Une grande partie de la France victime de sécheresse, des températures estivales à Lille, des trombes d'eau dévastatrices dans le sud : octobre est marqué par une météo exceptionnelle et 2018 pourrait entrer dans les annales des années les plus chaudes.
"On n'a jamais vu ça de mémoire d'anciens, une sécheresse aussi longue", se désole Jean-Michel Humbert, agriculteur et éleveur bovin dans le village de Droyes, en Haute-Marne. "Dans les pâtures, on est sur la terre, il n'y a plus de vert du tout."
Droyes n'est pas une exception. "Octobre est un mois extrêmement sec après d'autres mois très secs", constate le prévisionniste de Météo France Frédéric Nathan. "La situation est très grave sur un grand quart Nord-Est. En Alsace, Lorraine, Franche-Comté, Auvergne, Bourgogne, on n'a jamais eu des sols aussi secs à cette période de l'année", souligne-t-il.
L'Ile-de-France, les Hauts-de-France ou encore la Vendée ne sont pas épargnés. Des records de température ont été battus sur la période du 10 au 19 octobre. Le thermomètre a grimpé à 27,1° à Nancy le 13 octobre, inédit depuis 1990. Il faisait 26,3° à Calais.
Le mercure a atteint 29,5° à Châteauroux le 14 octobre, battant un record de 1930. Paris a enregistré 27,2° le 13 octobre - une première depuis 1921 - et a connu sept jours consécutifs à plus de 25°. "Du jamais vu" à cette période de l'année, résume Frédéric Nathan.
Les responsables : un anticyclone et des dépressions atlantiques qui détournent le mauvais temps vers le nord des îles Britanniques ou vers la Méditerranée, avec pour conséquence des orages accompagnés de pluies torrentielles qui ont fait 14 morts dans l'Aude.
"Ça va rester anticyclonique, on attend très peu de pluie" sur les sept prochains jours, même si les températures devraient revenir à la normale en début de semaine, autour de 15-16° et 18-19° pour le pourtour méditerranéen, indique le prévisionniste.
L'année 2018 est partie pour s'inscrire comme une des années les plus chaudes. L'année est déjà la plus chaude sur les neuf premiers mois depuis le début des relevés en 1900. Pour l'instant, 2014 est en tête du classement en termes d'année pleine, devant 2011 et 2015.
Terrasses pleines
Les Parisiens ont profité du beau temps. "Les terrasses sont pleines, la journée comme le soir, c'est inespéré pour la saison", témoigne Roland Héguy, président de l'Umih, principale organisation représentant les hôtels, cafés et restaurants, rappelant qu'une terrasse, "pour un restaurateur ou un cafetier, apporte en moyenne 30% de chiffre d'affaires en plus".
Sur la côte atlantique, les beaux jours font les délices du secteur du tourisme, de la Bretagne aux Sables-d'Olonne en passant par Noirmoutier. Le beau temps en septembre et octobre a favorisé une clientèle "excursionniste" venue la journée ou le week-end, explique François Riou, directeur de l'office de tourisme des Sables-d'Olonne.
La situation désole en revanche agriculteurs et éleveurs. "La sécheresse de 2018 restera dans les annales", assure Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA et exploitant dans les Hauts-de-France. En 1976, année de sécheresse historique, "septembre avait sauvé l'élevage. Cette année le mois a été sec partout."
Les éleveurs nourrissent leurs bêtes avec de la paille et du foin, comme en hiver, certains vendent des animaux "avec un à trois mois d'avance, ce qui se ressent sur l'état d'engraissement", avec pour conséquence une baisse des prix.
Dans les champs, "on sème du blé dans de la poussière", se désole Brice Guyau, président de la FDSEA de Vendée.
Dérèglement climatique ?
Faut-il y voir la concrétisation du dérèglement climatique ? "Un mois particulièrement chaud ne sera jamais le signe du réchauffement", rappelle Samuel Somot, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRM).
Pour autant, la tendance est bien là concernant les températures. Une canicule exceptionnelle comme celle de 2003, avec 15.000 décès, pourrait devenir courante, avertit le chercheur. En parallèle, "on s'attend à une hausse des précipitations en hiver, plus marquée au Nord et une diminution en été, plus marquée au Sud" après 2050.
Des tendances encore difficiles à détecter car la pluviométrie reste très variable d'une année à l'autre.