"On doit payer ces charges dans des logements insalubres ?" : des locataires en colère à Amiens, le bailleur social revoit sa copie

Après la mobilisation des habitants d’Étouvie, un quartier au nord-ouest d'Amiens, depuis un mois et une action coup de poing devant le siège social de la Société immobilière picarde, le bailleur social a pris la décision de réduire la hausse des charges.

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Depuis un mois, les habitants d’Étouvie, un quartier au nord-ouest d'Amiens, étaient mobilisés pour réclamer une baisse de leurs charges. Lundi 27 février, ils ont organisé une manifestation devant le siège social du bailleur, la SIP (société immobilière picarde), dans le centre-ville d’Amiens. Entourés de quelques élus, ils ont crié leur colère au rythme du chant On est là, popularisé lors du mouvement des Gilets jaunes. "On est là, contre la hausse des charges, nous, on est là".

Au même moment, un conseil d’administration exceptionnel de la SIP s’est tenu pour répondre aux inquiétudes des locataires, qui ont vu leurs charges augmenter de 43,50 euros par mois en moyenne sur l’ensemble du parc de logements collectifs de la SIP, soit 3 170 logements.

Des charges locatives qui varient en fonction du prix de l'énergie

Les membres du conseil d’administration ont finalement voté une baisse des charges à l’unanimité, justifiant cet ajustement par l’évolution des prix de l’énergie fin février. "Nous avons rectifié les tarifs avec nos fournisseurs Engie, Enedis et autres. En s’appuyant sur les informations des fournisseurs, la SIP va ajuster les provisions de charges à la baisse. La hausse ne sera plus de 43,50 euros en moyenne, mais de 20,15 euros, soit 23 euros de baisse par rapport à janvier 2023. Et aucun logement n’aura de hausse supérieure à 50 euros. La diminution prend effet au mois de mars", indiquait la SIP dans un communiqué lundi 27 février.

"La SIP a décidé de donner un coup de pouce supplémentaire aux locataires et de provisionner 5 euros de plus sur fond propre de la SIP. Nous arrivons donc à 15 euros d’augmentation par logement", a ajouté Fanny Ruin, présidente de la SIP à notre équipe sur place.

Pour l'électricité, la hausse imposée par nos fournisseurs d’énergie pour 2023 est de 258 %.

Société immobilière picarde

Pour expliquer cette augmentation des provisions de charges du mois de janvier, la SIP s’appuie sur les prévisions de son fournisseur d’énergie. "En décembre 2022 et jusqu’en janvier 2023, il prévoyait un coût de l’énergie pour l’eau chaude et le chauffage sur Étouvie à 3,7 millions soit une hausse de 64 % par rapport à l’année précédente. Pour l’électricité des parties communes, la hausse imposée par nos fournisseurs d’énergie pour 2023 est de 258 %. Le calcul des provisions de charges d’énergie a été fait sur cette base", explique la SIP dans son communiqué.

Un déséquilibre entre la hausse des loyers et l'état des logements

Au mois de janvier, certains locataires ont vu leurs charges augmenter de plus de 50 euros. Une augmentation considérable pour certains foyers, les plus démunis. "Ils nous ont tous augmenté nos charges. Pour certains, ça monte jusqu’à 120 euros. On doit accepter de payer ces charges dans des logements insalubres ? Il y a du moisi, des rats, des cafards... Et ces charges, les gens ne peuvent pas payer", témoigne Farid Coeuillez, locataire d'Étouvie. Un déséquilibre entre les tarifs des loyers.

Quand il pleut, il y a des flaques d’eau dans l’escalier.

Stéphanie, locataire de la SIP

Stéphanie, qui participait à cette manifestation, a accepté de faire visiter son logement à notre équipe. Elle vit avec sa famille, ses quatre enfants, dans le quartier d’Étouvie. Les murs de son logement sont recouverts de moisissure. "J’ai emménagé en 2012. Au début, il y avait un peu de moisissure et au fil du temps, ça s’est dégradé. On n’a pas arrêté de solliciter la SIP. Ils sont finalement venus faire quelques travaux il y a un an, mais la moisissure revient. Quand il pleut, il y a des flaques d’eau dans l’escalier", raconte Stéphanie.

Au fil du reportage à Étouvie, notre équipe a rencontré d’autres habitants tout aussi inquiets par la situation. Germaine vit avec une petite retraite de 700 euros dans un HLM du quartier. En février, elle découvre que son loyer a augmenté de 30 euros, correspondant à la hausse des provisions pour charges.

Un loyer que cette dame de 80 ans avait déjà du mal à régler avant la hausse. "Avec une petite retraite, ça fait beaucoup. Il n’y a pas d’ascenseur dans mon immeuble et mon appartement est mal isolé. Il fait froid. Malgré le chauffage, j’ai deux pulls sur moi."

C’est mal isolé, on sent les courants d’air autour des fenêtres

Jean-Pierre, locataire de la SIP à Étouvie

Un de ses voisins, qui habite un immeuble proche, a eu une augmentation de 54 euros par mois. Il estime cette augmentation injustifiée. "Dans nos logements, on ne peut pas régler le chauffage. C’est mal isolé, on sent les courants d’air autour des fenêtres. Des habitants doivent calfeutrer leurs fenêtres et quand il pleut, ils mettent des serpillères pour éponger l’eau. Quand on demande à la SIP de faire des travaux, on nous répond qu’ils n’ont pas le temps. Ils ne font rien. Les espaces verts sont devenus un parking et on paie des charges pour ces espaces", explique Jean-Pierre.

Une révision des charges toujours pas à la hauteur des attentes

La révision de la hausse des provisions de charges annoncée par la SIP marque une avancée selon les habitants d’Étouvie, mais d’après Laurent Beuvain, conseiller départemental (PCF) du canton Amiens-ouest, qui accompagne les locataires de la SIP, le bailleur pourrait faire mieux. "La SIP a annoncé la participation de la société immobilière à hauteur de 180 000 € sur ses fonds propres pour accompagner les locataires face à l’augmentation des provisions de charges. 180 000 euros sur 200 millions d’euros de fonds propres, cela représente une participation de 0,09 % sur ses propres deniers ! On a vu mieux en termes de générosité !", déplore l’élu.

Concernant l’insalubrité des logements, la SIP a annoncé que les 200 millions d’euros bilantiels de la société sont "immobilisés pour les réhabilitations que la SIP va réaliser dans les 10 ans qui viennent, dont la totalité des résidences sur le quartier d'Étouvie et pour construire de nouveaux logements". 150 dossiers ont été déposés à la SIP pour insalubrité.

Les locataires de la SIP attendent de voir leurs prochaines quittances avant d'envisager une prochaine action.

Avec Emilie Boulenger / FTV

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