Le Centre de jour pour adolescents tel qu'il existe à l'heure actuelle est menacé. En cause, la suppression possible de la ligne budgétaire de l'Agence régionale de santé (ARS) qui lui est dédiée. Patients, corps médical et intervenants sont très inquiets.
Musique, théâtre, ateliers d'écriture, jeux de rôles... Le Centre de jour pour adolescents du CHU d'Amiens propose de multiples activités pour les adolescents hospitalisés pour tout type de pathologies : cancers, leucémies, dépression, phobie scolaire, anorexie mentale... Objectif, accompagner les patients (et 30% d'extérieurs) grâce à des thérapies non-médicamenteuses.Seulement depuis quelques jours, la menace d'une fermeture plane sur le Centre. Deux éducatrices ont été convoquées par la direction le 27 novembre. Le "redéploiement" de l'une d'entre elles dans un autre service a été évoqué. Le Dr Pérot, responsable médical du Centre, a lui sollicité un entretien, vendredi 8 décembre. On lui parle alors de "complications comptables anciennes et malheureuses" et d'une "ligne budgétaire de l'Agence régionale de santé (ARS) supprimée".
Le pédopsychiatre tient une position "vigilante et inquiète" et espère "de tout coeur qu'une solution sera trouvée". "Nous ne sommes qu'au stade des intentions, et non des certitudes", résume-t-il.
"Reformuler le projet"
Contactée par nos soins, la direction assure qu'il "n'est pas question de fermeture au 31 décembre" mais qu'elle est en "discussion avec l'ARS afin d'identifier des solutions pour assurer une continuité de soins pour les adolescents avec la même dimension socio-éducative". Gérard Stark, directeur général adjoint, évoque une "reformulation du projet" et un "réajustement de l'équipe d'éducateurs spécialisés et de leurs missions".
Des termes plutôt vagues qui alimentent l'inquiétude grandissante au sein de l'équipe, qui se dit à la fois "révoltée" et "brisée" et dénonce une "omerta administrative et financière". Les éducateurs spécialisés s'interrogent sur leur propre avenir mais également sur celui des adolescents. Si le Centre disparaît, où vont aller les jeunes en difficultés, malades ? Ne vont-ils pas être envoyés directement en psychiatrie à l'hôpital Pinel ?
Un concept avant-gardiste
Le Centre a été mis en place il y a 21 ans par les professeurs Christian Mille, pédopsychiatre et Bernard Boudailliez, pédiatre. En 21 ans, le Centre a accueilli de deux à trois cent adolescents par an à raison de 17 ateliers par semaine.
Le concept, nouveau à l'époque, a été repris partout en France. "Ils avaient 20 ans d'avance et leur idée a rayonné partout", raconte un membre de l'équipe. "Aujourd'hui, on détruit tout ce qu'ils ont construit", dénonce-t-il.
Grâce à cette expérience, j'ai réussi à vaincre mes angoisses
Aline, une ancienne patiente, a été hospitalisée à l'âge de 15 ans pour phobie scolaire. À l'époque, elle avait participé aux ateliers du Centre de jour pendant un an. Théâtre, musique, cuisine... Les différentes activités proposées lui ont permis de reprendre confiance en elle et de garder un lien social avec d'autres jeunes alors qu'elle était déscolarisée.
"Grâce à cette expérience, j'ai réussi à vaincre mes angoisses. On était tous dans le même bateau, on ne savait pas forcément pourquoi les autres étaient hospitalisés, il n'y avait pas de jugement", témoigne Aline. Une aide précieuse sans laquelle Aline ne s'en serait peut-être pas sortie.
Aujourd'hui, il semblerait que le CHU ait obtenu un sursis de la part de l'ARS. Contactée, l'Agence déclare qu'elle est "en lien avec l’établissement pour évaluer le fonctionnement du centre de médiations éducatives et envisager avec lui les modalités de poursuite de cette activité". Une rencontre est prévue avec la direction de l'hôpital "en décembre ou janvier", selon M. Stark.