Des produits Decathlon ou Boulanger chez Auchan ? La galaxie Mulliez va tester les "corners"

Auchan, qui a annoncé qu'il allait réserver des "concessions" dans ses hypermarchés à des marques "spécialistes" et "soeurs" (Decathlon, Leroy Merlin,
Kiabi, Norauto et Boulanger) . L'enseigne nordiste veut relancer l'envie d'aller dans ses hypers.

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Le magasin dans le magasin, une réponse aux mutations du commerce, à la baisse de l'attractivité des hypermarchés ?  Lors de la publication de ses résultats annuels vendredi, la holding Auchan, propriété de l'Association familiale Mulliez, a ainsi annoncé le lancement de "corners tests" lors du second semestre 2019 dans cinq hypermarchés, avec d'autres enseignes de Mulliez (Decathlon, Leroy Merlin, Kiabi, Norauto et Boulanger). Son espoir : stopper les lourdes pertes enregistrées par son pôle distribution. 

"Nous allons concéder des métiers sur lesquels les enseignes spécialisées ont plus de légitimité et de savoir-faire", a notamment annoncé la semaine dernière Edgar Bonte, président du directoire d'Auchan.

En clair, on pourra bientôt acheter dans un Auchan, des produits Decathlon ou Kiabi. On appelle ça des "corners". Ces "shop-in-shop" ("magasin dans le magasin") sont, au sens strict du terme, un espace dans un point de vente réservé à une autre enseigne. Auchan n'a pas encore communiqué les villes où les 5 tests seront effectués.
  

Nombreux tests dans le monde


Autonome et possédant ses propres caisses, cet espace est installé dans un grand magasin (Boulanger aux Galeries Lafayette-BHV par exemple) auquel il verse une commission proportionnelle à son chiffre d'affaires. Il peut aussi remplacer un rayon entier, géré par une autre enseigne que celle qui détient le magasin (Darty à Carrefour) via un système de franchise. Pour l'instant, il n'est question que de "tests", les enseignes mettant du temps pour "bien choisir" leurs partenaires même si les discussions sont évidemment plus rapides quand elles appartiennent au même groupe.

Pour Clément Genelot, expert distribution au sein du cabinet Bryan Garnier and Co, et auteur d'une étude sur le sujet, "le phénomène a effectivement pris de l'ampleur depuis le premier test lancé par Carrefour en 2010": il avait implanté des "corners" Virgin dans ses hypermarchés avant d'arrêter l'expérience en février 2012.  Selon une enquête du magazine spécialisé LSA de début février, ce type de collaborations entre enseignes s'est multiplié depuis 2017, en France mais également dans le monde : Habitat chez Sainsbury's ou Next chez Tesco en Grande-Bretagne, Ace Hardware au
sein de Giant Eagle aux Etats-Unis, MediaMarkt à Makro en Belgique...

La particularité du modèle français, explique M. Genelot, c'est que "l'hypermarché n'est pas dans une spirale dynamique et qu'il se traîne en plus un +boulet+ deplus  en plus encombrant : les rayons non-alimentaires", qui ne sont plus rentables. Produits électroniques et électroménagers, mode, ameublement, jouets, articles de sport : ces rayons sont les plus attaqués par Amazon ainsi que par le commerce spécialisé. 
 

Darty chez Carrefour


Dans le cas par exemple des "corners" Darty installés en "tests" depuis novembre 2018 dans deux hypermarchés Carrefour, "les premiers résultats sont prometteurs, notamment poussés par la période des soldes d'hiver", assure-t-on chez Darty.
 

Dans l'hypermarché Carrefour de la Ville-du-Bois, dans l'Essonne, le rayon "électro-photo-vidéo-son" a laissé place à 1000 m² gérés par Darty. Même test à Limoges. Les salariés de Carrefour ont bénéficié de formation dans les magasins Darty. Les rayons sont plus fournis qu'avant. 

 "Nous accédons à de nouvelles familles de produits, comme le gros électroménager, qui était beaucoup moins présent", explique à LSA Pascal Clouzard, directeur exécutif de Carrefour France. C'est l'un des concepts les plus simples à déployer. L'investissement est très limité et le retour sur investissement très compétitif".
 

Conséquences sociales


Pour le client, le passage de Carrefour à Darty est presque transparent sauf qu'il doit passer en caisse dans le rayon s'il achète dans le "corner" Darty.  
  
Le format devrait se développer encore "car c'est un scénario gagnant-gagnant": pour les enseignes invitées, car elles paient un loyer moindre et font donc des marges plus élevées, et pour les enseignes hôtes, qui redynamisent leurs rayons. Ainsi, l'expérience lancée en septembre dernier par Boulanger dans cinq magasins du groupe Galeries Lafayette, en région parisienne et à Nice, s'avère "une super opération pour eux comme pour nous", selon Amandine de Souza, la directrice du BHV Marais.

Le "Comptoir Boulanger" a réalisé des ventes en moyenne en progression de 5% à 25% selon les mois par rapport à la situation précédente, précise-t-elle. La collaboration, qui a mis neuf mois à se mettre en place, s'est faite naturellement en raison notamment "d'une même culture d'entreprise".
 
Autre expérimentation récente: la collaboration depuis décembre entre une enseigne physique et un commerçant en ligne, avec l'intégration dans deux magasins Mr Bricolage d'un "corner" Cdiscount (groupe Casino).  Enfin, même si ça semble contradictoire avec l'idée selon laquelle deux enseignes
alimentaires ne peuvent cohabiter, intégrer un "espace-boutique" bio au sein d'une grande surface pourrait également s'avérer pertinent.

A la condition, précise M. Genelot, que les deux enseignes appartiennent au même groupe: un Naturalia au sein d'un Monoprix ou un Géant Casino par exemple, ou un So.Bio à l'intérieur d'un Carrefour.  Car, conclut l'expert, "en théorie, tout est possible". Ce que confirme Mme de Souza : "Si des opportunités sur certains marchés se présentent, on ne s'interdira rien".
 

Faire revenir les clients


Dans le cas d'Auchan, les corners se feront à l'échelle des enseignes appartenant à la famille. Avec des conséquences sociales : "Si Auchan diminue la taille de ses magasins tout en utilisant l'espace pour des entreprises qui sont dans la famille, on peut penser qu'il y aura moins de conséquences sur le plan social", analyse Bertrand Gobin, journaliste, auteur de livres sur la famille Mulliez. La CFDT, de son côté, se dit favorable au test de ces corners.

Objectif : faire revenir des clients dans les hypers Auchan, boudés par certains consommateurs. "S’il veut demeurer un circuit de destination pour le non-alimentaire (et pas uniquement de dépannage, auquel cas 10 000 m2 sont inutiles), l’hyper doit donner à ces rayons une valeur nouvelle. En l’état, elle est manifestement insuffisante. Et tant pis s’il faut y perdre partiellement son identité", explique sur blog, le journaliste spécialisé Olivier Dauvers.

Les "corners" devraient être mis en place dans certains Auchan dans le courant de l'année 2019.
  
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