Invité sur le plateau de France 3 Picardie, le professeur Maxime Gignon, épidémiologiste et chef du pôle "prévention des risques" au CHU d'Amiens, fait le point sur ce que l'on sait à ce jour, du coronavirus COVID-19.
Avec 423 cas confirmés jeudi 5 mars dans la soirée par le ministère de la Santé, soit 138 nouveaux cas de plus que la veille, le bilan du coronavrius dans l'Oise affiche la plus importante augmentation en une journée depuis le début de la crise. Parmi les personnes malades, 23 sont dans un état grave et hospitalisées en réanimation soit huit de plus que la veille, a précisé Jérôme Salomon. "Nous avons désormais sept personne décédées, 6 hommes et une femme", a-t-il ajouté.
Que sait-on à ce jour de cette maladie ? Le professeur Maxime Gignon, épidémiologiste et chef du pôle "prévention des risques" au CHU d'Amiens répond à nos questions.
Ce virus est-il dangereux ?
Ce virus est surtout nouveau puisqu’on le connait depuis fin 2019. Il a été déclaré à l’organisation mondiale de la santé le 31 janvier 2019 donc on a très peu de connaissances scientifiques sur ce virus. La population ne l’a jamais croisé et donc on n’a pas de système immunitaire qui est préparé. La grippe, il y a les vaccins qui sont mis à jour chaque année et qui permettent de vacciner les personnels de santé, les personnes fragiles, de plus de 65 ans notamment, on est déjà préparé contre la grippe. La grippe tue chaque année mais là ce qui est préoccupant et qui doit être pris au sérieux c’est qu’il est nouveau.Ce virus, est-il susceptible de muter ?
Oui. Il y a des publications scientifiques qui l’évoquent. Ce sont des virus qui sont surveillés par les virologues et une capacité de ces virus, c’est d’évoluer en fonction du temps.
Une personne en bonne santé peut-elle mourir du COVID-19 ?
On se base sur les chiffres que nous ont produits les collègues chinois dans leurs recherches. On se rend compte que ce virus pour 80% de la population, va entrainer des signes comparables à une grippe. De la fièvre, de la toux, on va éternuer, on va éventuellement avoir des courbatures, mais rien de plus. Pour 80% de la population, c’est quelque chose de relativement bénin. On a 15 % de personnes qui elles, vont avoir besoin de soins, plutôt hospitaliers et 5% de soins intensifs. Pour une personne en bonne santé, il y a assez peu de chance pour que ce soit grave. On se rend compte que plus on est âgé, plus on a de pathologies chroniques, problèmes rénaux, problèmes cardiaques, et plus ce virus risque d’être très dangereux.
Pourquoi les malades qui présentent de faibles symptômes doivent rester chez eux ?
Les patients qui ont de faibles symptômes, on leur conseille de rester chez eux et d’appeler le 15 pour avoir un conseil médical. Le 15, on aura un médecin au bout du fil qui pourra vous orienter vers l’hôpital si besoin mais surtout ne pas bouger parce que vu qu’il est contagieux, l’objectif c’est d’avoir le moins de contacts sociaux possibles. On demande aux personnes de rester chez elles, d’appeler le 15 en cas de symptômes et de mettre un masque. Le masque chirurgical est réservé aux personnes qui toussent, qui ont de la fièvre afin d’éviter de cracher ce virus quand elles toussent.
Comme le virus de la grippe, est-ce que le COVID-19 peut disparaître au printemps ?
C’est quelque chose que l’on espère. Le coronavirus, c’est une grande famille, il y a plusieurs virus. Là c’est un nouveau qui arrive dans cette famille, et on sait que les autres ont des tendances saisonnières et baissent au printemps. On espère que comme la grippe il régresse au printemps. Très sincèrement aujourd’hui, on n’a pas encore le recul pour pouvoir l’affirmer.
Comment l’épidémie peut s’éteindre ?
Les gestes barrières, on le sait, c’est prouvé, ils fonctionnent. Ils peuvent paraître très simples par rapport à ce genre de nouveau virus mais on sait que se laver les mains au moins 30 secondes, à l’eau, au savon ou au gel hydroalcoolique, quand on tousse, quand on éternue, le faire dans son coude, utiliser des mouchoirs jetables et les mettre aussitôt à la poubelle, Ce sont autant de moyens qui nous permettent d’éviter de transmettre ce virus. C’est vraiment efficace et là on est actuellement dans une phase de l’épidémie où on essaie absolument de freiner ce transfert de virus d’une personne à l’autre puisque ce virus se transfère d’une personne à une autre.
Freiner l'épidémie en limitant les déplacements ou en annulant des événements, il n'y a pas d'autres choix ?
C’est une décision qui relève des pouvoirs publics. On doit essayer d’appliquer au maximum ces mesures qui permettent d’éviter la transmission du virus. Là, on a suspendu les rassemblements de plus de 5 000 personnes en milieu confiné, c’est une mesure qui est nécessaire pour éviter la transmission.
Ce virus, peut-il revenir chaque année ?
Au fur et à mesure, on va développer une immunité. Par contre, on a déjà vu dans ce genre d’épidémie, des secondes vagues. On a une première vague puis ça se calme puis ça revient par la suite. Donc en effet, ce sont des possibilités. Aujourd’hui, on est clairement dans un phénomène qui est nouveau, émergent et très clairement on ne le sait pas. C’est quelque chose sur laquelle les médecins et les scientifiques sont très attentifs. Ce sera à suivre. En tous cas on sera préparé parce qu’on va justement modifier nos pratiques, éviter les contacts, les serrages de mains et utiliser les mesures barrières qui évitent de transmettre le virus.