Jeudi 25 juin, dans le cadre du second tour des élections municipales 2020, France 3 Picardie vous proposait un débat entre les prétendants à la mairie d'Amiens diffusé à 18h. Voici ce qu'il faut en retenir.
La grande gagnante du premier tour à Amiens, c'est avant tout l'abstention. Avec un taux record de 67,7 % (12 points au dessus de la moyenne nationale), difficile d'imaginer l'issue du scrutin du second tour. Un regain de la participation pourrait bousculer les tendances apparues au premier tour.
Trois listes sont encore en lice pour le second tour. La liste de la maire sortante Brigitte Fouré (UDI), soutenue par le parti présidentiel, est arrivée en tête avec 29,8% des suffrages, devant celle de Julien Pradat (Union de la Gauche), qui a obtenu 25,5% des voix, et Renaud Deschamps (DVC), avec un score de 11,1%.
Juste derrière, les listes de Fanny Ruin (DVC) et de Christophe Porquier (DVE) ont raté de peu la qualification au second tour. Si Fanny Ruin a apporté son soutien à Brigitte Fouré, Christophe Porquier a choisi de ne pas se prononcer.
Des visions radicalement opposées
Sur l’antenne de France 3 Picardie, face à ses adversaires, Renaud Deschamps s’est placé comme le candidat "serein et confiant", "détaché des partis, des clivages, de cette espèce d’entre-soi qu’on peut trouver dans les camps de mes deux concurrents qui se tapent jour après jour les uns sur les autres". Le ton est donné.
Pour tirer son épingle du jeu, Brigitte Fouré joue la carte de l’expérience, et se félicite de son bilan, notamment sur la gestion de la crise sanitaire, le nouveau plan de transport, et l’état des finances de la municipalité. Elle répétera d’ailleurs à plusieurs reprises que la ville d’Amiens a été "très bien gérée" par son équipe, prenant pour preuve "un article de L’Express", qui placerait la ville à la 6ème place des communes les mieux gérées de France. Après vérification, il s’agit d’un palmarès établi par la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (l’Ifrap, un think tank réputé proche de la droite libérale), relayé par Le Point et Europe 1, qui met effectivement Amiens en 6ème place du classement des "grandes villes", entre 107 565 et 150 000 habitants. Elle assure que cette bonne gestion lui permettra de trouver les 20 millions d’euros qu’elle promet pour relancer le commerce, le tourisme et les activités culturelles pour sortir de la crise du covid-19.
Enfin Julien Pradat tente plutôt d’incarner le changement et assure que ses convictions ont été confortées par la crise sanitaire - même s’il a un peu remanié son programme entre les deux tours, à l’instar de Brigitte Fouré. Il assure être "prêt pour le monde d’après" et entend proposer aux Amiénois une vision sociétale radicalement opposée à celle de ses adversaires. Il parle de "nouvelles logiques de consommation" et met en avant l’écologie dans la majorité de ses propositions. Il prévoit un "plan d’urgence" pour les deux années à venir, "10 à 15 millions d’euros, répartis sur le social, l’économie, le numérique et la culture". De l’argent qu’il compte trouver en réduisant les investissements.
Des annonces qui semblent agacer Renaud Deschamps. L’ancien adjoint de la majorité accuse ses deux adversaires de promettre des cadeaux que les finances de la ville ne seront pas capables d’assumer. Son maître mot : le "pragmastime". "Je veux passer un message aux Amiénois : c’est que les recettes fiscales vont baisser, les entreprises vont être en difficulté, il va falloir faire attention." Un pragmatisme qu’il assure basé sur son expérience de maire-adjoint – un atout selon lui, un aveu de connivence avec les idées de la maire sortante pour Julien Pradat, qui ne manquera pas de s’adresser à lui comme "monsieur l’adjoint au commerce".
Des logements en cœur de ville
Il y a tout de même un point sur lesquels les deux hommes s’accordent : ils s’opposent fermement à l’extension de la ville, c’est-à-dire à la construction de nouveaux logements sur les terres agricoles situées en périphérie. Renaud Deschamps estime que le territoire amiénois est suffisamment vaste "pour constuire à l’intérieur" et "préserver les terres". Pour Julien Pradat, architecte de métier, il faut cesser de "brader notre territoire aux promoteurs". Un reproche à demi-mot à la maire sortante.
Puisqu’il choisit de mettre en avant la nécessité de "performance énergétique et thermique", Brigitte Fouré s’appuie une fois de plus sur son bilan, vantant les mérites du réseau de chaleur urbain mis en place pendant son mandat. Renaud Deschamps s’empressera de rappeler que c’est lui qui était en charge de ce projet, lorsqu’il était délégué à la rénovation énergétique. Quoi qu’il en soit, tous trois s’accordent à dire qu’il s’agit d’un projet viable et important pour la ville, qu’il faudrait désormais élargir.
Le transport divise
Enfin, s’il y a bien un "gros dossier" dont les Amiénois ont entendu parler tout au long du précédent mandat, c’est celui du transport. En 2014, la proposition d’un réseau de bus à haut niveau de service de Brigitte Fouré l’avait emporté sur le projet de tram de son adversaire socialiste. Aujourd’hui, balayant d’un revers de main les nombreux dysfonctionnements survenus à la mise en service des bus, elle se félicite du résultat. "C’est la première fois qu’une ville en Europe choisi un réseau de 43 bus totalement électriques. Il a fallu que ce système se rode et ça a pris plus de temps que je ne le pensais, mais aujourd’hui ça fonctionne, et ça fonctionne bien", assure-t-elle. Elle propose d’étendre la gratuité du bus (déjà en vigueur le samedi) au mercredi, et aux personnes âgées non-imposables. Une mesure dont les coûts rentrent sans problème, d’après elle, dans les perspectives budgétaires des six années à venir.
Julien Pradat va plus loin et promet la gratuité pour tous les usagers, tous les jours de l’année, à partir de 2023. Une mesure qu’il compte financer en augmentant un peu le « versement transports », une taxe locale que paient les entreprises. "C’est seulement pour les entreprises de plus de dix salariés, qui paieront pour que les salariés prennent le bus. C’est 1 pour 1000 du PIB des entreprises, c’est rien, c’est un effort pour la transition écologique que les entreprises doivent faire, et leurs salariés en seront très contents." Enfin, il promet d’établir un réseau de pistes cyclables "plus sécurisant", pour "passer d’une mobilité subie à une mobilité choisie", regrettant que les 140 millions d’euros alloués aux travaux de voirie n’aient pas permis d’inclure un plan de circulation pour le vélo.
Autant d’annonces qui font rire jaune Renaud Deschamps. Sur le réseau de bus ? "Ça ne va pas bien aujourd’hui ! (…) On a tellement de bus en réparation au garage de Rivery !". La gratuité ? "Imaginez dans cette période post-covid, où on va ramer pour aller chercher des entreprises, si elles voient le versement transport est très haut, elles fuieront Amiens, ce sera rédhibitoire !"
Ce débat aura révélé un peu plus, s’il le fallait, à quel point les trois candidats encore en lice ont des visions politiques et sociétales totalement opposées. Une chose est sûre : l’abstention record du premier tour ne permet pas de dessiner de tendances claires sur l’issue du scrutin du 28 juin.
Revoir le débat
Le 28 juin, les soirées électorales organisées par France 3 débuteront dès 19h55 pour une première tranche régionale jusqu'à 21h, puis de 21h15 à 22h et enfin de 22h15 à 23h pour les tout derniers résultats. Et sur le site internet de France 3 Hauts-de-France, vous pourrez retrouver les résultats des communes qui vous intéressent, ainsi que les réactions des candidats et les analyses du vote.