Auxiliaire de vie sociale, un métier déconsidéré. Témoignages dans la Somme

Ce lundi, le député de la Somme François Ruffin présentait ses propositions en vue d’améliorer les conditions de travail de ce qu’il appelle "les métiers du lien". Parmi eux, les auxiliaires de vie sociales qui travaillent au domicile des personnes âgées. Témoignages dans la Somme.

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Laura Douvilliez, 30 ans, en arrêt de travail au bout de 3 ans. Sylvie Dufossé, 54 ans, en arrêt maladie depuis novembre 2019. Martine Duchemin, 62 ans, encore en activité.
Toutes les trois ont choisi d’être auxiliaires de vie et exercent dans la Somme. Elles nous font part de leurs conditions de travail au quotidien et déplorent le manque de reconnaissance. 
 

État des lieux : entre arrêt de travail et reconversion

Laura : "J’ai travaillé un weekend sur deux pendant deux ans jusqu’au jour où je me suis bloquée les cervicales. Je me suis bloquée le 27 avril 2020, du fait d’avoir travaillé dans la douleur. J’ai trop forcé. Aujourd’hui, je dois me reconvertir."

Sylvie : "Je me suis faite opérer en février de l’épaule pour une rupture des ligaments. Je devais porter une dame de 120 kg toute seule. Pour reprendre le travail, il faut qu’on me trouve un poste adapté car je ne peux plus porter les personnes âgées."
 

Des conditions de travail dégradées : entre manque de matériel et interventions chronométrées

Laura : "On est payé autour de 800 euros par mois en faisant des journées qui commencent à 7h pour se finir à 20h, souvent sans manger. On travaille avec les bénéficiaires de celles qui sont en arrêt maladie. Moi, j’avais le permis mais je n’avais pas de voiture. À Amiens, quand on est en bus, ça nous retarde toute la journée. On manque aussi de matériel pour travailler dans de bonnes conditions, comme des verticalisateurs ou des lève-malades. C’est très important. Aujourd’hui, j’ai 30 ans et j’ai le dos courbé. Le matériel est vraiment nécessaire pour des personnes qui ne peuvent pas se lever. Dans la journée, on a 7 à 10 personnes".

Sylvie : "Le matériel n’est pas adapté mais certaines personnes n’ont pas les maisons adaptées non plus. Elles sont souvent trop petites. La toilette se fait parfois dans la cuisine. Le département a réduit les prestations de 45 à 30 minutes. On a une demi-heure pour trouver des clés, lever la personne, ouvrir les volets, aller sur la chaise percée, faire la toilette plus le rasage pour les messieurs, donner le petit déjeuner et faire la vaisselle. On a l’impression de les bousculer. On a toujours l’horloge dans la tête. C’est de la maltraitance aux personnes âgées."

Martine : "On a une mission. Faire la toilette, le ménage, on est prévenues. Mais ça s’est dégradé dans le temps. Quand je travaillais en Indre et Loire, j’avais des missions de 2h. Notre employeur ne nous déplaçait pas pour des missions de moins d’1h. Je faisais des accompagnements, comme d’amener une personne au cimetière, ou à l’église. Ici, je n’ai plus d’accompagnements et les missions sont courtes, une demi-heure, sans coupure. Ça m’a choquée. Moi, je pensais plus prendre soin de la personne, par exemple lire le journal. Là, ce n’est pas possible."

Lundi 5 octobre, le député de la Somme (Picardie Debout), François Ruffin, était au conseil départemental pour présenter ses propositions en vue d'améliorer les conditions de travail de ce qu'il appelle "les métiers du lien", comme les auxiliaires de vie sociale.
 

Il y a des petites mesures qu'on met en oeuvre, qui ne sont pas forcément des pas de géant mais qui sont des petits pas, qui indiquent la direction dans laquelle on souhaite aller pour des auxiliaires de vie sociale. Le président Macron disait d’elles pendant la crise 'notre pays repose tout entier sur ces femmes et ces hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal'. Il est temps maintenant de les reconnaître et de les rémunérer davantage.

François Ruffin, député de la Somme


Un constat commun : entre manque de reconnaissance et demande d'un statut

Laura : "On parle souvent de ce métier mais je ne vois jamais rien aboutir. Tout le monde est d’accord pour qu’on soit reconnues mais est-ce que ça va aboutir ? Le plus dur, c’est qu’on a travaillé toute la période du Covid et d’entendre que ce sont les infirmières qui ont été valorisées. Nous, on a été dans l’oubli, au niveau des primes, même ça, on ne l’a pas eu alors qu’on était en première ligne, sur le terrain, à soigner les gens. On ne voit même pas notre famille. Ça, ça fait mal. C’est le plus dur. On devrait être valorisé. On dirait qu’ils veulent nous dégoûter du métier mais moi je ne suis pas dégoûtée, c’est juste dans le manque de reconnaissance."

Sylvie : "J’aime le contact, les gens. J’aime mon métier mais les conditions de travail, non. On n’est ni écoutées ni entendues. On ne prend pas en compte nos problèmes. Il y a beaucoup de dépressions, d’arrêts maladie. Il manque de personnel. Les associations ont beaucoup de mal à recruter, ce qui crée une surcharge de travail. Les remplaçants pendant les vacances ne reviennent pas. Si seulement on avait un vrai statut."

Martine : "On est considérées comme des femmes de ménage. On n’a pas de considération vis-à-vis de la société. Par exemple une infirmière, elle est reconnue. J’ai un contrat de 104h. Je suis payée 1050€ bruts, soit 857€ nets. On demande un nouveau statut et une revalorisation des salaires mais que ce ne soit pas les personnes qui paient pour nous. Il faudrait que ce soit l’État qui prenne en charge et les départements. Comment se faire reconnaître ? En étant visible. Avec le Covid, ça commence, c’est un bon début mais ce n’est pas gagné."
 
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