Ce lundi 22 janvier s'ouvre le procès de sept hommes accusés d'avoir tué Mathéo, 19 ans, le 26 janvier 2020, à Amiens. Le jeune homme est mort après avoir reçu des coups de couteau et de tournevis. Il a été pris pour cible parce que sa voiture était immatriculée 75 et que la bande d'agresseurs présumés cherchaient des Parisiens.
L'affaire avait bouleversé le quartier. Le 26 janvier 2020, une dizaine d'individus originaires d'Amiens Nord avaient fait irruption dans une soirée dans un appartement du quartier d'Étouvie, cherchant à en découdre avec des personnes originaires de la région parisienne, avec qui ils avaient eu un différend un peu plus tôt. Ils fouillent l'appartement et blessent un homme au mollet.
La police est prévenue, mais avant qu'elle n'ait le temps d'arriver, un drame se produit à quelques mètres de là, sur la place de Bretagne.
Une agression "sauvage et aveugle"
Trois jeunes hommes se trouvent dans une voiture : Mathéo, son frère aîné et un ami. La bande leur tombe dessus. "Il a été victime de cette agression sauvage et aveugle de la part de cette dizaine de personnes, dont au moins était armé d'un couteau, et a porté plusieurs coups sur la victime", décrivait le procureur de l'époque, Alexandre de Bosschère. On apprendra plus tard que des coups de tournevis ont également été portés.
Le frère et l'ami ont réussi à s'enfuir, mais pas Mathéo. "Le frère, qui est dans la voiture, voit son petit frère se faire agresser, voit qu'on lui porte des coups, peut-être pas avec un couteau, mais avec autre chose..., précise l'avocate de la famille Djamila Berriah. Il le voit essayer de se défendre, il le voit tomber côté passager. Il pense qu'il va réussir à sortir du véhicule et qu'il va courir derrière lui, ce qui n'est pas le cas."
"Au mauvais endroit, au mauvais moment"
Les enquêteurs comprennent rapidement que Mathéo est mort à cause de la plaque d'immatriculation 75 de sa voiture. "On n'est pas sur un crime commis à l'occasion d'une rixe entre deux bandes qui s'affronteraient. Le contexte, manifestement, c'est un groupe d'individus qui vient en découvre avec un autre, sans nécessairement les avoir précisément identifiés, puisqu'on cherche 'des Parisiens', pas des personnes en particulier, expliquait le procureur quatre jours après les faits. Mathéo n'a pas de lien avec Paris à notre connaissance. On pense qu'il s'est trouvé au mauvais endroit au mais moment."
Une expression qui sera souvent reprise dans cette affaire, comme par l'autre avocat de la famille, Stéphane Engueleguele.
C'est une véritable horde en chasse contre des Parisiens, et Mathéo est au mauvais endroit au mauvais moment. Il est victime d'un quiproquo mortel. Toute une famille, tout un quartier veut aujourd'hui comprendre pourquoi.
Stéphane Engueleguele, avocat de la famille, le 31 janvier 2020
Des proches en quête de justice
Le drame blesse profondément les habitants du quartier. Sa famille et ses amis le décrivent comme un jeune homme apprécié, qui aimait le foot, les jeux vidéos et la musique. Il venait de décrocher son premier job, chez Amazon. "Il n'a jamais eu d'histoires avec personne, jamais..., assurait son père, en pleurs, au micro de France 3. Il rendait service à tout le monde."
Pour lui rendre hommage, deux marches blanches sont organisées à Amiens. L'une le 8 février, l'autre le 31 octobre, autorisée par la préfecture malgré les restrictions liées au Covid à l'époque. Ces marches se finissent toutes deux devant le palais justice d'Amiens, pour le symbole.
Quatre suspects sont interpellés rapidement après le meurtre. Trois autres le seront un peu plus tard. Les sept individus mis en examen seront jugés par la cour d'assises de la Somme, du 22 janvier au 6 février. Pour le moment, aucun des accusés ne semble reconnaître les faits. Le procès s'annonce difficile pour famille, dont 12 membres se sont constituées parties civiles. Difficile, mais essentiel : "Ses proches ne peuvent pas faire leur deuil tant que cette affaire n'est pas réglée sur le plan judiciaire", avait déclaré Maître Djamila Berriah lors de la seconde marche blanche.