Ancien graphiste à Los Angeles, il installe son atelier de céramique dans un bar à Abbeville : "j'ai eu un vrai coup de cœur pour le lieu"

Depuis juin, Pascal Plottier a installé son atelier de céramique en plein centre d'Abbeville. Ancien graphiste, il se consacre pleinement à cet art depuis trois ans. Un art qu'il exerce de manière très personnelle, aux yeux de tous, dans le bar qu'il a rénové.

De petits animaux, des tasses et des théières peuplent l’atelier de Pascal Plottier. Réalisées en terre cuite, ils côtoient des créatures imaginaires. Des pièces uniques créées selon la technique de la plaque. Mais le cœur de son travail, ce sont les constructions abstraites.

Des pièces sans nom

"Certains y verront une usine. Parce que c'est le retour que j'ai eu. Moi, j'y vois un visage parce que c'est un portrait en fait ! Chacun y voit vraiment ce qu'il a envie de voir à ce moment-là. Et peut-être que d'un jour à l'autre, on n'y verra pas la même chose non plus", explique-t-il, une de ses œuvres à la main.

C'est la raison pour laquelle Pascal Plottier ne nomme pas ses pièces, "parce que je veux que chacun y voit ce qu'il a envie d'y voir. Et c'est comme ça que ça marche. Du coup, j'ai plusieurs visions d'une même pièce ! C'est assez intéressant ! On n'a pas à guider. C'est le principe de l'abstraction."

Ces enchevêtrements de formes qui font la marque de fabrique de Pascal Plottier sont chargés en symboles. Les découvrir relève parfois du jeu d'énigme. Avec un emporte-pièce, le céramiste découpe des carrés dans une plaque de terre qu'il a préalablement étalée sur son établi. "Là, on a déjà la base de quelque chose qui peut évoluer". Et qu'est-ce qu'ils vont dire, ces carrés ? "L'équilibre, s'amuse-t-il. C'est une forme d'équilibre, le carré ! Et c'est un tout en soi ! Je pars toujours d'un carré. C'est une forme qui me questionne. Dans tout ce que je fais, le carré est majeur. Le point de départ, c'est toujours un carré. Ou un rectangle en tant que carré déformé."

Pascal Plottier, ancien graphiste, s’applique à manier la terre avant tout pour le plaisir. Trois sortes de terre plus précisément : une terre noire, chargée en fer et en manganèse qui donne un aspect métallisé à ses créations, une terre blanche qui permet une mise en couleur à l'émail "mais toujours très subtile" et une terre rousse. La terre, c'est la matière qui lui convient le mieux. "J'aime sa souplesse d'utilisation, sa mixité, sa variété. Et puis il y a des matières avec lesquelles on est plus confortable que d'autres. Et moi, c'est une matière avec laquelle je me sens. Quand je travaille la terre, je ressens beaucoup de sérénité. Un apaisement. Et puis du plaisir ! L'art, c'est de l'émotion. Moi, j'ai trouvé dans la terre le moyen de l'exprimer. Et la finalité, c'est de la faire passer."

Ce Haut-Savoyard d'origine a appris la céramique lorsqu'il étudiait en école d'art dans un double cursus graphisme/poterie. S'il a choisi de se spécialiser dans le graphisme, il n'a pas cessé de faire de la céramique en amateur. Un art qui a pris de l'ampleur dans sa vie il y a cinq ans au point de s'y consacrer à plein temps après le Covid. 

Rester près de la baie de Somme

Après avoir vécu à Los Angeles et à Paris, c’est à Abbeville, dans un ancien bar rénové, qu’il a installé son atelier en juin dernier. Un atelier-boutique où Pascal Plottier passe beaucoup de temps, accompagné de son berger australien et de son chat.

"Je voulais conserver la proximité de la baie de Somme. Et ici, ça a été un coup de cœur. J'ai visité plusieurs lieux, mais ici, je suis en bord de Somme. J'ai une boutique d'angle, ce qui est plutôt agréable en termes de visibilité. J'ai beaucoup de lumière naturelle. Géographiquement, je suis bien placé dans la ville. Et j'ai eu vraiment un coup de cœur pour l'endroit !, répète-t-il. Et puis j'avais le désir de me rapprocher des gens. Là, j'ai une vraie proximité : la porte s'ouvre et les gens entrent. On discute, on échange. C'est un enrichissement. C'est très agréable. Avoir fait de ce lieu mon atelier, c'est un achèvement. C'est chez moi. C'est un lieu de rencontre."

Au gré de ces rencontres, Pascal Plotter explique à ceux qui poussent la porte de son atelier qu'il lui faut deux à trois semaines pour imaginer une pièce et au maximum quatre heures pour la réaliser. Qu'il faut ensuite enfourner les œuvres dans un four à céramique pour deux cuissons : "la première qui s'appelle le dégourdi quand on travaille le grès et le biscuit quand on travaille des terres à plus basse température. Cette première cuisson permet de solidifier la terre tout en la laissant poreuse. Moi, je cuis à 950° C'est à ce stade-là que l'on peut émailler : l'émaillage, c'est comme de la peinture qui s'applique et qui fixe à la pièce par capillarité. C'est instantané. Mais mon travail n'est pas concentré sur l'émaillage. Une fois que l'émail est sec, on cuit la pièce une deuxième fois entre 1 200 et 1 300° selon les terres qui sont plus ou moins stables. La terre par exemple, comme elle est très chargée en manganèse, elle a tendance à faire des bulles donc il ne faut pas trop la chauffer."

Les cuissons prennent trois jours à peu près, entre la montée et la descente en température. Il faut attendre que le four soit entre 50 et 30° pour l'ouvrir, au risque de saboter le travail.

L'univers de Pascal Plottier frappe par une constance dans son éclectisme. Pour le découvrir de plus près, il ne vous suffit de pousser la porte de son atelier-boutique.

Avec Paul Thiry / FTV