L'article 10 du projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" prévoit le transfert à la région des missions d'information et d'orientation des jeunes. En d'autres termes, cet article annonce la probable fermeture des CIO.
L'existence des centres d'information et d'orientation (CIO), un service public d'orientation, est menacée par la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" qui vient d'être adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale. L'apprentissage, la formation professionnelle et l'orientation seront confiés aux régions à partir du 1er janvier 2019. Les psychologues de l'éducation nationale qui sont des conseillers en orientation, et travaillent au plus près des jeunes et de leurs parents, s’inquiètent de la disparition des CIO et du transfert des DRONISEP (Délégations Régionales de l’Office National d’Information sur les Enseignements et les Professions). Ces structures seraient supprimées et leurs personnels transférés aux régions. Ils défendent un service public ouvert à tous, même aux jeunes qui sont en décrochage scolaire.
Catherine Bas, responsable académique pschychologue de l'éducation nationale EDO (éducation, développement,orientation), et représentante pour le SNES-FSU des personnels au niveau national nous a fait part de ses craintes face à ce démantèlement annoncé.
«Avec ce changement, les jeunes n'auront plus accès aux informations nationales par le biais des CIO ni des lycées, puisque c'est la région qui décidera des informations prioritaires à leur transmettre!. Nous avons pris contact avec les parents, nous avons alerté les députés, car cela s'est fait sans concertation. Nous avons même manifesté le 5 juin dernier à Paris. 1 200 personnes sur les 3 771 professionnels des CIO étaient présents ce jour-là. Aujourd'hui nous ne savons toujours pas ce que nous allons devenir. Le ministre parle de mettre les CIO dans les établissements scolaires. Il faut savoir que les CIO sont des lieux neutres qui permettent de recevoir tout public, pas forcément des jeunes scolarisés. » Et quid de l'information lorsque les établissements sont fermés pendant les vacances scolaires ?
La psychologue du CIO d'Amiens souligne que, pour les jeunes qui souhaitent un accompagnement dans leurs choix d'orientation avec un psychologue, si ce service public est abandonné, l'éducation nationale ouvre la voie aux officines privées.
L'orientation fonctionne mal selon le ministre de l'Education nationale
«L'un des arguments avancé pour justifier ce chantier est que l'orientation fonctionne mal, selon le ministre. Il faut savoir que depuis 15 ans, on fait face à des velléités de transférer notre mission à la Région. Elle incitera les jeunes à s'engager dans des secteurs porteurs afin de combler les besoins en emploi du tissu local. Nous sommes dans le respect de la construction du jeune. On le sait qu’il y a des débouchés dans certains métiers et pas d’autres, mais on les laisse libres de leurs projets. La région a une vision idéologique et politique de l'orientation. Nous, on défend une autre vision de l'orientation. On ne veut pas que les jeunes soient dirigés comme des troupeaux vers une unique ressource d'emploi. Favoriser l'apprentissage est louable en soi, mais cela doit être choisi.» Cette décision est, selon les psychologues des CIO, bien paradoxale à l’heure où les parcours de formation se réalisent à l’échelle nationale, voire internationale !
Aujourd'hui, en moyenne, on compte un psychologue pour 1500 collégiens et lycéens. Ils sont en sous-effectif, note Catherine Bas selon laquelle il faudrait un psychologue pour 600 élèves, qui cite le CSE (conseil supérieur de l'éducation). Depuis 20 ans, il n'y a eu aucune création de poste.
De l'information et de l'accompagnement
«Aujourd’hui, les jeunes trouvent l’information sur Internet. Ce qui leur manque c'est le tri et la réflexion et l'appropriation des informations. C'est notre boulot, c'est pour cela que l'on est psychologue, souligne Catherine Bas. Lorsqu'ils s'adressent au CIO, ils sont à la recherche d'une aide, d'un conseil pour décider de leur future orientation. Et pour cette mission, il faut un professionnel des CIO.» Ce service peut-il être tenu dans les établissements scolaires par un enseignant ? Impossible, selon Catherine Bas. «Une autre question se pose : que vont devenir les jeunes les plus vulnérables ? En entretien, les psy reçoivent, des enfants et adolescents qui sont en mal-être à l’école, des adultes en reconversion, des enfants ayant un handicap ou une maladie, des jeunes en décrochage scolaire... A qui vont ils désormais s'adresser ?»
L'Aisne, l'Oise et la Somme totalisent 18 CIO. En France, on en dénombre 470. Le projet de loi va être examiné au Sénat à partir du 27 juin. A noter qu'une prochaine action intersyndicale est prévue au niveau national le 28 juin avec un rassemblement devant le Sénat à Paris, et devant les rectorats dans les académies.
Le 12 juin nous avons rencontré le personnel du CIO de Soissons, la plupart des psychologues de l'éducation nationale redoutent de ne plus pouvoir remplir correctement leurs missions s'ils sont affectés directement dans des établissements scolaires.