Directrice du lieu-compagnie Le Tas de sable-Ches Panses Vertes, basé à Rivery, près d'Amiens, Sylvie Baillon s’est imposée depuis quarante ans comme une référence dans les arts de la marionnette.
Ches Panses Vertes est une compagnie de théâtre de marionnettes créée en 1979 à Amiens par George et Michèle Baillon. Quarante ans plus tard, elle est devenue le Tas de sable-Ches Panses Vertes, un lieu-compagnie de création labellisé en 2021, Centre national de la marionnette (en préparation). À sa tête, Sylvie, fille des fondateurs.
"Au départ du projet, mon père était au chômage. Ma mère lui a lancé le défi de faire le spectacle de fin d'année pour son école, puis il y en a eu d'autres et la compagnie est partie comme ça", se souvient Sylvie Baillon.
Dès lors, la mère et les trois filles se lancent dans l'aventure. Sylvie se met à la mise en scène et pose les bases de l'association. "Dans les années 80, c'est aussi le début des professionnalisations dans le milieu artistique. C'était important de structurer cette histoire."
Rompre avec la tradition
Devenue directrice en 1989, Sylvie rompt avec la tradition. En Picardie, les marionnettes à tringle ou à fils, comme Lafleur, ont pignon sur rue. La metteuse en scène innove. "Nous, on fabrique les marionnettes dont on a besoin et c'est ça qui est en rupture parce qu'on invente des marionnettes qui n'existent pas, des techniques de manipulation qui n'existent pas. C'est toujours situé dans un rapport spatial. Le rapport au manipulateur, avant, il était caché, nous, on le met sur le plateau. Une autre rupture est qu'on a fait appel à des auteurs encore vivants, et ça, c'était une chance".
"C'est une marionnette qui a de la mémoire"
Avec elle, Sylvie Baillon, a ramené sur le plateau de l'émission Hauts-Féminin sa marionnette coup-de-coeur, le grand-père. Fabriquée par son compagnon Éric Goulouzelle, elle s'inscrit dans le spectacle "Intérieur-Pierrot lunaire".
"C'est un spectacle où j'ai travaillé sur cet art japonais du pliage. Elle est formidable parce qu'elle a de la mémoire. C'est-à-dire que quand on la bouge, elle continue de bouger même quand on n'est plus là. Et ce qui est fascinant, c'est qu'elle fait du bruit. Pour un grand-père, c'est quand même extraordinaire. Au spectacle, il y a des micros pour amplifier le bruit de ce mouvement et le rendre plus vivant".
Dès les années 80, Sylvie Baillon fait de la compagnie familiale un lieu de création, de rencontres, mais aussi et surtout de formation et de soutien aux artistes pour leur permettre de travailler en conditions professionnelles. C'est ce qu'elle appelle le compagnonnage.
"Quand j'ai fait mes premières mises en scène, j'étais accompagnée par deux metteurs en scène, François Lazaro et Jean-Raymond Châles, un acteur québécois. C'est important d'avoir ce rapport, de savoir ce qu'on fait. C'est comme ça qu'on apprend. J'ai aussi appris à l'école de Charleville-Mézière puisque j'y étais en formation à la mise en scène".
Au fil des ans, Sylvie Baillon crée, rectifie, apprend des autres. "Au début, je faisais des spectacles un peu épais, dans le sens où il y avait mille-feuilles. Avec les retours du public, j'ai pendant un moment été à la recherche de plus de légèreté pour supprimer un peu de feuilles, en laissant quand même... Trois".
"C'est l'histoire d'une vie"
D'ici à quelques jours, le livre Sylvie Baillon. Marionnette, silence et totem à paroles va sortir. Patrick Boutigny y retrace l'aventure de Ches Panses Vertes. Il en décrit le parcours et sa riche programmation, depuis La Soupe à cailloux en 1980 jusqu'à son dernier spectacle Bastien et Bastienne en 2021, joué à l'opéra de Lille.
"C'est énorme ce que je retiens de ce parcours" reconnaît Éric Goulouzelle. Metteur en scène et conteur, il a collaboré à l'écriture de l'ouvrage. "Ma vie n'aurait pas été la même sans rencontrer Sylvie, très clairement. Mon rapport au théâtre et à la marionnette serait peut-être même inexistant. On a grandi ensemble sur cette histoire. En tant qu'interprète et constructeur de marionnettes, et un peu plus depuis que Le Tas de sable est un lieu qui accueille des compagnies en résidence. C'est l'histoire d'une vie."
"Ce qui est singulier chez Éric comme acteur, précise Sylvie Baillon, c'est sa façon de dire les textes. C'est un formidable diseur de texte. Cette propension à dire voire à proférer, parce que sur 'La scie patriotique', c'était de la profération, c'est une qualité rare. Quand elle n'est pas accompagnée, c'est moi qui suis devant. C'est une absence présente".
"La marionnette dit des choses par elle-même, reprend Éric Goulouzelle, et le rôle de l'acteur qui la manipule, dans le type de théâtre que fait Sylvie Baillon, où en général, l'acteur est aussi visible que la marionnette, c'est de savoir s'effacer, être neutre, qu'on puisse donner la sensation que c'est elle qui parle".
La sortie du livre Sylvie Baillon. Marionnette, silence et totem à paroles est prévue en août 2023, en librairie. Mais déjà, Sylvie Baillon commence à rêvasser à son prochain spectacle dans lequel elle prévoit de sortir toutes les marionnettes. "On les garde toutes. On est d'ailleurs en train de les répertorier. L'idée est d'interroger la place de l'Homme quand aujourd'hui, il y a plein de machines. Comment on reste humain. Je pense que la marionnette sera juste pour parler de cela".
Retrouver en intégralité l'émission Hauts féminin avec Sylvie Baillon ci-dessus. Et tous les autres épisodes sur france.tv.