"Calamiteux, fumeux, scandaleux, peu reluisant, fiasco, champ de ruines, enfumage, trompe l’œil, bla-bla"… sont quelques-uns des mots utilisés par la gauche pour qualifier le bilan de Xavier Bertrand à la tête de la région. Le ton de la campagne est donné : pas de quartier, pas de nuance.
Les principaux acteurs de la liste de la gauche réunie (EELV, PS, PC, LFI) aux élections régionales donnaient une conférence de presse mardi 13 avril, pour dresser un bilan de l’action de Xavier Bertrand à la tête des Hauts-de-France. Conférence de presse par vidéo extrêmement virulente qui multipliait à travers la région les points de direct : ici dans le bureau d’un maire, ailleurs devant un lycée, devant une agence Pôle Emploi, devant une gare, devant une usine… autant de lieux soigneusement choisis pour illustrer telle ou telle thématique. Le multiplex du dézingage.
Premier thème évoqué par cette liste d’union menée par une écologiste : le climat. Catherine Quignon-Le Tyrant, maire socialiste de Montdidier, commune pilote dans le domaine des énergies renouvelables, tête de liste dans la Somme, plante le décor. Elle affirme que Xavier Bertrand n’a cessé durant son mandat de réduire les moyens alloués à la défense de l’environnement. 37 millions d'euros en 2015, 16 millions en 2020. Le Vert Alexandre Cousin, qui se présente comme "agriculteur urbain" à Arras, enfonce le clou. "C’est open-bar pour les pesticides dans les Hauts-de-France, qui, du coup, est la région où l’on trouve le plus de monoculture, le moins d’insectes pollinisateurs, le plus de cancers." Il regrette que nos exploitations agricoles soient de moins en moins nombreuses mais de plus en plus grandes : 78 hectares en moyenne. Ce qui rend très difficile l’installation des jeunes.
Sur son carnet de notes, Xavier Bertrand, qui a en charge les lycées, récolterait un zéro. Le bilan du président sortant est "fumeux" selon Benoit Tirmarche (LFI) qui affirme que le budget alloué à l’éducation "baisse de 50 millions d’euros tous les ans." "Ce qui entraine, explique le nordiste, une absence de matériel, moins de personnel. A part quelques programmes de rénovation, nos lycées sont des passoires thermiques, des frigos en hiver et des fours en été."
Emploi : "80% des chômeurs ne connaissent pas les aides de la région"
Vient ensuite la question de l’emploi. Alexandre Ouizille, patron des socialistes dans l’Oise, s’est campé devant l’agence Pôle emploi de Margny-lès-Compiègne, pour rappeler que Xavier Bertrand avait promis en 2015 de "remettre la région au travail". Comme tous les autres opposants au président sortant, il a beau jeu de remettre "Proch’emploi" sur le tapis. "Un dispositif qui coûte 3 millions par an, très bien pour les coupures de rubans et pour les journalistes (qui seraient donc très impressionnables...), explique Alexandre Ouizille, mais qui n’a pas atteint ses objectifs. De toute façon, 80% des chômeurs ne connaissent rien des différentes aides de la région".
Julien Poix, pour La France Insoumise, tête de liste dans le Nord, est devant l’usine de transformation d’ammoniac Maxam de Mazingarbe, dans le Pas de Calais. Site emblématique, en liquidation judiciaire et occupée par ses salariés. En février, Xavier Bertrand avait appelé à une action en justice face à "l’abandon" d’un site classé Seveso, filiale d’un groupe espagnol contrôlé par un fonds d’investissement américain. "Xavier Bertrand verse des larmes de crocodile, estime Julien Poix, mais en fait la région aide des entreprises qui délocalisent, comme Maxam, La Française de Mécanique, Cargill, Bridgestone."
Arrive ensuite Benjamin Saint-Huile, en direct depuis sa ville de Jeumont, dans le Nord. Le maire socialiste regrette que la droite ait abandonné le plan de rénovation des logements engagé par la gauche lorsqu’elle était aux commandes du Nord-Pas de Calais. "Le nombre de dossiers est en baisse. Avant, chaque année, la région accordait des aides pour l’isolation de 3 000 à 20 000 euros à 6 000 propriétaires. Aujourd’hui, ces propriétaires ne touchent plus que 2 500 euros maximum et ils sont moins d’un millier à en bénéficier. Or, selon un chiffre de 2018, les Hauts-de-France compteraient 450 000 passoires thermiques."
Le tour de table se poursuit. Depuis Laon, l’écologiste Brigitte Fournié-Turpin accuse la région d’aider surtout les grands acteurs et les grands évènements du monde culturel… au détriment des formations modestes, des petites structures, des amateurs, des territoires éloignés. Depuis la gare de Beauvais, Roxane Lundy (Génération S) soupçonne Xavier Bertrand de vouloir abandonner les transports au secteur privé.
Depuis Nogent-sur-Oise, le médecin-urgentiste Loïc Pen, communiste, regrette que le président sortant n’a pas su "s’opposer à l’Agence Régionale de Santé, une technostructure – bras armé de l’Etat – qui désorganise plutôt qu’elle organise." Enfin, Karima Delli, qui conduit cette liste d’union de la gauche dans les Hauts-de-France aux élections régionales, tire la dernière salve. "Xavier Bertrand a été élu en 2015 avec les voix de la gauche, dit-elle. Il aurait dû être le président de tous les habitants de la région ; il a été le président d’un clan. Il a gouverné seul. Il a beaucoup promis, peu réalisé. Il n’a fait que servir sa campagne perpétuelle. Il est un candidat permanent".
Le candidat permanent sait maintenant ce qui l’attend : un pilonnage intensif venu de sa droite et de sa gauche. Une gauche qui se veut agressive mais qui – absente de l’hémicycle depuis sa défaite de décembre 2015 – prend le risque de braquer son électorat modéré, d’apparaitre comme revancharde et donneuse de leçons. Il se dit que Xavier Bertrand en profite déjà… en débauchant notamment dans le Pas de Calais quelques élus PS.