Amiens : la holding Jestia choisie pour reprendre Ageco et une partie de ses salariés

Le tribunal de commerce d'Amiens a choisi ce 31 mars l'entreprise Mobidécor, filiale de Jestia, pour reprendre Ageco agencement, actuel occupant de l'ex-site Whirlpool qui connaît son 3e acquéreur en 3 ans. Repreneur de l'usine en août 2019, Ageco a été placé en redressement judiciaire le 4 mars.

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Le tribunal de commerce d'Amiens a choisi ce 31 mars l'entreprise Mobidécor, filiale de la holding Jestia, pour reprendre l'ex-site de Whirlpool. Spécialisée dans la fabrication de mobilier destiné aux collectivités territoriales, Mobidécor devrait conserver 36 des 81 salariés actuellement employés par Ageco agencement, concepteur de bureaux placé depuis le 4 mars en redressement judiciaire. Cette reprise partielle, effective ce 1er avril, passera donc par un plan social.

Le projet de reprise de Jestia était en concurrence avec celui de l'entreprise Caddie, qui annonçait reprendre 44 salariés. Le tribunal de commerce a jugé que le premier dossier était plus sécuritaire en termes financiers.

Des salariés amers

À la sortie du tribunal, les salariés sont mitigés face à cette décision. "On avait réalisé un sondage en interne, souligne Serge Touttain, représentant des employés. 41% des salariés s'étaient déclarés en faveur d'une reprise par Caddie et seulement 20% pour Jestia. Le reste ne souhaitait pas de reprise du tout." 41 ex-Whirlpool composent aujourd'hui l'effectif d'Ageco. Las de ce ballet de licenciements et de reprises, ces historiques composent l'essentiel des 39% de salariés qui se prononçaient contre une troisième reprise.

 

Du site qu'elle trouve bien trop grand, Jestia ne conserve que la menuiserie. Ça signifie plus d'activité de métallerie, donc plus besoin d'ex-Whirpool.

Serge Touttain, représentant des salariés

De plus, cette troisième reprise signe la fin du site du quartier Étouvie : à terme, Jestia souhaiterait déménager aux alentours d'Amiens, "à moins de 30 minutes en voiture". "Avec les salaires auxquels nous sommes payés, on ne peut pas se permettre de faire une heure supplémentaire de voiture par jour, considère Serge Touttain. Le tribunal donne des explications : par son choix, il privilégie la pérénnité. Mais avec Caddie, on avait la certitude de rester sur place et d'avoir davantage de gens repris."

"Il ne pouvait pas y avoir de bonne décision. On savait, dans tous les cas, qu'on allait perdre la moitié de l'effectif, juge Antoine Gérard-Shine, co-dirigeant d'Ageco avec François Company, très déçu du dénouement de l'histoire. La métallerie disparaît malheureusement, mais on aura réussi à sauver une quarantaine de salariés. Mobidécor paraît solide."

Maintenant, il faut qu'on digère, François [Company] et moi, le fait qu'on ait perdu notre entreprise.

Antoine Gérard-Shine, co-fondateur d'Ageco

Une histoire qui se répète

L'histoire ne cesse malheureusement de se répéter pour l'ex-site Whirlpool, qui a connu trois repreneurs différents en l'espace de trois ans. Après la délocalisation vers la Pologne des activités de la dernière usine française de Whirlpool annoncée en janvier 2017, le site avait été momentanément repris en juin 2018 par l'entreprise WN, avec 250 des 280 salariés, avant d'être placée en redressement judiciaire.

Ageco agencement, avait repris à son tour le site industriel en août 2019 et 44 salariés, avant de lui aussi connaître de grandes difficultés financières. Le reprenneur Jestia a assuré de trouver un poste aux deux directeurs d'Ageco Antoine Gérard-Shine et François Company. "C'est écœurant que ces gens-là arrivent à se replacer alors que 45 personnes restent sur le carreau," glisse Serge Touttain.

"Nous n'avons rien signé. La question de nous reprendre a juste été évoquée par le repreneur et nous pourrions accepter s'il a besoin de nous, répond Antoine Gérard-Shine. Je comprends qu'il y ait de la colère et de l'amertume, mais il faut comprendre notre position, poursuit le chef d'entreprise. Ça fait deux mois que je ne me paye plus. J'ai cru en ce projet, en l'industrie française et ai changé de vie, en venant de Bordeaux pour m'installer à Amiens. Nous dirigions une entreprise valorisée à 2,5 millions d'euros et aujourd'hui nous n'avons plus rien."

Antoine Gérard-Shine et François Company souhaitent l'ouverture d'une enquête pour comprendre les raisons de l'échec de l'aventure Ageco à Amiens. Ils pointent notamment deux anomalies lors de la reprise de WN : le plan d'affaires réalisé par un cabinet d'audit - qui prévoyait 15 millions d'euros en 2020 et 8 en 2021 sur les ventes de shopping boxes conçues par WN, Ageco n'en a vendu aucune - et la nouvelle, quelques mois plus tard en novembre 2019, que les brevets des shopping boxes étaient entièrement antériorisés, et donc n'avaient aucune valeur ajoutée. "Si on n'avait pas ce brevet, on ne faisait pas la reprise," conclut Antoine Gérard-Shine.

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