Loi "immigration". Un texte "qui ne donne espoir à personne", regrettent des militants des droits des étrangers

Le projet de loi "immigration" a été adopté ce 19 décembre par le Parlement. Dans la Somme, les militants pour les droits des étrangers sont inquiets : ils dénoncent l'inutilité du texte et pire, la précarisation accrue des personnes étrangères sur le sol français, qu'elles soient sans-papiers ou régularisées.

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C'est avec "une sensation nauséeuse au réveil" que Sybille Luperce a commencé sa journée, ce 20 décembre. La veille dans la soirée, le Parlement a adopté le projet de loi "immigration", un texte qui restreint les droits des étrangers vivant en France et inquiète cette bénévole de Réseau éducation sans frontières (RESF) dans la Somme.

"Je suis un peu sous le choc, la loi était déjà très restrictive à l'encontre des sans-papiers et même des personnes régularisées, et elle va le devenir encore plus," résume-t-elle.

C'est un texte qui est basé sur la répression. La situation des étrangers est suffisamment dure, quel intérêt peut-on trouver à cette loi, à part souhaiter les maltraiter ? Ce texte ne donne aucun espoir aux gens, il n'apporte aucune lueur, aucune avancée.

Sybille Luperce

Bénévole à RESF Somme

Militant de longue date pour les droits des sans-papiers, l'Amiénois Guy de La Motte Saint-Pierre partage ce constat. "Déjà que militer n'est pas joyeux en ce moment... On va avoir un combat encore plus difficile, déplore-t-il. Je vais m'injecter une dose supplémentaire de motivation en intraveineuse. Je vais recommencer mes conneries (sic). On est obligés de mettre sa vie en jeu pour obtenir des papiers", confie le septuagénaire, qui s'était lancé en 2021 dans une grève de la faim pour demander la régularisation d'un réfugié guinéen.

Encore plus précarisés

Parmi les mesures fortes de ce projet de loi "immigration", on peut citer le conditionnement des aides sociales à une résidence d'au moins 5 ans en France pour une personne étrangère sans emploi (contre 6 mois avant) et 30 mois pour une personne justifiant d'un emploi. " Mais comment peut se débrouiller une mère monoparentale, par exemple ? Comment peut-elle travailler, élever ses enfants, éventuellement suivre une formation en même temps ? Même régularisés, les gens ne pourront pas s'en sortir," estime Sybille Luperce.

"J'aide à Amiens une famille de quatre Ivoiriens, dont les enfants de 4 et 7 ans sont scolarisés. Ils n'ont pas de logement et appellent le 115 tous les soirs. Ils n'ont aucune opportunité ! Ils sont à la rue avec les enfants, vous imaginez ? Ça me donne envie de hurler," s'énerve Guy de La Motte Saint-Pierre.

Un "rétrécissement identitaire"

Pour Sybille Luperce de RESF, les quelques mesures "positives" introduites par le texte de loi - soit l'interdiction de placer les mineurs étrangers en centre de détention, l'autonomie des démarches de régularisation du demandeur par rapport à son employeur ou encore l'obtention d'un titre de séjour facilité pour les métiers en tension - ne représentent qu'un "entrefilet d'espoir". "Les régularisations se feront au cas par cas, dans le cadre du pouvoir discrétionnaire du préfet, souligne-t-elle. Sans compter la caution à verser pour les étudiants étrangers. On est toujours dans le répressif, on veut dissuader un étudiant de se maintenir en France."

"Aujourd'hui, à l'école polytechnique, sur une promotion de 40, il y a 22 étudiants qui viennent du Maroc, rappelle Mohammed Benlahsen, le président de l'Université de Picardie-Jules-Verne (UPJV), où 10% des 30 000 étudiants sont étrangers. Avec des lois sur le rétrécissement identitaire, on va se retrouver dans une situation où on ne pourra pas avoir des étudiants de bonne facture sachant que très peu d'étudiants en Europe occidentale veulent faire des maths, de la physique et de la chimie. Il faut bien relever les défis de demain et on a besoin d'attirer les meilleurs étudiants pour rester leader. (...) Quand on a peur d'accueillir, on a peur tout court."

Les premiers intéressés ignorés

"La Première ministre estime que ce texte répond aux attentes des Français. Mais il ne s'adresse pas aux premiers concernés, les étrangers. On s'intéresse seulement aux gens qui ne veulent pas d'étrangers en France. C'est une hostilité décomplexée. Et précariser encore plus les étrangers, c'est dangereux pour eux mais aussi pour la société tout entière".

La violence, je la subis tous les jours. Je reçois des menaces de mort. Parce que je porte un regard d'empathie sur les personnes étrangères.

Guy de La Motte Saint-Pierre

militant amiénois pour les droits des exilés

"C'est dur, cette « extrême-droitisation » du débat politique. Nous avons aujourd'hui une classe politique médiocre, de tous points de vue. Et ces élus ont le terrain tranquille, il n'y a aucun répondant à gauche, se désespère Guy de La Motte-Saint-Pierre. Très ému, le militant regrette que la politique française gravite aujourd'hui autour "des gens qui détestent les autres".

Une manifestation contre l'adoption du projet de loi est organisée à Amiens. Elle partira à 18 heures du parvis de la Maison de la culture.

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