Depuis fin juin, l'hôpital de Doullens dans la Somme s'est adjoint les services de deux chiens spécialement formés pour apporter du réconfort aux patients hospitalisés en oncologie ou en soins palliatifs. La tâche de ces soignants à part entière : soulager, apaiser et redonner l'envie.
Dans le couloir, Michèle, 80 ans, n'a pas une démarche très assurée. En robe de chambre, accrochée au bras d'un médecin, elle marche lentement, guidée par Ombelle. Au bout de sa laisse, cette femelle golden retriever tourne régulièrement la tête pour vérifier que Michèle suit bien.
Soulager et apaiser
Depuis fin juin, Ombelle, deux ans, a rejoint les effectifs de l'hôpital de Doullens dans la Somme. Avec Oméga, un mâle de la même race, elle travaille auprès de patients hospitalisés en oncologie ou en soins palliatifs. Des services lourds où la douleur et l'angoisse sont omniprésentes. La tâche de ces soignants à part entière : soulager, apaiser et redonner l'envie.Michèle soigne ici un cancer du sein. Faire quelques pas lui demande beaucoup d'énergie mais le plaisir d'accompagner Ombelle lui donne de l'élan. "J'ai toujours comme un poids à l'estomac, raconte-t-elle une fois retournée dans sa chambre. Mais aussitôt qu'ils arrivent, je respire un bon coup et je suis soulagée." Sur ses genoux, la tête du chien qu'elle caresse doucement. Dès la première visite d'Ombelle, Michèle a retrouvé le sommeil.
Des "chiens éponges"
Dans une autre chambre, Oméga est couché sur un lit. De son museau, il pousse la main de Marie-Josée pour avoir une friandise. Un moment de réconfort pour cette cinquantenaire atteinte elle aussi d'un cancer du sein : "les traitements avant n'ont pas marché. Donc le stress est là. Alors des moments comme ça, ça fait du bien. Et je trouve qu'avec le chien, c'est encore plus relaxant", confie-t-elle, la tête d'Oméga posée sur son épaule."Ces chiens sont vraiment dédiés aux personnes en service oncologie ou en fin de vie, explique Adeline Vignon, psychologue clinicienne à l'hôpital de Doullens. C'est elle qui emmène Oméga de patientes en patiente. "Ce sont des chiens éponges qui vont absorber toutes les émotions, les choses difficiles que les patients vivent. Surtout dans les protocoles lit comme on vient de faire où il y a un corps à corps avec le patient. Ça joue sur le moral. Ça diminue les angoisses. Ça joue aussi sur l'image du corps qui est parfois modifié par la maladie, par les traitements. Et puis sur l'estime de soi : ça valorise de pouvoir faire des choses avec le chien. De pouvoir aller le promener : certaines personnes qui ne pouvaient plus marcher vont vouloir aller le promener. Elles retrouvent cette capacité qu'elles avaient perdue. Tous les moments de bien-être sont à prendre".
Repérés dès les premiers mois
Promenade, brossage, câlins ou simple séance de caresses...Oméga et Ombelle travaillent huit heures par jour, cinq jours par semaine.À l'âge de deux mois, ils sont formés pendant un an et demi dans un centre spécialisé à Alençon. Ils ont appris les gestes simples de la socialisation dans une famille puis des gestes plus complexes dans un centre spécialisé auprès d'éducateurs canins. "Ce sont des chiens qui ont été identifiés pour leur caractère, leur aptitude spécifique à ce qui va être demandé ici, explique Christine Dupuis, vice-présidente de l'association Handichiens. Ils sont sélectionnés pour leur aptitude à capter la douleur, le ressenti, les émotions. Ils sont beaucoup dans une relation d'aide et d'accompagnement dans les soins de sédation de la douleur et de mieux-être".
Chien versus médicaments
Cette expérience inédite en France va faire l'objet d'études. Le docteur Laurie Creton est médecin responsable de l'équipe mobile de soins palliatifs et de soins de suite et responsable d'Ombelle. "On va mettre en place des études pour prouver le soulagement des douleurs physiques et des douleurs morales. On va analyser l'effet bénéfique du chien versus médicament. On va comparer les traitements antalgiques et le passage du chien qui va nous permettre de consommer moins d'antalgiques, précise-t-elle. Et sur le côté anxiolytique où là, on a un vrai bénéfice bien-être pour le patient de la présence du chien et donc beaucoup moins de consommation d'anxiolytiques".
Une vraie vie de famille
L'équipe soignante n'oublie pas pour autant le propre confort d'Ombelle et d'Oméga. Leur journée de travail est entrecoupée d'une pause jeu matin, midi et après-midi "mais on s'adapte à leurs besoins en fonction de la lourdeur de ce qu'ils ont à faire ou fait".
Une fois son service terminé, Ombelle rejoint sa famille. Elle vit chez Adeline, la psychologue. Oméga, lui, repart chaque soir avec le Dr Creton. L'aventure devrait durer une dizaine d'années.