"On ne comprend pas, pourquoi nous ?" : centre d'insertion, salle de boxe, des lieux de vie incendiés après la mort de Nahel à Nanterre

Plusieurs quartiers d'Amiens ont été agités par des violences urbaines dans la nuit du mercredi 28 au jeudi 29 juin, où des lieux de vie ont été visés. Une centaine de salariés en insertion sont au chômage technique.

La situation était très tendue à Amiens dans la nuit du mercredi 28 au jeudi 29 juin. Après la mort de Nahel, tué par le tir d'un policier à Nanterre, plusieurs quartiers se sont embrasés, causant de nombreux dégâts.

Au sud-est de la ville, l'association Synapse 3i a été prise pour cible. 95 % des lieux ont été brûlés. Seule une partie de l'atelier de menuiserie a pu être préservée par les pompiers du SDIS 80. Une catastrophe pour le directeur et surtout un coup dur au moral pour la centaine de salariés qui se retrouve au chômage technique : "ce sont des familles en insertion puisqu'on est une structure d'insertion, se désole Jean-Pierre Motte, directeur de l'association, et là, ce sont toutes ces familles qui sont en pleurs qu'on essaye de soulager moralement."

"Il faut que l'on se reconstruise"

Un coup dur financier aussi pour l'association qui a beaucoup investi depuis ces trois dernières années. "On en a pour près de 300 000 euros. On n'avait pas loin de 40 machines à coudre qu'on avait achetées pendant la crise sanitaire. Rien que pour l'atelier broderie, il y avait trois machines, il y en avait pour 52 000 euros."

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L'ampleur des dégâts au centre d'insertion Synapse 3i à Amiens. ©Eline Erzilbengoa / FTV

En plus des ateliers de couture, l'ébénisterie, la tapisserie d'ameublement, la recyclerie, tous les ateliers d'insertion ont été détruits. "Cela faisait 5 ans que j'avais mon atelier couture, tout est partie en fumée", nous confie, en pleurs, l'une des salariées du centre.

Comment rebondir après une telle épreuve ? Le directeur veut garder espoir. "Trouver des locaux, c'est le point essentiel. Tout dépend de l'accompagnement qu'on aura. Quelles seront les aides financières. État, région, département, ville. Il faut qu'on se reconstruise."

Devant le bâtiment totalement détruit, les salariés tiennent le même discours : "On ne comprend pas, pourquoi nous ? C'est un gros coup dur, mais on va se battre et ne rient lâcher", lance l'un d'entre eux.

Une première réunion se tiendra ce jeudi après-midi en mairie pour décider du sort de l'association. "Le département se tient aux côtés de Synapse 3i, de ses salariés en insertion et des encadrants. Nous sommes mobilisés pour la relance de leurs activités", promet Stéphane Haussoulier, président du conseil départemental de la Somme.

"Cette salle de boxe incarnait le vivre ensemble"

Autres structures ciblées par les émeutiers, la médiathèque dans le quartier Étouvie et le centre de boxe. Une salle fondée il y a plus de quarante ans, elle aussi, est réduite en cendres. Devant un tel désastre, les frères Oudji n'ont plus de mots : "c'est l'histoire d'une vie, soupire Bouziane Oudji, éducateur au club ASC Boxe. Ma famille a contribué à la réussite de la construction de cette salle à travers nos résultats sportifs, à travers tout ce qu'on a enseigné auprès des jeunes. On a essayé de prôner pendant des années un discours de tolérance, d'acceptation, de respect et là, tout est parti en fumée. C'est attristant. Je vous avoue avoir les larmes aux yeux."

"Cette salle incarnait le vivre-ensemble, poursuit Mohammed Oudji, fondateur du club, toute la partie éducative de nos jeunes, qu'ils soient issus du quartier ou ailleurs. Elle incarnait le fait de s'entraîner en commun garçons et filles. Socialement parlant, ça fonctionnait très bien puisque les résultats ont été très probants depuis de longues années. Je suis peiné, je suis meurtri."

Je peux comprendre cette violence sans être d'accord. Il faut que tout le monde prenne ses responsabilités et que les choses bougent mais ce n'est pas en les brûlant que ça va résoudre les problèmes.

Bouziane Oudji, ex-champion de France des super-plumes (2001) et éducateur au club de boxe ASC BF

Originaire du quartier, Mohammed Oudji, cherche une explication à toute cette violence : "j'ai vu ce quartier se paupériser d'année en année. Il y a 40 ans, c'était un quartier cosmopolite. Puis, il y a eu l'accès à la propriété où la classe moyenne est partie. Ensuite, on a ramené la misère. Ce que j'ai essayé moi de faire, c'est de retrouver mes années 80, en essayant d'attirer les gens du centre-ville sur le quartier en développant cette salle. Généralement, les gens qui viennent de l'extérieur avec une idée préconçue ont toujours été surpris du mode de fonctionnement de notre association et ils y adhéraient fortement. Et moi, ça me permettait de tirer mes jeunes issus du quartier, vers le haut. Donc c'était un symbole. Mais peut-être que c'était un symbole qui dérangeait et qu'on a décidé de détruire."

Plus loin dans le quartier d'Amiens nord, c'est le centre d'animation jeunesse municipal l'Odyssée qui a été visé. Il ne reste rien à l'intérieur. Ainsi que la piscine Le Nautilus dont la partie administrative a été incendiée.

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