Dans la nuit de dimanche à lundi, des agriculteurs ont manifesté à Abbeville et Amiens contre l'augmentation de la Redevance pour pollution diffuse (RPD) qui doit être votée mardi à l'Assemblée nationale.
Après avoir déroulé des ballots de paille devant la préfecture, une cinquantaine d'agriculteurs, aux couleurs de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs, se sont dirigés vers la permanence de Barbara Pompili en fin de soirée.
La députée LaREM de la Somme a découvert ce matin, sur les vitres, le tag suivant : "Les agriculteurs sont là / réfléchit (sic) / stop tu nous pompes / les taxes". Sur Twitter, elle parle de "menaces à peine déguisées" et de "méthodes inacceptables et antidémocratiques". Elle a porté plainte contre les Jeunes Agriculteurs et la FDSEA de la Somme.
1/2 C’est quand déjà les prochaines élections aux chambres d’agriculture ??
— Barbara Pompili (@barbarapompili) 17 décembre 2018
Bref je préférerais largement une campagne électorale sur comment aider les agriculteurs à faire la transition écologique plutôt que la défense d’un modèle complètement dépassé... https://t.co/D5qgA0GI6I
2/2 Par ailleurs ces messages sont des menaces à peine déguisées pour m’obliger à voter comme ils me l’ordonnent. Ce sont des méthodes inacceptables et antidémocratiques. Je vais bien entendu porter plainte contre la @FDSEA80 pic.twitter.com/V2CDx4l6Yz
— Barbara Pompili (@barbarapompili) 17 décembre 2018
La permanence de François Ruffin, à quelques centaines de mètres, a aussi fait l'objet d'un déversement de paille. L'abréviation "RPD" a également été taguée à deux reprises sur la devanture.
Les raisons de la colère
La RPD, Redevance pour pollution diffuse, est à l'origine de la manifestation. Les agriculteurs protestent contre l'augmentation prévue de cette taxe prélevée en fonction de l'utilisation de certains produits phytosanitaires toxiques, dangereux pour la santé et/ou pour l'environnement. Son but est de limiter l'utilisation de ces produits.
D'après le ministère de l'Économie, cette hausse permettrait de récupérer 190 millions d'euros en 2019, contre 140 millions cette année. Un calcul erroné d'après les syndicats d'agriculteurs. Dans la région Hauts-de-France, la FRSEA estime que cette mesure augmenterait la somme perçue par l'Etat de 17 millions d'euros.
Mais la FNSEA considère que cette mesure est injuste, mettant en cause le "manque de solutions alternatives" à l'utilisation de ces substances, et pointe du doigt une "fiscalité punitive et aveugle".
"C'est la même revendication que les gilets jaunes avec le gazole : on ne peut pas s'engager dans la transition écologique, qui engendre déjà des coûts, et en même temps encaisser une augmentation des taxes en attendant qu'on soit prêts", explique Stéphanie Doligez, directrice de la FRSEA Hauts-de-France. "Ce n'est pas la bonne méthode. On n'a pas encore d'alternative écologique à tout, et là où il pourrait y en avoir à termes, on essaie de les mettre en place. Mais ça nécessite des changements technologiques, d'investir dans des équipements. Si on paye encore plus de taxes, on n'y arrivera pas."
Le syndicat regrette également que cette taxe ne soit pas entièrement dédiée au domaine de l'agriculture pour "accompagner financièrement [les agriculteurs] dans la réduction de l'utilisation et des risques" de ces produits.
"Ils font la sourde oreille"
L'augmentation de cette redevance doit être votée à l'Assemblée nationale ce mardi 18 décembre. C'est pour cette raison que les agriculteurs ont choisi d'interpeller les députés. "On alerte les élus depuis longtemps sur ce problème. Certains députés se sont opposés à l'augmentation, mais François Ruffin et Barbara Pompili font la sourde oreille."
Françoise Crété, présidente de la FDSEA de la Somme, explique : "Barbara Pompili fait de la politique. Elle sait que son électorat est sensible au bio, elle surfe sur cette tendance. Mais elle ne nous écoute pas, elle ne travaille pas pour son territoire. Résultat : on ne sera plus en capacité de produire en France, on consommera des produits étrangers. Et François Ruffin, lui, tout simplement, il ne nous répond pas. On veut juste qu'il nous écoute."*
"Un pistolet sur la tempe"
Pour la députée LaREM, derrière cette action se cachent des ambitions électorales de la part des deux syndicats. "Les élections des chambres d'agriculture ont lieu en janvier, donc tout ça n'est pas innocent. Il faut faire des actions pour montrer qu'on fait des choses...", suppose-t-elle. "Sur la forme, je n'aurais pas porté plainte s'il y avait juste eu une manifestation avec un dépôt de paille et quelques slogans. Mais là, il y avait des menaces pour influencer mon vote, ils ont écrit "Réfléchis", on sait ce que ça implique comme sous-entendus. C'est totalement inadmissible, parce que si on a des groupes d'intérêt qui mettent le pistolet sur la tempe des députés avant les votes, on est plus en démocratie."
Sur le fond, Barbara Pompili confirme son vote en faveur de l'augmentation de la taxe. "Il y a eu un travail énorme fait avec les agriculteurs, pour qu'ils puissent avoir un meilleur revenu, et c'est bien normal, car aujourd'hui ils ne sont pas payés suffisamment pour leur travail. Des ordonnances vont sortir sur les seuils de revente à perte et la fixation des prix, ils ont des aides fiscales, des exonérations de taxes.", explique la parlementaire. "Alors oui, la RPD persistes, et c'est vrai, elle sera un peu augmentée. Mais elle sert à financer le soutien à la conversion au bio, le plan Écophyto qui aide les agriculteurs à utiliser moins de produits phytosanitaires, mais aussi les agences de l'eau, qui permettent d'assainir les eaux polluées par les phytosanitaires. Qu'ils paient pour la pollution qu'ils produisent, ça me parait normal."
Elle ajoute que les syndicats avaient été reçus par sa suppléante lorsqu'ils ont sollicité un rendez-vous. "Il y a des points sur lesquels nous étions d'accord, et d'autres non. On a le droit de ne pas être d'accord, mais pas de menacer des parlementaires."
Contacté, le député LFI n'a pas encore répondu à nos sollicitations. Ses comptes Facebook et Twitter ne font pas mention de l'événement.