Hauts-de-France : sans aide, ni matériel de protection, les podologues se mettent à nu

À l'initiative de Rachel Delencre-Bisiaux, podologue à Hem dans le Nord, 700 de ses homologues ont posé nus pour faire part des difficultés qu'ils subissent à cause du confinement. Sans aide, ni matériel de protection suffisant, ils ouvrent leurs cabinets lundi 11 mai avec beaucoup d'inquiétude.

"À poil, c'est pas le pied", le message est clair. À l'image des dentistes, les podologues tirent également la sonnette d'alarme en posant nus dans une vidéo postée sur Vimeo mercredi 6 mai.

À l'origine de ce rassemblement, Rachel Delencre-Bisiaux, dont le cabinet se situe à Hem dans le Nord. "Beaucoup de pédicures et podologues se plaignaient sur les réseaux sociaux, il fallait que les choses bougent, j'ai donc créé un groupe sur Facebook où chacun pouvait envoyer sa photo", explique la podologue. 
 


Au total, plus de 700 de ses homologues exerçant dans toute la France se sont prêtés au jeu. "Je pensais que l'on serait seulement 50, mais cela a pris pas mal d'ampleur rapidement", indique-t-elle. 
 

PodoCOVID19 from podo apoil on Vimeo.

"L'Etat ne nous reconnaît pas"

Une participation massive qui traduit la colère de ces professionnels, qui se considèrent mis à l'écart depuis le début du confinement. Dès le 16 mars, les podologues, dont la grande majorité sont libéraux, ont dû fermer leurs cabinets. Depuis, certains n'ont plus aucun revenu depuis deux mois. "Je me suis occupé de mes enfants, donc j'ai pu toucher des indemnités journalières, sinon je n'avais rien sur les deux mois", témoigne Mikael Bettan, podologue à Amiens.

Une aide pour les professionnels de santé libéraux, destinée à compenser leur perte d'activité, a été mise en place par le ministère de la Santé fin avril. Ainsi, les médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, dentistes, orthophonistes libéraux sont notamment éligibles à cette aide, mais pas les podologues. "On est des professionnels de santé diplômé d'Etat et l'Etat ne nous reconnaît pas", regrette Mikael Bettan. "C'est parce que nous ne faisons pas suffisamment d'actes conventionnés, explique Rachel Delencre-Bisiaux, alors que l'on cotise exactement la même chose que les autres."

Une injustice pour ces professionnels, qui, sans revenus, vont devoir tout de même régler leurs charges. "Elle ne sont que reportées, on a eu aucune annulation, on a vraiment l'impression d'être sacrifiés", déplore Mikael Bettan. "Si ce n'est pas une annulation, on attend au moins un geste", enchérit son homologue du Nord. 
 

Du matériel de protection trop cher aujourd'hui

Sans aide, les podologues ne peuvent pas non plus se fournir en matériel de protection. "Au début de la crise, l'ordre national des podologues nous a demandé de participer en donnant nos équipements : nos masques, nos gants, nos gels hydroalcooliques, explique Mikael Bettan, ce sont des équipements que l'on avait acheté entre 2,50€ et 3,50€ la boîte de 50 masques et aujourd'hui c'est plus de 10 fois le prix !"

Idem pour le gel hydroalcoolique, que le podologue amiénois dit devoir payer entre 60 et 75 euros pour 5 litres au lieu des 30 euros habituels. "On a été bien gentils, on a donné tout ce qu'on avait et maintenant on doit payer 10 fois plus pour tout racheter", constate-t-il. 

Depuis jeudi 7 mai, les podologues bénéficient, comme d'autres professionnels de santé, d'une dotation de l'Etat. 12 masques leur seront distribués chaque semaine. "C'est trop peu, on utilise beaucoup plus de matériel, au même titre que les dentistes (qui bénéficient de 24 masques par semaine)", souligne Rachel Delencre-Bisiaux. "Heureusement, on a eu des aides au niveau local, ce qui n'est pas le cas dans toutes les régions !"

Le conseil régional et l'URPS Pédicures-Podologues Hauts-de-France ont ainsi fourni ces jours-ci 42 masques chirurgicaux et 9 masques FFP2 par podologue. "On devrait avoir des surblouses, mais pour l'instant elles ne sont pas arrivées, indique Mikael Bettan, parce qu'il ne manque pas que des masques, il faut un vrai équipement de cosmonaute !"
 


Ouvrir le cabinet, mais à quel prix ? 

À trois jour de la reprise, l'heure est encore à l'incertitude. "On va rouvrir, quasiment tous, affirme Rachel Delencre-Bisiaux, mais c'est vraiment avec les moyens du bord, j'ai des collègues qui vont aller bosser en sac poubelle, je trouve que c'est une honte."

"J'ai du matériel de protection pour pouvoir tenir 25 heures, c'est tout, après il faudra payer le prix fort", ajoute son homologue amiénois. Il faut donc assurer les dépenses de matériel, mais aussi prendre en compte les temps de nettoyage. "Habituellement j'ai un patient toutes les 30 minutes, là j'ai augmenté à 45 minutes, car on doit aérer 10 minutes entre chaque patient", explique Rachel Delencre-Bisiaux. 

Si les deux podologues ont déjà des rendez-vous prévus pour les prochaines semaines, Mikael Bettan n'envisage pas un retour massif des patients rapidement  : "certains ne vont pas oser tout de suite je pense, on est aussi dépendants des prescriptions médicales et ce n'est pas la priorité en ce moment.

 
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité