La tornade qui a causé des dégâts dans le secteur de Conty (Somme) et de Bapaume (Pas-de-Calais) le 23 octobre a parcouru au moins 147 kilomètres jusqu'en Belgique, une distance record. Son trajet, identifié grâce aux analyses menées par l'observatoire Keraunos, pourrait éventuellement atteindre les 190 kilomètres.
À la manière du Petit Poucet, la tornade de Conty a laissé des traces plus ou moins visible sur son passage, le 23 octobre dernier. Pour identifier son parcours, l'observatoire Keraunos, spécialisé dans les phénomènes météorologiques violents, a été à l'affût de chaque indice. Grâce à son analyse de terrain, ils ont mis en évidence un "couloir de dégâts tornadiques" de plus 145 kilomètres à travers les Hauts-de-France jusqu'en Wallonie. C'est un record de distance en France.
Collecter les indices
Si l'ampleur des ravages causés dans les alentours de Conty (Somme) et Bapaume (Pas-de-Calais) ne laisse aucun doute sur une visite de la tornade dans ces villages, le reste du parcours a été moins évident à identifier. Le cataclysme a en effet traversé "de vastes zones cultivées sans obstacles" et a parfois baissé d'intensité.
Keraunos utilise l'échelle de Fujita améliorée (EF) pour quantifier la force d'une tornade. Pour repère, la tornade de Conty a atteint le stade 3 (EF3), soit un stade où les tornades sont qualifiées de "fortes" et "génèrent des vents compris entre 220 et 270 km/h". Keraunos indique que des tornades EF3, EF4 et EF5 sont observables en France mais restent néanmoins rares. Les 24 et 25 juin 1967, une série de tornades s'étaient abattues sur le Cambrésis et l'Artois causant la mort de 6 personnes à Palluel (EF5), 2 à Pommereuil (EF4), Davenescourt (EF3) et Argoules (EF2).
De la Somme à l'Hainaut
Aidée par les vents normands, la tornade pourrait trouver son origine dans l'Oise ou encore en Seine-Maritime. Les chercheurs de Keraunos ont pour le moment confirmé qu'elle était passée dans le secteur de Belleuse, Conty et Ô-de-Selle, avec une zone d'aspiration forte allant jusqu'à 400 mètres. Le phénomène remonte ensuite vers l'agglomération d'Amiens, qu'elle contourne vers l'est avec une force plus modeste.
Même si l’on note plusieurs phases successives de "renforcement-affaiblissement", aucun élément ne permet de scinder ce sillon de dégâts en plusieurs tornades distinctes, tant la continuité, l’alignement et la suite chronologique des dégâts plaide en faveur d’une tornade unique.
Observatoire Keraunos
La tornade regagne en intensité près du golf d'Amiens, sur la commune de Querrieu (Somme), où Keraunos a trouvé des arbres couchés dans la même direction. Elle aurait été galvanisée, selon les chercheurs, par les fortes rafales de vent qui ont soufflé dans un axe Amiens-Allonville-Saint-Gratien au nord-est du parcours de la tornade.
Revenue à une intensité de EF0 puis enhardie dans la vallée de l'Ancre à la sortie de la Somme vers le Pas-de-Calais, la tornade cause à nouveau d'importants dégâts en traversant le bourg de Bihucourt (Pas-de-Calais), tout près de Bapaume.
Un record de distance
La tornade se joue des frontières nationales : Keraunos estime que les traces de cette tornade unique s'arrêtent au sud de la commune d'Ath, dans le Hainaut (Belgique). Avec son itinéraire d'au moins 147 kilomètres (dont une vingtaine en Belgique), la tornade de Conty a parcouru une distance jamais documentée en France par Keraunos pour un phénomène individuel. Le record était détenu par la tornade de Saint-Claude (Jura) en 1890, avec 80 kilomètres.