Procès Bardon - Jour 7 : des paroles choquantes de l'accusé révélées par une écoute téléphonique

La 7e journée du procès de Bardon était consacrée à la reconnaissance de sa voix par des proches sur l'appel aux pompiers d'Elodie Kulik. Elle a été marquée par l'acte de contrition de l'accusé, après la révélation de mots insultants envers le père de la victime dans une conversation téléphonique.

Du 21 novembre au 8 décembre se tient le procès de Willy Bardon devant les assises de la Somme à Amiens. Il est poursuivi pour l'enlèvement, la séquestration, le viol en réunion et le meurtre d'Elodie Kulik le 11 janvier 2002. France 3 Picardie vous fait suivre tout le procès au jour le jour.

Procès Bardon - Jour 7

"Je suis idiot de dire des méchancetés comme ça, mais c’est le seul moyen de me faire entendre, parce que personne ne me croit. Je regrette, M. Kulik, je vous promets que je regrette".

Des trémolos dans la voix, Willy Bardon s’adresse au père de la victime, après avoir soigneusement évité son regard pendant une semaine.

Une semaine d’un profil bas remarqué par tous, qui permettait de rattraper un peu le portrait de dragueur lourd, de "gros dégueulasse" que différents témoignages esquissaient de lui. Une semaine à parler le moins possible. À faire amende honorable, quand on lui demande de s’expliquer sur des remarques ou des comportements déplacés envers des femmes.

Mais il a suffi de quelques mots extraits d’une conversation téléphonique pour briser ses efforts.

Quelques minutes plus tôt pourtant, la septième journée touche tranquillement à sa fin. La cour auditionne Frédéric L. Willy Bardon et lui se connaissent depuis 2005. Ils ont une passion commune pour le 4x4. De l’accusé, il dit qu’il est "serviable" et qu’il ne l’a "jamais vu violent".

Il dit qu’ils ne sont pas vraiment amis. Frédéric L. est pourtant un soutien actif de l’accusé, allant le voir en détention entre janvier 2013 et avril 2014.

Comme les deux autres témoins entendus avant lui, il a été invité par les gendarmes à écouter le déchirant appel d’Elodie Kulik aux pompiers la nuit de sa mort. Et ça l’a choqué. "Affreux", "atroce" sont ses mots. À l’inverse de Cyril L. passé juste avant lui, il n’a pas reconnu la voix de Bardon. Et reste convaincu de son innocence.

L’avocat général Anne-Laure Sandretto prend la parole. Elle revient sur cette audition, lors de laquelle "le ton est plutôt jovial", "une discussion bon enfant".

Une certaine torpeur s’est installée dans la salle. On jette un coup d’œil à l’horloge digitale aux chiffres rouges sur le mur au-dessus des jurés. 17h45.

Soudain, Mme Sandretto lit à haute voix la retranscription d’un échange téléphonique entre Willy Bardon et lui remontant au 27 juin 2014. L’accusé y critique la juge d’instruction et Jacky Kulik en des termes à caractère sexuel d’une extrême violence. Des mots qui ont fait rire Frédéric L.

Des murmures offusqués résonnent dans la salle. Le témoin tremble.

Didier Seban, avocat de la partie civile, se tourne vers Willy Bardon. Lui demande de s’expliquer. La tentative de justification - des paroles de colère excessives nées d’un profond sentiment d’injustice - n’est pas audible.

"Personne ne peut comprendre ce que je ressens.
- Ni ce que lui ressent, il a perdu sa fille
, lui rétorque sèchement Me Seban.
- Je sais et c’est pire". En effet.

Par ses ricanements révélés par une écoute téléphonique, Frédéric L. a cristallisé une partie de la haine des soutiens à Jacky Kulik. Par ses ricanements, il s’est fait le complice d’une ignominie. On ne touche pas à la famille d’une jeune femme enlevée, violée et tuée.

L’audience levée, le témoin doit d’ailleurs suivre Bardon pour sortir par une porte dérobée. Des insultes ont été proférées à son encontre. L’accusé se permet même de le signaler à l’avocat général d’un ton moralisateur. Et là, on se dit : il a du culot quand même ce Willy Bardon.

G.G.


Jour 6 : les méthodes contestables d'enquêteurs sous pression

Quand il s’avance à la barre, l’adjudant Fabrice D. a sûrement conscience que son audition va être difficile. Âgé de 49 ans, il a consacré huit ans de sa vie au meurtre d’Elodie Kulik, dont six comme directeur d’enquête (de 2008 à 2014).

Tel un sportif avant une compétition, on l’attend préparé, affûté, prêt à en découdre avec la défense. Une défense qu’on imagine, elle, bien décidée à faire passer le poulet sur la broche de ses questions.

Mais l’adjudant Fabrice D. semble aussi fragile que son dossier.

Mardi, nous avions été, avouons-le, séduits par le lieutenant-colonel Pham-Hoai, spécialiste en biologie moléculaire, droit comme un I, à l’aise à l’oral, discourant sans notes. La comparaison fait mal. Le directeur d’enquête préfère se présenter en chemise, lit ses feuilles d’une voix tremblante en s’appuyant sur le pupitre.
 

Une enquête hors normes

Il commence par rappeler ce que représente cette affaire hors normes : 12 000 pièces de procédure, 5 500 prélèvements ADN ou digitaux, 182 témoins entendus, 600 hypothèses de travail et 14 000 déclenchements de relais téléphoniques. Hors normes, on vous dit.

L’identification du violeur d’Elodie Kulik comme étant Grégory Wiart en janvier 2012 a donné un coup d’accélérateur spectaculaire aux investigations. Les gendarmes ont multiplié les auditions dans les mois qui ont suivi.

Fabrice D. se lance alors dans l’exposé des témoignages, qui semblent tous à charge contre Willy Bardon : il a changé de comportement depuis la médiatisation du nom de Grégory, il demande aux personnes entendues ce que les enquêteurs veulent savoir sur lui, il est décrit comme "quelqu’un de travailleur, de meneur, de grossier, de fort en gueule et d’irrespectueux avec les femmes".
 

"Bob" le sextoy

Au fur et à mesure, on ressent un malaise à l’écouter. Dans un tweet, un confrère habitué des prétoires, qualifie d’ailleurs son compte-rendu "d’étrange inventaire, entre éléments factuels, ragots et considérations morales".

Il nous parle des escroqueries de Bardon, des injures proférées à l’encontre de gendarmes, du juge et de Jacky Kulik lors de conversations téléphoniques, de sextos envoyés à sa maîtresse (devenue sa compagne légitime), de "Bob" leur sextoy...

Me Stéphane Daquo, avocat de Willy Bardon ne cache pas un petit sourire de satisfaction.

Au bout de 45 minutes, le directeur d’enquête conclut : "On est sûrs pour Grégory Wiart. De nombreuses investigations convergeront vers un proche : Willy Bardon".
 

Des méthodes contestables

L’heure des questions a sonné. L’avocat général, Anne-Laure Sandretto, pointe avec finesse les méthodes employées lors des garde-à-vue en janvier 2013 : Myriam H. est incitée à faire craquer son ex-compagnon Christophe M. dans la salle d’interrogatoire, puis invitée à appeler Willy Bardon pour qu’il se livre.

"Concernant le fait qu’on l’ait emmenée dans une salle, je n’en ai pas connaissance", répond piteusement le gendarme.
- Franchement, ça m’étonne qu’en tant directeur d’enquête, vous ne soyez pas au courant de ça. Je ne vois pas d’infraction pénale, mais déontologiquement on frôle la ligne jaune", s’indigne Mme Sandretto.

Et qu’a-t-il à dire du coup de fil ? Il voulait "provoquer une réaction […], ce n’était pas pour piéger Willy Bardon". Honnêtement, un doute s’installe.

L’avocat général n’en a pas fini et assène un dernier coup, plus violent encore, lorsqu’elle cite une question posée durant une audition de témoin. Une question très longue, trop longue, qui énumère des charges contre l’accusé et finit par "vous en pensez quoi ?"

"C’est un véritable réquisitoire ! Vous vous rendez compte que la manière n’est pas correcte ? Vous le referiez ?
- Non. C’est vrai, que ça aurait pu être plus court…
" Aïe, aïe, aïe. On a presque mal pour lui.

Heureusement, c’est l’heure de la pommade, avec le docteur Didier Seban, avocat-soigneur de la partie civile. Ses questions permettent de recontextualiser le travail des gendarmes sous les pressions médiatique et hiérarchique. Même le président Sarkozy réclamait qu’on trouve le meurtrier d’Elodie.

"Mais vous n’étiez pas seuls. Vous enquêtiez sous la responsabilité de la Justice ?
- Oui, je rendais un rapport hebdomadaire
", confirme le gendarme.

Enfin vient le tour des avocats de Willy Bardon.

Me Marc Bailly demande pourquoi les enquêteurs n’ont pas entendu une femme évoquée par Bardon lors de sa garde-à-vue : "je ne sais pas".

Katy D. l’ex-compagne de Grégory Wiart justifiait la présence de son ADN nucléaire sur l’emballage du préservatif retrouvé près du corps, en disant qu’elle les déchirait pour lui faire comprendre qu’elle n’était pas dupe de ses adultères.

"Pourquoi ne pas faire de mise en situation pour confirmer ses dires ?
-  Je ne sais pas
".

Un directeur d’enquête qui ne sait pas grand-chose, ça fait mauvais genre.
 

Des pistes inexploitées ?

Pire, Me Gabriel Dumenil accuse la cellule d’enquête de ne pas avoir exploité certaines pistes. Notamment celle d’un homme qui s’était accusé du meurtre, certes ivre, dès 2003.

Me Daquo, lui, aimerait parler au gendarme "les yeux dans les yeux". Il ne lui rend que son profil droit. Tant pis. Cela ne l’empêche pas de lui reprocher les conditions de la garde-à-vue de son client "resté dans la même salle toute la journée".

À l’image de son confrère Dumenil, c’est l’obstination des enquêteurs à focaliser leur travail sur Bardon qui agace l’avocat. Lui aurait bien aimé qu’ils montrent autant de zèle avec Christophe M., l’apprenti de Grégory Wiart. Son alibi pour le soir du meurtre ? Il était à l’internat du CFA de Laon.
"On a vérifié son emploi du temps, on a interrogé des gens au CFA.
- Quand les avez-vous interrogés ?
- En 2012, dix ans après les faits.
- Comment pouvaient-ils se souvenir, si Christophe M. était dans son lit dans la nuit du 10 au 11 janvier ?
"

Et quand ce ne sont pas les pistes écartées, ce sont, une fois encore, les méthodes qui interpellent. Stéphane Daquo revient d’ailleurs à l’appel téléguidé de Myriam H. à Willy Bardon :
"Vous l’avez acté ? En avez-vous parlé au juge d’instruction ?
- Non.
"

L’audition terminée, on s’étonne de voir que l’adjudant ne quitte pas la salle rapidement, comme l’ont fait de nombreux témoins avant lui. Au contraire, il retrouve trois collègues gendarmes en civil. Boit un peu d’eau. Refait-il le match ? En tout cas, pas l'enquête, ce serait trop long.

Finalement, il sort, visiblement soulagé. Le moment pénible est terminé.

G.G.

 

Jour 5 : 26 secondes d’hurlements et d’incertitudes

Par deux fois, les cris stridents d’une jeune femme résonnent dans les haut-parleurs de la salle d’audience. L’enregistrement, saturé et grésillant, est le dernier héritage qu’à pu laisser Elodie Kulik de son vivant, la nuit du 10 au 11 janvier 2002. Ces petites 26 secondes de son fébrile sont déterminantes, comme l’indiquent les casques audio aussitôt distribués à la cour pour deux nouvelles écoutes : il s’agit de la seule pièce du dossier d’accusation incriminant Willy Bardon, assis depuis cinq jours sur le banc des accusés.

Entre deux hurlements, deux secondes de bribes de voix masculines sont en effet perceptibles, sans pour autant être intelligibles. Cinq proches de l’accusé, sur sept interrogés, ont assurément identifié la voix de l'Axonais lors de leur audition en 2012.

Mais l’incertitude a été le maître-mot de ce mercredi 27 novembre. À la barre du tribunal d’Amiens et en visioconférence, trois des quatre experts ayant travaillé sur l'enregistrement glacial ont confié leur scepticisme quant à sa qualité. Cette bande-son, ils l’ont pourtant décortiquée, en ont isolé certaines tonalités. "Je peux affirmer que nous sommes très loin d’avoir des conditions acceptables pour réaliser une identification fiable," résume Jean-François, chercheur entendu depuis le Vaucluse.
 

Des convictions, aucune vérité scientifique

Un membre de la police scientifique, entendu dans la matinée, estime qu’en dehors de celle d’Elodie Kulik, "au moins deux voix différentes", sont entendues, l’une teintée d’un accent local en raison notamment de la prononciation des "a", l’autre d’un accent social, dit "de banlieue". Baptisées xA et xB, aucune de ces voix n’est cependant attribuée à Grégory Wiart. Toujours selon cet expert, issu de la police scientifique, la présence d’une troisième personne n’est pas exclue.

Arnaud, expert de la gendarmerie, fournit une chronologie du peu d’indices présents dans l’enregistrement, qu’il juge "médiocre" lui aussi. Sans certitude, il affirme discerner un "au secours, ils vont me…",  "oui", "éteins",  "ça va", "dis-moi ce qu’il faut faire", "cette fenêtre" dans la cacophonie. Interrogé, Willy Bardon - que l'on avait presque oublié puisqu'il n'a pas parlé depuis deux jours - confie bien entendre un "éteins ça".
 

À la 26e seconde, un son mettrait fin à l’enregistrement, sans que l’on sache si le ou les individus ont raccroché, éteint le téléphone ou retiré la batterie de celui-ci. L'incertitude, toujours.
 

Une sévère remise en question

Jean-François émet aussi des doutes quant à la mémoire des témoins ayant identifié Bardon. "En trente ans de carrière, je n’ai jamais lu d’étude fiable affirmant que la mémoire humaine était capable de reconnaître ainsi un proche. Nous ne sommes pas programmés ainsi. Moi-même, je ne reconnais pas ma voix", confie-t-il, soulignant que les années passées et les conditions de l’enregistrement pouvaient énormément altérer cette reconnaissance. "Des perturbations, bien plus faibles que celles-ci, mènent déjà à d’énormes problèmes", conclut-il.

Point par point, Jean-François démonte l’analyse de Norbert, aujourd’hui malheureusement décédé, qui avait accablé Willy Bardon. De son vivant, l’intéressé "n’a jamais été officiellement reconnu, notamment par ses diplômes, comme étant capable de mener des comparaisons de voix. Il était acousticien," rappelle-t-il, devant la défense, visiblement ravie. 

"Quand on reconnaît quatre extraits vocaux sur 22 écoutes, ça ne peut pas être quatre fois le fruit du hasard !" s’emporte Me Seban, souhaitant redonner du crédit au travail de l’acousticien. À présent, les rôles sont inversés : à l’aise avec les premiers témoins concernant la personnalité de Bardon, les arguments des avocats des parties civiles sont malmenés, comme l’étaient auparavant ceux de la défense. Aujourd’hui, ils assistent aujourd’hui à la remise en cause par les scientifiques de la pièce maîtresse de l’accusation.

V.P.



Jour 4 (suite) : la leçon de biologie moléculaire du lieutenant-colonel Pham-Hoai

Il tranche avec toutes les personnes entendues depuis le début du procès. Sa démarche est élégante, il se tient droit avec assurance. Le lieutenant-colonel Emmanuel Pham-Hoai porte beau dans son uniforme d'officier de gendarmerie.

Ce titulaire d'un "double bac + 5 en biologie moléculaire", comme il le précise d'emblée à la barre, est aujourd'hui, à 41 ans, l'un des spécialistes français des recherches ADN en matière criminelle. Il a notamment travaillé sur le véhicule de Nordahl Lelandais, mis en examen pour séquestration et meurtre de la petite Maëlys en août 2017.

Face à la cour, M. Pham-Haoi offre un exposé complet et d'une précision rare. Il parle vite, avec un talent oratoire certain, qui lui vaudra un satisfecit de la présidente.

Entre 2010 et septembre 2011, alors jeune lieutenant, il est nommé directeur opérationnel dans la Somme : "j'ai découvert l'affaire en arrivant". Et son passage va tout changer. Des traces de sperme ont bien été trouvées sur la scène de crime dans un préservatif usager, mais l'ADN ne "matche" pas avec les profils enregistrés dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg).

"Très rapidement, je vois qu'il y a eu 5000 prélévements, mais que le suspect n'a jamais été appréhendé. Soit il a changé de profil de vie, soit il a déménagé, soit il est mort". Cette dernière intuition se vérifiera.
 


De la Somme au FBI

À l'époque, en bon scientifique, il se lance dans une recherche bibliographique. Et trouve : la recherche d'ADN en parentèle, une technique employée aux Etats-Unis. "Au lieu de chercher 100% de correspondance entre les traces , je vais chercher seulement 50%".

Problème : la technique est inédite en France. Aucun cadre juridique n'existe. Après un an d'étude, le ministère de la Justice confirme que rien ne s'oppose à la nouvelle méthode.

"En novembre 2011, la recherche en parentèle fait resortir trois cents noms, mais un seul émerge : Patrick Wiart. Il a 50% de correspondance avec la trace (...) À ce moment, c'est l'enquête traditionnelle qui reprend". Une reprise sans lui. L'expert part aux Etats-Unis, à l'Académie du FBI, le célèbre Bureau fédéral d'investigation. Ses collègues vont écarter le père de M. Wiart, déjà décédé en janvier 2002 et son plus jeune fils, qui n'avait que 5 ans. Ils vont en revanche orienter leurs nouvelles investigations vers son aîné, Grégory.

L'histoire est désormais connue, Grégory Wiart est mort en 2003. Une comparaison de son ADN nucléaire, prélevé sur son corps exhumé, confirmera qu'il a violé Elodie Kulik.
 

Un exposé passionnant, mais complexe

Au fil des minutes, l'exposé se mue en cours de biologie moléculaire. Le "Professeur" Pham-Hoai, qui ne veut pourtant "pas rentrer dans un discours de geek", explique à la cour, tout ouïe, la différence entre ADN nucléaire "qui apporte des certitudes" et ADN mitochondrial, qui peut être partagé par de nombreuses personnes non apparentées. Il tente de vulgariser, fait des métaphores. C'est passionnant. Mais soyons honnête, on ne comprend pas toujours tout.

Il répond doctement aux assesseurs et aux avocats des parties civiles. Tout se passe bien. Sauf face aux avocats de la défense.

Me Gabriel Dumenil commence pourtant par un compliment : "c'est en partie grâce à votre travail que cette enquête a beaucoup avancé". La suite est plus confuse. Il veut parler d'ADN mitochondrial, mais patauge. Le gendarme ne la rate pas : "je crois que vous ne m'avez pas compris". Emmanuel Pham-Haoi semble attendre la question piège.

"A-t-on retrouvé une trace ADN de Bardon ?
- Non
", reconnait l'officier.
 

Décridibiliser l'enquête des gendarmes

Me Dumenil pourrait s'arrêter là. Mais il s'intéresse toujours à ce satané ADN mitochondrial. Celui-même qu'on a trouvé en quantité sur la scène de crime, mais qui ne veut pas dire grand chose.

Et puis, la stratégie devient plus claire, les défenseurs de Willy Bardon ne veulent pas seulement prouver que leur client n'a pas participé au crime. Ils cherchent, par contraste avec la minutie du "super gendarme", à décrédibiliser ses anciens collègues ; leur manière -suposée- d'orienter les interrogatoires des gardés-à-vue ou leur habitude de ne pas toujours demander l'aval du juge d'instruction dans les procédures : "on a vu que ce n'était pas toujours le cas", assène Me Stéphane Daquo.

On pressent déjà que les auditions des autres enquêteurs seront plus rudes encore.

Au bout d'une heure et demi, avec sûrement le sentiment du devoir accompli, le lieutenant-colonel Pham-Haoi range sa sacoche en cuir, reboutonne calmement la veste de son uniforme et quitte la salle. L'audience est levée.

G.G.
 



Jour 4 : des révélations qui n'en sont pas et un "problème familial grave"

Ce matin, une ambiance particulière régnait dans la salle des pas perdus. Allait-on assister à un coup de théâtre ou à un pétard mouillé ? Myriam allait-elle révéler des secrets bien gardés ? La veille, à 13h30, la présidente Martine Brancourt avait surpris tout le monde en annonçant avoir reçu une heure plus tôt un courrier électronique de sa part.

Vendredi, cette commerçante avait fait le récit glaçant du comportement obscène de Willy Bardon à son égard. Elle avait aussi reconnu à demi-mot que son ancien compagnon, Christophe, en savait peut-être plus sur la dramatique soirée du 10 janvier 2002 que ce qu'il avait dit aux gendarmes pendant l'enquête. À l'époque, encore adolescent, il était le fidèle apprenti de Grégory Wiart. Dans son e-mail à Mme Brancourt, elle affirme avoir des "révélations" à faire qu'elle estime "importantes".

Alors ce matin, reconnaissons-le, il y avait une certaine excitation dans les rangs des journalistes. Et puis... Et puis Anne-Laure Sandretto, avocat général (et pas avocate générale, elle y tient) s'est levée et a demandé le huis clos. Pour la sécurité du témoin et le secret de l'enquête. Les avocats acceptent. La présidente fait évacuer la salle.

Pendant vingt minutes, la centaine de personnes est amassée devant la salle d'audience. Soudain, un huissier cherche un certain M. Devendeville. Myriam a terminé ? Déjà ? Il semble qu'elle soit sortie par une porte dérobée. Le docteur Devendeville est médecin légiste. Il attend. Nous aussi.

Moment de flottement, jusqu'à ce qu'une fonctionnaire de police appelle cette fois la sœur de Jacky Kulik. Tout cela devient vraiment surprenant.

Les portes s'ouvrent. On rentre. Pas pour longtemps.

Le coup de théâtre ne viendra finalement pas de Myriam. La présidente annonce que M. Kulik a dû partir précipitamment en raison d'un "problème familial grave" et suspend l'audience pour la matinée. Le médecin attendra encore.

Selon nos informations, Jacky Kulik s'est rendu au chevet de son frère hospitalisé en urgence. Le sort semble s'acharner sur le père d'Elodie Kulik ; il a déjà perdu trois de ses quatre enfants, ainsi que son épouse. 

Incrédules, les journalistes et le public quittent le tribunal.

G.G.
 



Jour 3 : Elodie Kulik "une femme droite, fidèle et sincère"

Il se sera passé beaucoup de choses durant cette troisième journée d’audiences.

La cour a entendu un accidentologue et un ancien maréchal des logis, mandatés en janvier 2002 par le procureur pour l’expertise du véhicule de la victime.
Amélie, la compagne de l’accusé, a été mise face à ses contradictions par l’avocate générale.
Un appel téléphonique enregistré à leur insu par les gendarmes entre Amélie et Willy Bardon a été diffusé dans la salle.
Willy Bardon a été appelé à la barre pour parler de lui-même et de sa sexualité débridée.

Beaucoup de choses.

Mais, cette troisième journée a surtout enfin permis de sortir (un peu) de l’étude de personnalité de l’accusé. Trois témoins de la partie civile, trois femmes, ont rappelé qu’au cœur de ce procès, de cette affaire, il y avait une jeune femme, Elodie Kulik, violée, tuée et brûlée dans la nuit du 10 au 11 janvier 2002.
 

L'ange Kulik, le démon Bardon

Ces trois femmes, Cindy, Marie-Pierre et Chantal sont des proches de la victime et de sa famille. Leurs témoignages sont évidemment hagiographiques : Elodie Kulik était un ange. Aussi parfaite que le démon Bardon serait une ordure.

La première à la barre, c’est Cindy. Cette femme de 42 ans était la meilleure amie d’Elodie, elles se sont connues en CM2. Celle, qu’elle qualifie de "deuxième soeur", était "une enfant drôle, enjouée, qui m’a tirée vers le haut".

Cindy et Elodie ne se sont jamais quittées. "En 2000, elle est venue pour le baptême de mon aîné. Elle m’avait appelée quelques semaines avant sa mort pour m’annoncer qu’elle venait d’obtenir le poste de directrice de l’agence bancaire (…) elle en était fière".

"Qui était Elodie Kulik ?", lui demande Me Didier Seban, avocat de la partie civile. La question a sans doute été préparée, les mots en réponse, sont pesés et forts : "une jeune et belle femme, mais pas que. Elle était droite, sincère et fidèle".

Cindy souhaitait qu’Elodie devienne marraine de son fils, lors du baptême prévu en 2003. Sa mort l’a empêché. Peu importe, son amie restera pour l’éternité une "marraine de coeur".
 


"Boucle d'or"

Marie-Pierre est plus âgée et à la retraite. Elle a connu Elodie toute petite. Professeure des écoles en maternelle à Monchy-Lagache (80), elle a accueilli dans sa classe au début des années 1980 celle qu’on surnommait "Boucle d’or".

Elle décrit une petite fille qui "s’est révélée rapidement vive d’esprit", rappelle "la capacité de travail et la réussite d’une jeune femme bachelière à 16 ans".

En bonne institutrice, Marie-Pierre a prévu de raconter une histoire, une version revisitée de Boucle d’or, où les "ours monstrueux lui ont détruit la vie". Peine perdue, la juge préfère les témoignages en bonne et due forme.

Et celui de Chantal est en bonne et due forme. Il est plus que cela. Fort, émouvant, puissant.

Chantal connaît Jacky Kulik depuis l’âge de 10 ans. Ils vivaient dans la même cité minière. Son mari était facteur, comme Jacky. Elle a vu naître tous les enfants Kulik. Les quatre. 

Pour ceux qui ne le sauraient pas, la vie des Kulik est marquée par le deuil depuis très longtemps. Jacky et Rose-Marie ont perdu leurs deux premiers enfants, Karine et Laurent, dans un accident de voiture. L’arrivée de cette petite blonde "qui lisait beaucoup, (…) chantait et dansait" a réenchanté leur foyer.

Jacky Kulik pleure.


"Pourquoi est-ce qu'on lui a fait ça ?"

Mais "un jour, il y a eu ce truc", évoque alors pudiquement Chantal. Avant de décrire les cris de Rose-Marie à la morgue : "elle n’a pas souhaité que j’aille voir le corps, pour garder une belle image de sa fille". Ce souvenir tragique touche le public. Au fond de la salle, une nièce de Jacky Kulik, très digne jusque-là, ne peut retenir ses larmes.

"Pourquoi est-ce qu’on lui a fait ça ?", s’interroge finalement Chantal à voix haute, avant de rejoindre le banc des parties civiles, avant de serrer "un homme rare" dans ses bras, son ami Jacky.  

G.G.
 



Jour 2 : les pratiques sexuelles de l'accusé au cœur des débats

La personnalité de l'accusé se dessine peu à peu après cette deuxième journée de procès. Entendue par la cour toute la matinée, Amélie, actuelle concubine de Willy Bardon, décrit celui-ci comme un homme "toujours prêt à aider", un "père aimant" avec son propre enfant, même s’il n’en est pas le père. Un portrait en concordance avec le comportement de l’accusé, apprêté en chemise et veste de costume claire, répondant volontiers à toutes les sollicitations de la cour.
 

Le gendre idéal

Un peu plus jeune que Willy Bardon, Amélie l'a rencontré alors qu’elle avait 24-25 ans, vers 2006. Celui-ci jouait alors le rôle du confident, à l’époque où la jeune femme, en couple aussi, était victime de violences conjugales. Puis, confit-elle, "les sentiments ont pris le dessus et on a sauté le pas," devant un Willy Bardon ému et attentif. Leur liaison adultère, mis au jour par l’enquête, a eu raison des leurs relations respectives puis a survécu à l’incarcération de Bardon.
 


"Puisque l’affaire traite de faits de viols," justifie la présidente, cette dernière aborde prudemment les questions sur les pratiques sexuelles de Willy Bardon. Amélie explique qu’elles découlent d’un dialogue ouvert avec son compagnon, même si celui-ci avait des demandes répétées concernant un "plan à trois" avec Christelle, alors la compagne de Bardon, chose qu’elle a toujours refusée. "C’est un gros nounours, (…) il ne m’oblige à rien puisque j’ai le dessus sur lui. Et il le sait," assène-t-elle, fusillant du regard le banc des accusés.

Amélie charge alors Christophe, l’apprenti de Grégory Wiart, le violeur d’Elodie Kulik. "C’est la première personne à qui j’ai pensé lorsque l’affaire a éclaté. Il s’est passé des choses, avec moi et ma soeur. Pour moi, ça m’aurait pas étonné que ce soit lui," lance-t-elle, déclenchant l’ire de l’avocate générale. "Vous êtes la concubine d’un homme accusé d’enlèvement et de meurtre et vous ne faites pas part de vos suspicions aux enquêteurs ?" gronde-t-elle, aussitôt foudroyée du regard par Bardon. Amélie, hésitante, lui répond qu’elle ne souhaitait accuser personne à tort.
 

Un rapport ambigu avec les femmes

La description de gendre presque idéal a tout de même craquelé, témoignant du rapport ambigu avec la gent féminine. La cour est revenue sur les avances explicites qu’avaient Willy Bardon à l’encontre d’Elodie, la soeur d’Amélie. "On s’est pris la tête à cause de ça, bien sûr. Je lui ai fait la gueule pendant deux semaines," raconte la compagne de l'accusé.

L’assemblée apprend aussi que l’homme appréciait particulièrement coucher avec sa compagne lorsque celle-ci avait ses règles. Malgré les réticences de cette dernière, Bardon lui en faisait plusieurs fois la demande par SMS. Il souhaitait notamment qu’elle accède à sa requête pour un "cadeau de Noël".

"Il a eu un comportement assez étrange, qui ne me plaisait pas," avoue Emeline, première témoin de l’après-midi et connaissance lointaine de l'accusé. Entendue en visio-conférence, elle a rappelé à la cour qu’elle recevait des SMS de Willy Bardon décrivant ses tenues quotidiennes ou encore lui reprochant avoir été en retard pour aller chercher son enfant l’école. Comportement que nie l’accusé, prétextant qu’il avait prêté son portable à son collègue Pierrick, aujourd’hui décédé.
 

« Je vais te prendre le cul »

Chose inédite, Willy Bardon a laissé transparaître de la colère lorsque Me Seban lui a demandé si ce genre de message était approprié à l’encontre d’une femme. "Non, y a pas de raison pour qu’elle se sente menacée !" a-t-il lancé à l’avocat de Jacky Kulik. C’est pourtant ce qu’a ressenti Myriam, commerçante à Saint-Quentin, lorsqu’elle fait la rencontre de Bardon en 2012. Vêtue d’une jupe ce jour-là, elle aurait reçu des obscénités de la part de l'accusé parce que son enfant avait laissé tomber un jouet par terre.

"Il avait sorti un truc comme « vais-y penche toi, je vais te prendre le cul", c’était une horreur pour quelqu’un que je croisais pour la première fois. Je ne m’étais même pas penchée !" Traumatisée par l’épisode, elle s’est arrangée pour ne plus jamais croiser le chemin de Willy Bardon, alors même que, compagne à l’époque du Christophe mentionné plus tôt, elle côtoyait le milieu 4X4 local cher à Bardon et Wiart.

V.P.
 



Jour 1 : qui est Willy Bardon ? 

Qui est Willy Bardon ? Un bon père ? Un manipulateur ? Un homme courageux et serviable ? Ou un "gros dégueulasse" ? Un peu tout ça à la fois, si l’on en croit les différents témoins qui se sont succédé à la barre aujourd’hui.

Pendant des années, il n’était qu’un nom et une photo de mauvaise qualité. Ce jeudi matin, les journalistes, nombreux, ont découvert un homme de 45 ans, chauve, rasé de près et plus joufflu qu’on l’imaginait.

Pas d’esclandre, pas de grande tirade, Willy Bardon reste silencieux. Il est très concentré. La lecture du résumé de l’ordonnance de mise accusation par la présidente Martine Brancourt est longue. Près d’une heure. Elle rappelle les faits, dans leurs détails les plus sordides, les auditions de proches qui l'incriminent. Mais il ne bouge pas, le regard fixé sur elle sans ciller.
 


Finalement, ce comportement de sphynx se brise légèrement pendant l’audition de l’enquêtrice de personnalité. La première de la trentaine de témoins prévus durant les dix journées du procès. Willy Bardon, elle l’a rencontré le mois dernier et lui a fait parler de son enfance, de sa vie d’homme.

Avec elle, on découvre un homme issu d’un milieu modeste, mais ayant vécu une enfance plutôt heureuse. Il a un "frère de sang", des demi-frères et des demi-soeurs plus âgés. Il a appris le métier de plombier, fait son service militaire dans la marine. Bardon semble ému à l’évocation de son passé. Il se frotte les yeux.
 

Un bon père, mais un conjoint adultérin

René Bardon, de quatre ans son aîné, ne tarit pas d'éloges sur ce frère "courageux et serviable", "disponible pour les autres, sa famille, ses amis, ses parents. Il donnait des conseils en mécanique à tout le monde."
 


C'est aussi un "bon père, jamais violent", assure Christelle, son ex-compagne. Elle a partagé 24 ans de sa vie avec lui. Cette femme, née en 1975, coiffeuse et mère de son fils, ne se livre pas beaucoup. La présidente Brancourt, avec calme, tente de la faire parler.

Et quand on gratte un peu, le vernis s'écaille.

Le couple s’est connu au collège, "on a parcouru notre chemin ensemble". Ils ont vécu quelque temps dans le Nord, avant de revenir dans l’Aisne au début des années 2000.

C’est à cette époque, selon elle, que Willy Bardon connaît de plus en plus de problèmes d’alcool. "Il sortait parfois en semaine, mais surtout le week-end" avec ses copains amateurs de 4x4 : "ils buvaient tous beaucoup". Parmi eux, Grégory Wiart, le violeur d’Elodie Kulik, dont le fantôme plane sur les débats.
 


On gratte encore un peu plus.

"Monsieur Bardon" comme elle le nomme à la barre est un "manipulateur, qui lui a menti". Son mensonge ? Une relation extra-conjugale avec la compagne de son neveu, que Christelle découvre médusée en 2013, lors d'une audition devant les gendarmes. Dès lors, elle ne vient plus le voir en prison (il est en détention provisoire) et met fin à leur histoire.

"C'était une aventure ?, lui demande Me Marc Bailly, avocat de la défense.
- Non, ils sont toujours ensemble.
- C'est donc une histoire d'amour"
, conclut Me Bailly.
 

De l'importance de la personnalité

Ce portrait ne convainc pas la partie civile. Pour Me Didier Seban, qui défend les intérêts de la famille Kulik, Bardon a un problème avec les femmes. Pour preuve, le témoignage d'Amandine qui raconte, comment il l'avait suivie un jour en voiture "en faisant des zig-zags". Bardon s'excuse de lui avoir fait peur, mais nie toute intention de harcèlement. Parole contre parole.

Sébastien, le compagnon d'Amandine, n'hésite pourtant pas à le qualifier de "gros dégueulasse", qui "parlait beaucoup de sexe".

De sexe, il en est souvent question durant cette journée. Me Seban s'intéresse particulièrement aux demandes répétées de Bardon à son ex-compagne pour qu'elle accepte, en vain, des rapports sexuels à trois.

Me Stéphane Daquo, avocat de la défense, s'en agace :

"On débat de la morale depuis le début !
- Elodie Kulik a été violée par deux hommes, donc la question est légitime. Il ne s'agit pas de morale !"


Une réponse qui provoque la colère de Me Daquo. En effet, seul Grégory Wiart est considéré comme un violeur dans le dossier d'instruction.

En l'absence de preuve irréfutable qui relie l'accusé au meurtre d'Elodie Kulik, la personnalité prend une importance capitale dans ce procès pour emporter l'intime conviction des jurés. Des jurés qui se sont toutefois vu rappeler par la présidente, dès le début de matinée, que le doute doit profiter à l'accusé.

G.G
 



Jour J - 1 : quand l'affaire Kulik devient le procès Bardon

Dix-sept ans, dix mois et huit jours. C’est le temps qui s’est écoulé depuis que le corps sans vie, à demi calciné, d’Elodie Kulik a été découvert dans une décharge à Tertry dans la Somme.

6 521 jours d’investigation, d’une enquête de flagrance suivie d’une instruction judiciaire, de recherche de la vérité, d’espoirs et de déceptions. 6 521 jours de douleur pour les proches d’Elodie, en particulier pour son père Jacky.

Et finalement, "l’affaire Kulik" devient le procès Bardon.
 

Faire émerger la vérité

L’une comme l’autre ne sont pour beaucoup, moi y compris, que des photos. Celles tout en lumière et beauté d’une jeune femme de 24 ans fournies par la famille et celle mal photocopiée qui donne à Willy Bardon des faux airs de braqueur à l’ancienne.

Mais pendant les quinze prochains jours, ils seront enfin plus que cela. Bardon surtout. L'accusé devrait apparaître comme ce qu’il est, un être humain dans toute sa banalité avec ses qualités et ses défauts.
 

Pendant les quinze prochains jours, la cour d’assises de la Somme, les avocats de la partie civile et de la défense, les témoins, les experts vont tenter de faire émerger la réalité d’un crime atroce et nous permettre de savoir, on l’espère, qui a tué Elodie et pourquoi.

Comme dans tout procès criminel, chaque journée apportera son lot de précisions et de vérités. Mais il y aura des audiences plus attendues, plus fortes en émotion que les autres.

Je pense notamment au mercredi 27 novembre, quand sera diffusé l’appel au secours d’Elodie aux pompiers. Vingt-six secondes, dont deux accuseraient Willy Bardon. Un enregistrement "difficilement soutenablerévélait la semaine dernière Jacky Kulik dans une interview à France 3 Picardie.
 

Un père qui n'abandonne jamais

Jacky Kulik qui captera aussi une grande partie de l’attention des médias et du public. Presque autant que le portrait de sa fille, cet homme incarne "l’affaire Kulik". Lui qui a fait de la condamnation du coupable la mission de sa vie. Sans jamais abandonner. Alors même que les dix premières années n’apportaient que peu d’avancées. Alors même qu’au drame du meurtre d’Elodie s’est ajoutée la tentative de suicide, suivie d’un long coma et finalement de la mort de son épouse. Organisant un hommage annuel, répondant aux sollicitations médiatiques, enquêtant de son côté en marge du travail des gendarmes. Sans jamais abandonner.
 Le temps lui a donné raison. En janvier 2012, comme tous les journalistes baignant dans l’actualité régionale, j’apprends incrédule que le violeur d’Elodie a été identifié grâce à une technique inédite en France, les analyses ADN "par parentèle". Pourtant il ne répondra jamais de son acte, il n’y aura pas de procès Grégory Wiart. L’homme est décédé le 1er novembre 2003 dans un accident de voiture.

Dès lors, l’enquête de flagrance entamée le 11 janvier 2002 laisse la place à une information judiciaire pour meurtre précédé, accompagné ou suivi d’un autre crime (viol).

Un face à face tragique

Après de nouvelles investigations et sept gardes à vue, c’est donc Willy Bardon qui est mis en examen. Ce plombier de formation, ancien fusiller marin, ancien propriétaire d’un bar à Fieulaine dans l’Aisne, vit de petits boulots au noir et du salaire de coiffeuse de sa compagne. Il partageait avec Grégory Wiart une passion pour le 4x4 que les deux hommes pratiquaient dans le même club.

Bardon a passé quinze mois en détention provisoire, puis deux ans sous bracelet électronique. Il a toujours nié les faits qui lui sont reprochés.

Demain, il comparaîtra libre. Demain, il fera face à Jacky Kulik qu’il n’avait pas "osé" regarder lors d’une reconstitution des faits. Osera-t-il cette fois ?

G.G.
 
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