination de terrorisme, ce qui est tout simplement risible", avait réagi Julien Coupat, refusant de dire s'il était l'auteur du livre.
Non-lieu partiel et renvois en correctionnelle
Outre les faits de Dhuisy, le parquet imputait à Julien Coupat, qui a effectué un peu plus de six mois de détention provisoire jusqu'en mai 2009, une participation à un autre sabotage du TGV Est, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2008 à Vigny (Moselle). La juge d'instruction a rendu un non-lieu dans ce volet de l'affaire, ne retenant que les faits de Seine-et-Marne, selon la source judiciaire.
Parmi les autres membres du groupe, quatre autres personnes sont renvoyées devant le tribunal correctionnel pour avoir refusé de donner leur ADN et, pour deux d'entre elles, pour "falsification de documents administratifs".