Le défi d’Amiens Métropole, devenir Capitale européenne de la culture en 2028 : "ce coup de projecteur permettrait une reconquête de la fierté picarde"

La capitale picarde a déposé, le 15 décembre 2022, son dossier de candidature pour devenir Capitale européenne de la culture. Un véritable enjeu pour redorer son image et rayonner au niveau international.

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La course est lancée pour les villes françaises qui concourent au titre de Capitale européenne de la culture 2028. Le ministère de la Culture a publié, fin décembre 2021, l'appel à candidatures. Amiens, Bourges, Roubaix, Saint-Denis, Reims, Montpellier, Nice, Rouen, Bastia, Clermont-Ferrand sont déjà mobilisées depuis des mois, en lice avec deux villes de la République Tchèque.

Obtenir le label "Capitale européenne de la culture" est devenu "un must have", un atout essentiel pour la compétitivité et l’attractivité des économies régionales. Dans les régions et les villes de l’Union européenne, les habitants comme les visiteurs accordent de plus en plus d’importance à la culture. Cela permet de promouvoir les acteurs locaux et de braquer les projecteurs européens sur la programmation culturelle de la capitale.

Un vrai tremplin touristique que la ville d’Amiens projette de sauter en 2028. "Nous sommes dans le rush depuis 18 mois. C’est très court surtout lorsqu’on sait que d’autres villes candidates comme Clermont-Ferrand planche sur le dossier depuis bien plus longtemps. Nous avons conçu une petite équipe de trois personnes pour travailler sur le projet. C’est peu, mais c’est un groupe dynamique, volontaire et jeune, en prise avec l’actualité et la culture événementielle et qui émane de Capitale européenne de la jeunesse", annonce Sébastien Auchart, directeur culturel et patrimoine d’Amiens métropole.

Nous pouvons retourner la situation pour devenir une région attractive.

Sébastien Auchart

Directeur culturel et patrimoine d’Amiens métropole

Pour cette petite équipe, l’enjeu est de taille. Elle représente un espoir de conversion d’un territoire tout entier et surtout un changement de regard de l’intérieur et de l’extérieur. "J’attends une réelle transformation à l’échelle humaine si nous réussissons ce défi. Le Picard a un défaut de fierté et d’appartenance. Nous avons un territoire qui a été martyrisé par les guerres, son outil productif a été battu. Quand on parle de Picardie, on pense à une santé, une économie, une éducation…. En perte de vitesse. Nous n’avons pas bonne presse et pourtant, nous sommes un berceau architectural et historique. Nous pouvons retourner la situation pour devenir une région attractive. Ce coup de projecteur permettrait une reconquête de la fierté picarde", insiste Sébastien Auchart.

Un projet à long terme

Pour espérer obtenir ce label, il faut se démarquer des autres candidats, proposer un dossier qui reflète un dynamisme culturel et patrimonial, à forte dimension européenne.

La candidature amiénoise repose sur le concept Alter-native sur l’ensemble de la vallée de la Somme, de Saint-Quentin à la baie de Somme. "Ce sont 16 projets tournés vers la diversité (Alter) et une culture et un patrimoine revisités avec la naissance d’un territoire (native). Nous avons construit ces projets autour du fleuve avec un festival le long des berges, du chemin de halage et dans l’eau. Nous proposons en particulier du spectacle vivant grâce à l’art du cirque, la danse, etc." Pour travailler sur ces projets, les communautés de communes de la vallée de la Somme ont été mises à contribution. 

Nous pourrions remettre l’éducation et la formation en avant et s’autoriser l’espoir.

Sébastien Auchart, directeur culturel et patrimoine d’Amiens métropole.

Une autre idée, davantage tournée vers l’éducation à la culture, propose de mettre en réseau les musées du territoire pour concevoir des événements. "Notre territoire est marqué par la préhistoire, l’architecture gothique et reconstructions d’après-guerre. Nous voulons mettre ce patrimoine en valeur et de manière pérenne. Nous pourrions remettre l’éducation et la formation en avant et s’autoriser l’espoir. Nous avons une belle carte à jouer", affirme Sébastien Auchart.

Naissance d'un label

Le label "Capitale européenne de la culture" est devenu une référence, un point de départ vers le développement économique et touristique mondial. Une ville hôte désignée par l'Union européenne organise des manifestations culturelles pendant une période d’un an. L'idée de mettre à l’honneur une ville a été émise en 1985 par l'actrice, devenue ministre de la Culture de la Grèce, Mélina Mercouri et son homologue français, Jack Lang, afin de rapprocher les Européens en mettant en avant la richesse et la diversité des cultures du continent. Athènes est la première ville désignée. Puis, Florence, Amsterdam, Berlin-Ouest et Paris en 1989, suivent la liste des villes nommées. Plus proche de la Picardie, Lille obtient le titre en 2004.

À Lille, des retombées économiques et touristiques durables

D’après l'adjointe au maire de Lille, déléguée à la culture, cette nomination a eu pour effet de booster la ville et toute la région. "La candidature de Lille a vu une grande mobilisation de tous les acteurs du territoire. Nous avons pu assister à un grand élan populaire qui accompagnait les fêtes et les manifestations. Au-delà de l’événement, c’est une opération d’aménagement du territoire à laquelle nous avons pu participer. Par exemple, nous avons restauré des friches industrielles, les maisons folies, pour des événements en 2004. 20 ans plus tard, ce sont toujours des lieux de culture de proximité. En tout, nous avons réhabilité 12 lieux dans la région", explique Marie-Pierre Bresson.

Nous avons gagné une renommée de ville active.

Marie-Pierre Bresson

Adjointe au maire de Lille, déléguée à la culture.

Le label "Capitale européenne de la culture" a durablement changé la ville, sa région et amélioré son tissu économique local. Avec neuf millions de visiteurs enregistrés pendant la durée du label, la ville a profité d’un élan touristique. "Nous avons gagné une renommée de ville active car nous avons pérennisé les actions culturelles et ce sont les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme qui ont pu en profiter", ajoute l’adjointe au maire. Depuis, la métropole organise tous les trois ans des saisons culturelles sur plusieurs mois. La dernière édition, Utopia, en 2022, a accueilli plus de 1,8 million de visiteurs entre mai et octobre et a permis un nouveau coup de projecteur sur le territoire.

Un financement varié

Pour accompagner la mise en place des événements de la ville Capitale européenne de la culture, l’Europe prévoir une contribution financière, mais la plupart des investissements proviennent de la métropole, de la région, de l'État et d’un mécénat privé. Des entreprises privées qu’il faut démarcher. En 2004, Lille avait obtenu 13 millions d’euros des partenaires économiques pour un budget d’activité global de 73 millions.

Amiens prévoit un budget de 120 millions d’euros, dont 45 % de la ville et métropole et l’autre moitié de l’État, la Région, le Département et le mécénat.

La prochaine échéance importante dans la nomination de la prochaine Capitale européenne de la culture 2028 a lieu le 28 février prochain avec la pré-sélection, par le jury européen, de trois ou quatre villes finalistes parmi les neuf en lice. Puis, la sélection de la ville suivra en décembre 2023.

En attendant, la métropole d’Amiens fait du lobbying auprès de ses habitants et des représentants européens. Le 13 janvier prochain, une soirée est organisée à la Maison de la culture pour présenter le projet. Puis le 25 janvier, la petite équipe amiénoise ira défendre sa candidature au Parlement européen.

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