Après un début de carrière dans le marketing dans laquelle elle ne se retrouvait pas, Florence Vandenhende a tout abandonné pour travailler le bois. D'abord sculptrice, elle est aujourd'hui tourneuse et fabrique des objets uniquement à base d'essences locales.
Elle a le geste sûr de ceux qui savent pourquoi ils font les choses. Visseuse à la main, Florence Vandenhende fixe le mandrin sur une pièce de bois avant de l’installer sur son tour. Elle couvre son visage avec un masque de protection et met en route. Stridente. Criarde. Dans ce bruit presque métallique, la gouge de Florence esquisse une forme avec aisance et légèreté.
Le bois du bois de Cise
Depuis maintenant 10 ans, Florence Vandenhende a laissé derrière elle une carrière dans le marketing à Paris pour travailler le bois. Après des débuts de sculptrice, elle a trouvé dans le tournage du bois matière à s’exprimer. À Ault, où son atelier-boutique est installé, elle fabrique des ustensiles de cuisine aux lignes modernes et épurées. "À la base, je voulais travailler la céramique. J’ai toujours voulu faire des choses utilitaires. Et pour faire des ustensiles de cuisine, la céramique, c’est mieux. Mais je voulais aussi travailler avec de la matière première locale. Et ça me paraissait plus complexe, d’un point de vue logistique, de récupérer et de travailler la terre locale que le bois local."
C’est en effet la particularité de son artisanat : le bois qu’elle transforme est récupéré dans un rayon de 50 kilomètres autour de son atelier. Dans les scieries locales, mais surtout le bois de Cise, à 20 minutes à pied. C’est d’ailleurs là-bas que Florence nous emmène, un sécateur et une scie à bois à la main. Un propriétaire de parcelle l’a appelée : un merisier est tombé lors du dernier gros coup de vent, elle peut venir se servir. "Le merisier, c’est un bois très joli. Un peu orangé. À travailler vert donc frais de coupe, c’est vraiment agréable, c’est assez tendre. En séchant, ça fait de belles ondulations. Je travaille aussi le hêtre, le chêne, l’érable, le frêne. Le frêne, il n’y en a pas beaucoup au bois de Cise. On a surtout du chêne et du hêtre, explique-t-elle. Je trouve que le bois d’ici est magnifique. Les bois exotiques sont peut-être plus précieux, mais ils ne m’attirent pas."
Grain, couleur, forme et imperfections
Florence aime aussi aller fouiller dans les scieries locales. Dans le fond des entrepôts, des granges où elle trouve toujours un morceau de bois qui traîne, oublié dans la terre et l’humidité. C’est le cas de celui dont elle a installé sur son tour à bois sous nos yeux. "Je vais en faire un mortier… du moins si je ne change pas d’avis en cours de route ! C’est un peu une mauvaise habitude que j’ai prise !"
Florence se laisse toujours porter par la matière. C’est le bois qui lui donne l’idée de l’objet. "C’est le grain du bois qui m’inspire. Et l’essence. Comme les cernes et le grain sont différents, je vais faire des formes plus rondes ou un peu balourdes. Le hêtre, je ne sais pas, je n’arrive pas à le tourner bien rond. Souvent, il sort avec des arêtes assez nettes."
La forme, La couleur, le grain, les imperfections aussi. Le morceau de hêtre qu’elle travaille présente des traces spécifiques qui donnera du caractère au mortier qu'il va devenir. "Il est échauffé. L'échauffure est due à un champignon qui se développe dans le bois, mais ce n'est pas toxique. Et si on arrive à récupérer le morceau de bois au bon moment, on peut le travailler. Il reste assez dur. C’est assez esthétique et unique", précise-t-elle en caressant la pièce.
"Tourner du bois, c’est un prétexte pour être en contact avec la matière. Je tourne le bois parce que j'aime le bois et j’aime les arbres. C’est une matière qui me convient." Une relation quasi charnelle que Florence exprime jusque dans les finitions : une fois tournées, certains objets sont noircis au chalumeau et gravés de petites marques à la gouge comme une signature. "Ça, je le fais sur le hêtre, sur le merisier parce que ce sont des bois à grain fermé. À la différence du frêne qui a un grain ouvert, donc ça rend moins bien. Et le frêne, comme le grain est ouvert, quand je carbonise, ça fait de belles formes. Finalement, il n’y a rien à ajouter. Tandis que sur les bois à grain fermé, la gravure rend bien."
Une démarche écologique et responsable
Pour elle, travailler les finitions, "c’est une façon de finir la pièce en douceur. Il y a des moments où il faut être productif parce qu’il faut bien en vivre. Mais il faut aussi des moments où on se pose. Et je le fais plus souvent maintenant que je fais de la vannerie aussi."
De la vannerie qu’elle vend au côté de ses ustensiles en bois dans sa boutique ouverte il y a sept ans. Une boutique qui attire les curieux par l’originalité de ses produits écoresponsables : "la première question des gens qui viennent en boutique, c'est est-ce qu'on peut les utiliser ? Est-ce qu'on peut manger dans les assiettes ? Est-ce qu'on peut utiliser les bols ? Oui ! On peut manger dans les assiettes ! Et dans les bols et utiliser les saladiers et les couverts ! Je trouve ça bien de réapprendre aux gens que c'est possible de manger dans du bois ! Ça ne gêne personne de balader sa nourriture dans des boîtes en plastique alors que c'est pire que tout !"
Une démarche écologique qui va jusqu’à recycler les copeaux de bois qui jonchent le sol de l’atelier et qui finissent chez les voisins, pour pailler les jardins ou les enclos des animaux.
Avec Claire-Marine Selles / FTV