Touchée par le sort d'un jeune homme qui mendiait dans la rue, accompagné de son chien, une avocate décide de lui venir en aide en lui offrant une nuit d'hôtel. Un geste généreux qui rencontrera bien des obstacles avant de connaître une fin heureuse.
C'est une belle histoire qui réchauffe les coeurs et que nous relate une avocate. Souhaitant rester discrète donc anonyme, nous l'appellerons ici, Marie.
Marie est avocate au Barreau de Beauvais. Alors qu'elle est en déplacement à la Cour d'Appel d'Amiens pour plaider un dossier, elle passe devant un SDF assis dans une rue du centre d'Amiens à faire la manche avec son fidèle compagnon.
"Il faisait froid et je me suis arrêtée pour lui parler et lui donner de l'argent pour se nourrir et nourrir son chien, raconte l'avocate, et puis, je me suis dit que je pouvais peut-être le soulager plus qu'en l'aidant à se nourrir pour une journée".
Après réflexion, s'estimant privilégiée, Marie veut aller plus loin en lui offrant une chambre dans un hôtel pour passer la nuit.
"Une nuit d'hôtel ne me mettrait pas sur la paille mais pour lui, ce serait : 24h00 de répit, l'accès à un lit, à un endroit chaud et confortable, l'accès à des toilettes, à une douche, un luxe inouï pour quelqu'un qui vit dans la rue".
Chose dite, chose faite, Marie fait part de sa proposition au SDF. "Je ne voulais pas être intrusive ou autoritaire dans sa vie privée. Ce geste était à ma portée, alors je l'ai fait".
Le jeune homme lui donne son prénom, Pierre, et celui de son chien, White. Il lui signale qu'il n'a pas de pièce d'identité pour justifier de son identité lorsqu'il se présenterait, après sa réservation.
Avec son accord, l'avocate le prend en photo pour le montrer à la réceptionniste afin qu'elle le reconnaisse.
"Il m'a remercié mille fois. Pierre est un jeune homme très poli et bien élevé. Son chien est également très gentil et calme".
Marie se présente à la réception de l'hôtel. Elle explique sa démarche. Rassure la réceptionniste qui finit par accepter la réservation et le règlement de l'avocate.
Grosse déconvenue
À 13h, Pierre rappelle l'avocate. Le directeur de l'hôtel lui refuse l'accès à la chambre parce qu'il n'a pas de pièce d'identité. "Choquée qu'on lui demande à lui sa CNI alors qu'à moi, l'hôtel ne l'avait pas demandée, j'ai vérifié les textes applicables en matière hôtelière et constaté que l'hôtel n'avait pas le droit de lui refuser l'accès à la chambre payée pour lui, dans la mesure où j'avais donné mon identité et réglé avec une carte de paiement à mon nom".
Un bras de fer s'engage. L'avocate menace de porter plainte "pour le délit pénal de discrimination", en vain.
En bonne professionnelle, elle demande le soutien de la police, sollicite la mairie et le centre social. Ses démarches restent vaines. Les faits ne sont ni graves ni urgents.
Retournement de situation
Dépitée, Marie rappelle l'hôtel. Pierre avait dit qu'il pourrait récupérer une pièce d'identité pour le lendemain. Elle veut s'assurer que l'établissement prenne un engagement écrit, car elle n'a plus confiance. Alors que l'hôtel ne répond pas, le directeur l'appelle en fin de journée. Celui-ci a contacté le service juridique qui a confirmé qu'il ne pouvait exiger de la personne pour qui elle avait réservé qu'elle présente sa carte d'identité. Les conditions générales de l'hôtel n'ont pas été présentées à sa connaissance avant son paiement.
Mais ce qui a le plus touché Marie, c'est l'attitude du directeur qui lui a avoué avoir été touché par sa démarche. "Non seulement il a pris l'engagement par écrit de différer la réservation au lendemain mais comme je m'inquiétais de savoir si le prix de la chambre comprenait le petit-déjeuner, il m'a déclaré qu'il allait offrir celui-ci".
Parce qu'une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, l'avocate vient de recevoir un autre mail du directeur qui l'informe que, touché par cette histoire, le personnel de l'hôtel s'est cotisé afin d'offrir à Pierre et White une seconde nuit ce soir dans l'hôtel.L'élan de solidarité s'est propagé comme un virus bienfaisant.
En ce mois de février, Marie se plaît à rêver. "Que pourrait-il bien se passer pour Pierre et White (et tous les autres êtres humains qui ont moins de chance que nous), si d'autres personnes étaient touchées à leur tour ?".