L'association Règne animal propose aux particuliers d'adopter des chevreaux récupérés dans des élevages de la Somme et de l'Aisne pour leur éviter une mort certaine. En cinq ans, elle estime en avoir sauvé plus de 1 000.
Ils viennent tous d'élevages de chèvres laitières de la Somme et de l'Aisne. En ces mois de mars et d'avril 2024, plus de 200 petits chevreaux, âgés d'une à deux semaines à peine ou parfois pas encore nés, sont proposés à l'adoption par l'association Règne animal.
120 chevreaux déjà adoptés
Depuis cinq ans, à la saison des naissances, Carine Demaurey, la fondatrice de l'association, va récupérer chez les éleveurs les petits considérés comme inutiles et destinés à l'abattoir.
Ce sont les déchets de l'industrie laitière. Les élevages s'en débarrassent dès la naissance pour prendre le lait des mamans. Donc dès qu'ils en ont beaucoup, au lieu de s'en débarrasser eux-mêmes, ils m'appellent.
Carine Demaurey, fondatrice de l'association Règne animal
Depuis début mars, Carine Demaurey a placé 120 chevreaux chez des particuliers et 15 sont actuellement en famille d'accueil en attendant d'être adoptés. La semaine dernière, la bénévole a récupéré 55 bébés et 4 chèvres réformées (qui ne produisent plus assez de lait). Et une centaine de chevreaux doivent encore être sauvés par Règne animal début avril.
Basée à Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne, Carine Demaurey se déplace aux endroits qui conviennent le mieux pour réunir le plus d'adoptants possible. Ces dernières semaines, aidée d'une amie, elle s'est rendue à Lille, Villeneuve-d'Ascq, Senlis, ou encore Rouen pour remettre les chevreaux aux adoptants.
"Ils sautent, ils nous montent dessus"
Samedi 16 mars, Laurent Blin et son épouse sont allés chercher deux petits chevreaux à Lille. Dans leur maison de ville dotée d'un grand terrain à Valenciennes, le couple s'habitue petit à petit à cette vie avec leurs nouveaux colocataires, Diego et Anatole.
"Ils étaient assez stressés à leur arrivée. Mais ce matin ça allait mieux. Ça crée de la joie, ils sautent, ils nous montent dessus. On a l'impression que notre rythme va se caler sur le leur", observe Laurent, ravi d'avoir pu les sauver.
L'occasion pour le graphiste de 52 ans de découvrir les dessous de l'industrie laitière. "Je ne m'étais jamais posé la question en fait, je pensais qu'une loi empêchait ça. On n'est pas forcément militants pour ce type de cause, mais ça résonne dans notre tête. C'est bizarre de se dire qu'ils sont considérés comme des déchets."
Une prise de conscience qui pourrait amener le couple à changer ses habitudes. "On fait déjà attention à acheter des produits locaux, mais on va être encore plus vigilants sur ce qu'on achète et à la provenance", assure Laurent.
Du terrain et du temps
Règne animal fixe plusieurs conditions à l'adoption des petits animaux : un terrain de 1 200m² minimum pour deux chevreaux avec une clôture d'1m50 de haut, ainsi qu'un abri fermé et chaud. Il faut aussi en adopter minimum deux, et avoir du temps, car il faut leur donner le biberon trois à quatre fois par jour jusqu'à leurs trois mois.
Quant au profil des adoptants, l'association reste vigilante et privilégie les petites familles. "Il faut que les chevreaux soient considérés comme des animaux de compagnie. On ne veut pas que des gens les utilisent. On essaie de faire changer le regard des gens sur les animaux de ferme. Il faut apprendre à les côtoyer et les regarder d'un autre œil", souligne Carine Demaurey.
Sensibiliser à l'existence d'alternatives végétales
Au-delà de sauver des animaux de l'abattoir, l'association veut aussi sensibiliser la population à l'existence d'alternatives végétales au lait d'origine animale. "Nous sommes les seuls à consommer le lait d'autres espèces à l'âge adulte et ce n'est pas normal", appuie la fondatrice de Règne animal.
Selon l'association L214, en 2021, 812 000 chevreaux ont été conduits à l'abattoir en France. Depuis quelques années, les options de lait végétal se multiplient dans les rayons des supermarchés : avoine, soja, noisette, chanvre, pois, riz, coco, amande. Des options nombreuses dont l'impact environnemental varie cependant selon les cultures.
En cinq ans, l'association estime avoir sauvé plus de 1 000 chevreaux d'une mort certaine. En plus de cette activité, elle récupère et place dans toute la France des animaux abandonnés et maltraités. Règne animal ouvrira bientôt une cagnotte pour acheter un camion afin de pouvoir transporter plus facilement ces animaux.