La région Picardie concentre à elle seule 14% des projets, réalisés ou en cours, de "fermes usines" en France. Le principal syndicat agricole de l'hexagone dénonce cette solution industrielle, qui selon elle "sauve la production mais pas les producteurs".
travers la France, 29 projets de "fermes usines" sont à l'étude, ou déjà à l'oeuvre, à l'instar de la controversée "ferme des 1.000 vaches" dans la Somme, selon la Confédération paysanne, syndicat agricole minoritaire, qui en a publié une carte.
2.200 animaux sur une exploitation laitière à Monts (Indre-et-Loire), 23.000 porcelets à Trébrivan (Côtes d'Armor) et à Poirou (Vendée), 250.000 poules dans la Somme... Le syndicat fondé par José Bové a recensé pendant un an des projets qu'il considère comme de l'"agriculture industrielle".
Ces exploitations sont situées en majorité dans le Grand Ouest et au nord de Paris. On en trouve ainsi pas moins de 4 en Picardie (soit 14% du total pour une seule des 22 régions de France métropolitaine) : la ferme des 1.000 vaches à Drucat (80), celle des 50.000 poules pondeuses à Doullens (80), celle des 3.000 porcs à Loueuse (60) et un projet d'engraissement de 1.500 taurillons dans une ferme de Landifay-et-Bertaignemont (02).
Ce n'est pas une solution : on sauve la production, mais pas les producteurs.
"Nous nous sommes aperçus qu'il y avait aussi des fermes usines végétales", comme ce projet de serres de tomates hors-sol sur 40 hectares en Charente-Maritime, alors que "2-3 hectares c'est déjà beaucoup en maraîchage", a expliqué à Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération.
"Ce qu'on nous vend depuis les années 60, c'est qu'il faut se concentrer pour résister. Ce n'est pas la solution : on sauve la production mais pas les producteurs", estime-t-il. Ainsi, un centre d'engraissement de mille taurillons prévu dans le Limousin "risque de détruire de la main d'oeuvre", en empêchant d'autres petites fermes de pratiquer cette activité, alors que "le marché n'est pas infini", analyse-t-il.
Le risque de voir disparaître des savoir-faire
M. Pinatel dénonce "l'ultra-spécialisation" de ce type d'agriculture, et les conséquences en termes de transport routier "alors que l'on est en pleine année sur le climat". La Confédération paysanne défend une "agriculture diversifiée", entre les productions animales, céréalières et maraîchère, "basée sur l'agronomie".
En termes de qualité, les productions des fermes usines "n'auront aucun souci sur les normes sanitaires, mais ce seront des produits standard, sans goût", regrette-t-il.
Selon lui, nombre de fermes géantes, bien que portées par des agriculteurs, font appel à des investisseurs extérieurs. Sont cités entre autres Sofiprotéol (rebaptisé récemment Avril), le poids-lourd des huiles et protéines végétales qui détient les marques Lesieur et Puget, SVA Jean Rozé (filiale d'Intermarché), ou le groupe de gestion de l'eau, des déchets et de l'énergie Veolia.
L'extension d'une ferme laitière à Monts, bien que détenue par trois agriculteurs, "reste un projet industriel qui va faire disparaître des paysans", assure-t-il. L'exploitation accueillera à terme 420 vaches laitières, 260 génisses, 210 taurillons, 1.300 chèvres, soit 2.200 animaux au total, selon le syndicat.
Le gouvernement se veut réaliste
"Ceux qui disent qu'on peut se passer d'agriculture industrielle sont des gens qui se mentent à eux-mêmes", estimait pour sa part le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll. "La ferme des 1.000 vaches, ce n'est pas mon modèle parce que derrière, c'est un investisseur et il n'y a pas d'agriculteur. Mais il ne faut pas qu'il y ait de faux débat. On sait qu'on a besoin d'une industrie agroalimentaire et on sait, pour la production d'un certain nombre d'aliments, qu'on a besoin d'une production suffisamment industrialisée pour qu'elle soit accessible", a fait valoir le ministre.
Le gouvernement a annoncé mercredi plusieurs mesures pour aider les agriculteurs : les exploitants pourront par exemple plus facilement créer ou agrandir les élevages de volailles.
La Confédération paysanne envisage des "actions publiques fortes" pour dénoncer les fermes-usines.