Les plus précaires dépendent des dons pour se nourrir mais certaines associations caritatives ont fermé leurs centres de distribution à cause de la crise sanitaire liée au coronavirus. Pour les personnes dans le besoin, comme Ophélie et sa famille, il ne reste plus que la débrouille.
Ophélie habite avec son mari et ses quatre enfants dans un immeuble à Amiens Nord. La famille vit avec 1400 euros par mois et les dons alimentaires de plusieurs associations. "Habituellement, je récupère un colis par semaine aux Restos du Cœur, un panier tous les quinze jours auprès de la Croix-Rouge et un colis par mois au Secours Populaire. On gère nos repas avec ce qu'on nous donne. Après le loyer et les factures, il nous reste 200 euros par mois", nous explique Ophélie.
La journée, on se nourrit de café
Mais depuis jeudi dernier, le 26 mars, certains centres de distributions ont fermé leur porte. "Depuis 10 jours, nous allons au supermarché mais certains rayons sont vidés, comme celui des pâtes. Sans ces denrées pas chères, je ne sais pas comment faire. Le budget ne suit plus. Nous ne pouvons pas acheter trop de viande, ni de produits frais. Alors, avec mon mari, nous ne déjeunons plus pour que les enfants aient deux repas équilibrés par jour. La journée, on se nourrit de café", raconte la mère de famille, inquiète.
Toute l'année, le couple s'en sort grâce aux petits boulot en intérim mais depuis le confinement, les entreprises qui les employaient ont fermé et les cantines des établissements scolaires aussi. "Ils pouvaient y manger équilibré chaque midi et pour pas très cher, ajoute Ophélie. Le stress prend le dessus. On ne sait pas comment on va continuer à nourrir toute la famille".
Au stress s'ajoute la promiscuité
Pour cette famille, sortir est devenu impossible. Tous restent à l'abri dans leur appartement même si parfois, l'urgence prend le dessus. "Ma mère et ma belle-mère, âgées toutes les deux, ne peuvent pas sortir. Je les ravitaille de temps en temps, en bas de leur immeuble. Mais j'ai peur de sortir et de me faire arrêter. Je n'ai pas l'argent pour payer une amende de 135 euros".
Les journées sont ponctuées par les devoirs. Une organisation à peine rodée depuis 15 jours. "Nous n'avons qu'un vieil ordinateur partagé entre mes quatre enfants deux heures par jour chacun. Nous bricolons un peu, nous faisons des puzzles. Mais le temps est très long pour tout le monde".
Nous, les parents, on est parfois au bout du rouleau
Et les enfants s'impatientent, ce qui rend le quotidien des parents encore plus difficile, selon Ophélie. "Je sens mes enfants très stressés. Ils tournent en rond et demandent quand ils pourront retourner à l'école. Nous n'avons pas de balcon et leur seul moment à l'extérieur, c'est à tour de rôle pour aller promener le chien ou sortir à la fenêtre pour applaudir les soignants à 20 heures tous les soirs. Et nous, les parents, on est parfois au bout du rouleau".
Ophélie et son mari se demandent jusqu'à quand ils pourront encore tenir psychologiquement et financièrement. Leur budget pour le mois d'avril est déjà en partie entamé.
Des centres de distributions de denrées alimentaires fermés
A la Croix-Rouge, les dons sont suspendus jusqu'au 17 avrilÀ Amiens, le centre de distribution de la Croix-Rouge, rue Blériot, au nord d'Amiens a dû fermer ses portes vendredi 27 mars, faute d'approvisionnement de la Banque alimentaire. La distribution des colis devrait reprendre les 17 et 24 avril prochain.
Il reste le centre de distribution alimentaire de la Croix-Rouge au square Friand, ouvert le matin, sans inscription, du lundi au jeudi. "Les denrées que nous proposons aux personnes dans le besoin sont variées : des produits frais, des viennoiseries, du pain... ils viennent des dons des supermarchés. Ceux que l'on a pu récupérer la veille, nous le redistribuons le lendemain", explique Paul Garbe, responsable de la Croix-Rouge à l'unité locale d'Amiens.
Un service de distribution spécial a également été mis en place, au niveau national. Des bénévoles de la Croix-rouge livrent des colis à domicile aux personnes les plus précaires qui ne peuvent pas se déplacer. (Numéro vert le 09 70 28 30 00, 7 jours sur 7, de 8 à 20 heures.)
Les Restos du cœur font leur pause annuelle
De leur côté, les Restos du Cœur ont fermé leurs centres de distribution dans la Somme. Une fermeture annuelle structurelle pour clore la campagne d'hiver et permettre aux bénévoles d'organiser les stocks et la distribution estivale, qui doit débuter la semaine du 6 avril.
Toutes les inscriptions d'été n'ont pas pu être effectuées mais Marie Nouali, présidente des Restos du cœur de la Somme, l'assure : tout le monde sera servi. "Ceux qui étaient inscrits cet hiver et qui rentrent dans le barème d'été, c'est à dire, 70% de nos adhérents, les plus précaires, seront réinscrits d'office. Nous ne pouvons plus rencontrer les familles pour analyser leur situation et voir si elle a évolué donc ce n'est pas le moment de faire la fine bouche, ni d'être suspicieux. On est en crise humanitaire".
Pour les personnes en grande précarité, l'accueil de jour, situé boulevard du Port d'Aval, distribue des sandwichs tous les jours à 17h.