L'artiste pluridisciplinaire Loup Blaster réalise en ce moment sa première fresque pour le festival d'arts visuels IC.ON.IC qui se tient à Amiens jusqu'au 11 novembre 2024. Une "reconnaissance" pour la Calaisienne de 32 ans, dont le travail engagé s'exprime à travers une multitude de mediums, de la musique à l'illustration en passant par la poésie, la BD et la réalisation de clips.
Le geste est précis. D'un coup de pinceau, Loup Blaster définit la couleur du pantalon de son personnage. Il sera rouge. Éclatant. Un pied levé, il danse avec d'autres, pris dans le tourbillon d'une ronde joyeuse. La scène s'inspire d'un festnoz breton auquel l'artiste a assisté quelques mois plus tôt. "Il y avait une énergie très forte de partage, un mélange intergénérationnel de personnes de tous les milieux sociaux", se souvient-elle.
Depuis le 12 septembre dernier, Loup Blaster peint sa fresque intitulée "La ronde" sur les murs d'une ancienne écurie située derrière la Maison du Théâtre, à Amiens, dans le cadre du festival d'arts visuels IC.ON.IC. L'occasion pour elle de "découvrir la vie culturelle" de la ville et de "rencontrer des gens".
Ses personnages sont blancs, noirs, roses, violets, certains garçons portent des talons, et sur les côtés, deux diablotins se cachent derrière les rideaux tandis qu'une comédienne prend la lumière sur scène. Loup Blaster a pris soin d'adapter ses couleurs à celles de la fresque peinte par l'artiste franco-péruvienne Hydran en 2021 un peu plus loin dans la cour, afin d'instiller une certaine cohérence entre les deux œuvres.
"Je me suis sentie très reconnue en intégrant le festival"
Il y a quelques mois, lorsque Fabiana De Moraes, chargée du projet arts visuels à la direction de l'action culturelle de la métropole d'Amiens, a proposé à Loup Blaster de déposer un dossier, l'artiste de 32 ans n'a pas hésité. Et son projet a été retenu. "Loup a très vite saisi les enjeux de ce lieu. La notion de 'faire communauté' fait sens dans le quartier Saint-Leu", pointe Fabiana De Moraes, séduite par les œuvres pluridisciplinaires et la personnalité de Loup Blaster.
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Un coup de cœur réciproque. "Je me suis sentie très reconnue en intégrant le festival", souligne l'artiste calaisienne. Si elle a déjà peint deux fresques dans sa ville d'origine, celles-ci ne sont pas à la vue de tous. "Mon travail à Calais est invisibilisé par la mairie du fait de mon engagement [auprès des personnes exilées, ndlr]", dénonce celle qui défend des valeurs d'inclusion et de partage. "Ce n'est pas possible de dire que l'art ne doit pas être engagé", appuie-t-elle.
Une artiste qui aime explorer différents styles et mediums
Musicienne, chanteuse, DJ, réalisatrice de clips, illustratrice, bédéiste, photographe, poète, tatoueuse… Loup Blaster a un besoin viscéral de créer et explore avec talent des mediums et des styles d'art variés depuis une dizaine d'années. En 2022, elle a notamment réalisé la pochette de l'album live On a fini par trouver une date de Maxime le Forestier.
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Celle qui se définit comme "une artiste mulifacettes, pluridisciplinaire et une plasticienne audiovisuelle" refuse de choisir une seule forme d'art. Mais brille dans toutes. "Je n'aime pas avoir qu'une seule pratique et un seul milieu professionnel. [...] Je n'aime pas non plus avoir qu'une seule recette, qu'on attende ça d'un artiste."
Je considère qu'on doit toujours pouvoir s'exprimer comme on le souhaite. Certains ont parfois peur de ne pas avoir une identité assez forte. Pour moi, ça se construira avec le temps.
Loup Blaster, artiste pluridisciplinaire
Mais Loup Blaster affiche tout de même une petite préférence pour la musique et la performance scénique. "J'aime chanter, composer avec d'autres musiciens. Mais c'est un rythme de vie compliqué qui demande une présence permanente, c'est très stressant", observe celle qui a déjà sorti plusieurs morceaux remarqués et engagés comme "Awake 2 morrow" et "1 for the One".
Un art qu'elle aimerait explorer davantage. "Je voudrais réussir à sortir de la musique très bientôt, bosser pour moi. Je vais préparer ça cet hiver, explique-t-elle. Mais j'aimerais être accompagnée par une structure, une salle de concert ou quelqu'un dans la production", explique celle qui, sur certains autres projets, a notamment pu bénéficier du soutien du Fonds régional d'art contemporain (Frac) Picardie.
"On s'est compris grâce à l'énergie de l'art"
Fille d'un père luthier et d'une mère psychologue auprès de personnes en situation de handicap, Louise Druelle (aka Loup Blaster) a grandi entourée des amis artistes de ses parents et de ses potes membres de groupes de musique. Inscrite aux ateliers du musée des Beaux-arts de Calais dès l'âge de cinq ans et à l'école de musique où elle joue du violon et de la contrebasse, la jeune fille a très vite su qu'elle voulait devenir artiste et a suivi des études de cinéma d'animation. "Mes parents nous ont éduqués dans le goût des arts et la liberté de s'exprimer. Petite, ma mère m'expliquait que l'art pouvait aller au-delà du langage et que l'on pouvait transmettre des idées par l'émotion. Ce sont des phrases qui m'ont marquée", se souvient-elle.
Des phrases qui ont trouvé une résonance dans sa vie d'adulte. Loup Blaster a organisé plusieurs ateliers de dessin et de musique avec des personnes exilées. "On s'est compris grâce à l'énergie de l'art même si on ne parlait pas la même langue. Et ça, c'est magnifique", s'émerveille l'artiste. Elle a ainsi composé avec plusieurs d'entre eux.
Ça leur redonne de la dignité. Ce ne sont pas des gens dont on doit avoir pitié, il faut les mettre en valeur pour qui ils sont.
Loup Blaster, artiste pluridisciplinaire
En novembre 2023, Loup Blaster a sorti son premier fanzine "Je suis le feu", assorti d'un single du même nom, qui rend à la fois visible le quotidien des exilés à la frontière franco-britannique et le travail des bénévoles du Woodyard qui préparent et distribuent quotidiennement du bois aux exilés. "Le fanzine est un petit livre de forme très libre, issu des milieux punk et anarchiste, qui possède un côté expérimental que j'aime beaucoup", pointe l'artiste.
Je tenais à faire de l'édition, car c'est un moyen d'entrer un peu chez les gens. Un fanzine se diffuse facilement, les gens peuvent se l'approprier, et le faire voyager.
Loup Blaster, artiste pluridisciplinaire
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Un deuxième fanzine, réalisé en collaboration avec des personnes exilées et des associations, est actuellement en préparation.
"Quand tu ressens de l'empathie et que tu t'informes, tu ne peux pas fermer les yeux"
La cause des exilés s'est imposée à elle assez naturellement. "Je vois ça depuis que je suis enfant. Dans ma famille, on a cherché à comprendre pourquoi ils étaient là. Quand tu ressens de l'empathie et que tu t'informes, tu ne peux pas fermer les yeux", estime Loup Blaster. En 2016, elle en a fait le sujet de son premier court-métrage, intitulé "Al Hurriya, Freedom, Liberté".
Pour sensibiliser sur ce qui se passe à Calais, Louise Druelle s'est aussi présentée aux sénatoriales et aux législatives sur la liste des écologistes. Et depuis 2021, elle est conseillère municipale de l'opposition à la mairie de Calais. "C'est très compliqué de changer les choses. Face à la politique 100% répressive, j'essaie de porter la voix de ceux qui ne sont pas d'accord avec ça, mais ça a peu d'impact sur la situation", se désole-t-elle. "Après, c'est mieux de faire ça que de ne rien dire et ne rien faire. Je ne pourrais pas ! Surtout vu l'argent que ça coûte et les pertes humaines", estime-t-elle. Alors Loup Blaster utilise son art pour sensibiliser, alerter et rendre visibles les personnes exilées.
"La ronde" de Loup Blaster fait partie des 12 nouveaux murs créés par les artistes de la 4e édition du festival IC.ON.IC. Si certains ont déjà terminé leurs fresques, d'autres, comme Loup Blaster, les réalisent en ce moment-même dans les rues d'Amiens. Les curieux peuvent même venir voir les artistes à l'œuvre et discuter avec eux. Le festival d'arts visuels, qui mélange art urbain, parcours contemporain et video mapping, se termine le 11 novembre 2024.