Ils étaient plusieurs dizaines massés ce lundi 3 février au matin, devant le lycée Condorcet à Méru et sur le site Gambetta de Chauny. Au coeur des tensions, les nouvelles modalités du contrôle continu qu'ils jugent inégalitaires.
La gronde ne dégonfle pas. Voilà près d'un an et demi que les enseignants et plus largement les personnels des lycées, s'insurgent de la réforme du bac et plus particulièrement d'un aspect qui fait ses premiers pas depuis quelques semaines : les épreuves E3C. Entendez par-là Epreuves Communes de Contrôle Continu. C'est pour dénoncer ces dernières que les personnels enseignants du lycée Condorcet à Méru dans l'Oise se sont retrouvés ce lundi 3 février au matin alors que près de 300 élèves se rendaient à leurs épreuves.
Sur les coups de 7h30, une trentaine de professeurs, dont certains venus de lycées alentours et des personnels administratifs se sont regroupés au lycée Condorcet pour faire part de leur mécontentement sans toutefois bloquer le lycée. "Notre démarche n'est pas contre l'établissement ou les élèves donc il n'y a pas de raison, soutenait Arthur Léonard, professeur d'économie et gestion. Armés de casseroles et de "pouet-pouet", les manifestants se sont même placés des deux côtés de la grille pour accueillir les élèves et les encourager. "Une parent d'élève était également avec nous, poursuit-il. On aurait voulu également mobiliser des élèves, mais depuis une circulaire de 2018 leur absence, sauf en cas de force majeure ou de certificat médical, leur vaut un 0. Clairement, on leur a dit de ne pas jouer leur avenir là-dessus."
A Chauny, "une bonne centaine de personnes constituée d'élèves et de représentants syndicaux se sont mobilisés", a signifié le rectorat d'Amiens. S'il n'y avait pas de blocage sur les lieux, les épreuves de l'après-midi ont été reportées. "C'est une première dans l'Académie. Certains élèves ne se sont pas présentés ce matin. Leur situation sera étudiée au cas par cas par le chef d'établissement. Du reste, il a été décidé de reporter les épreuves prévues dans l'après-midi car les meilleures conditions n'étaient pas réunies pour qu'ils les passent", a-t-il soutenu.
Les E3C, c'est quoi ?
Alors qu'est ce qui coince ? Désormais, fini la dizaine de matières évaluées en fin d'année, la réforme présentée le 14 février 2018 par le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer et effective pour la première fois se caractérise par cinq épreuves finales. Les autres sont distillées au cours des années de première et terminale. Ces dernières sont évaluées lors de trois sessions. Le tout compte pour 30% de la note finale tandis que 10 autres pour cent émanent des bulletins de premières et terminales."Une rupture d'égalité énorme"
Sur le papier, évaluer en partie les résultats sur la longueur, plutôt que de se contenter d'épreuves finales où les plus assidus pendant l'année peuvent totalement passer à côté et ne pas voir leur investissement récompensé se présente comme une idée non dénuée de sens. Arthur Léonard regrette néanmoins "la mise en oeuvre précipitée du système" et que les écueils que dénonçaient les enseignants avant même la validation de la réforme se confirment.
"Déjà, on ne peut plus parler de bac national, mais de bac local. Chaque lycée pioche dans une banque de sujets à soumettre aux élèves. Alors qu'avant on corrigeait des élèves d'autres lycées, maintenant ce sont les nôtres que l'on accompagne. Forcément, il y a un risque d'être plus indulgent avec nos élèves. En plus, de cela, rien ne nous empêche de préparer les élèves pendant l'année aux sujets du bac qu'on a choisis. Il y a une rupture d'égalité énorme", Arthur Léonard, professeur d'économie et gestion au lycée Condorcet.
Une égalité d'autant plus bousculée que les élèves ne passent pas leurs épreuves en même temps... et surtout que les sujets du bac ont fuité. "Vous tapiez bac sur twitter et vous aviez accès à un Google Drive avec des liens vers les sujets proposés sur certaines matières. Des informations qui vont profiter à ceux qui passent leurs épreuves en ce moment que n'avaient pas ceux qui les passaient il y a quelques semaines," commente Arthur Léonard.
Une réforme précipitée
Autre aspect dénoncé, une précipitation, source de nombreux couacs. "Il faut savoir qu'il y a souvent des sujets transversaux au bac qui nécessitent d'être allé au bout du programme. En STMG, dans une matière les professeurs ne pouvaient choisir qu'un seul sujet parmi la centaine de proposés parce que les autres nécessitaient d'avoir étudié des notions qui ne seraient pas encore toutes parcourues au moment des épreuves."
Pour couronner le tout, les grilles d'évaluations sur lesquelles les enseignants s'appuient pour préparer leurs élèves aux épreuves n'ont été transmises que tardivement. "Normalement, on les reçoit en septembre. Certains les ont eu en novembre, d'autres quelques semaines avant les premières épreuves..."
Arthur Léonard et certains enseignants prévoient de poursuivre la mobilisation mardi et d'offrir le même accueil chaleureux aux élèves de STMG qui passeront à leur tour une session d'épreuve, malgré la morosité qui les prend. "On est une équipe de jeunes profs qui a choisi ce métier par pure vocation et on commence déjà à désespérer un peu,"conclut-il.