Ils étaient 60% de grévistes en décembre, ils ne sont qu'une dizaine aujourd'hui mais plus déterminés que jamais. Les internes de Picardie sont, comme l'hôpital public, en souffrance et dénoncent via l'InterSyndicale Nationale des Internes (INSI) leurs conditions de travail.
Annoncé début décembre 2019 par l'ISNI (Intersyndicale nationale des internes) le mouvement de grève a débuté lundi 10 décembre. 60% (16 000 sur un total de 27 000) des médecins internes se seraient déclarés grévistes au niveau national. Un pourcentage que l'on retrouvait en Picardie.
Amiens est l'une des 29 villes de France à compter une faculté de médecine. Au coeur du système, le Centre Hospitalier Universitaire d'Amiens. Il compte près de 700 internes, de toutes les spécialités, dont les biologistes et les pharmaciens, répartis dans tous les établissements hospitaliers sur du territoire picard : Amiens, Abbeville, Compiègne, Senlis, St-Quentin, Creil, Beauvais, Soissons, Montdidier, Clermont, Laon.
Comme le clame l'InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI), le 20 janvier 2020, "le blue monday", correspond au jour le plus déprimant de l'année. Les annonces de la Ministre de la Santé, Agnès Buzyn, ont attisé la colère des internes y compris à Amiens, même si le mouvement semble s'essouffler.
Rassemblée ce lundi devant l'Agence Régionale de Santé à Amiens, une dizaine d'internes picards ont organisé un sit in pour dénoncer leurs conditions de travail et les difficultés rencontrées au quotidien.20 janvier : nouvelle mobilisation des internes
— ISNI (@ISNItwit) January 17, 2020
Temps de travail explosé, formation bradée, trop c'est trop !https://t.co/vclpFmjw6X pic.twitter.com/TNcft45kJ2
"Cette souffrance qu'on a à l'hôpital, c'est de venir travailler sans aucun plaisir, nous confie Morgan Gronnier, présidente du Bureau des Internes Picards (BPI), on est obligés de mettre des lits en surnombre mais comment voulez-vous soigner des gens si les moyens ne suivent pas. En fin de journée, les infirmières font le travail des aide-soignants qui sont en sous-effectifs et nous, nous faisons le travail des infirmières. Nous ne sommes pas assez nombreux pour pouvoir palier ce manque d'effectifs. On se sent comme des suppléants bon-marchés de manque de praticiens".
Parmi les principales revendications, les internes disent non au Big Matching. Cette appellation est donnée au process, instauré par la réforme du troisième cycle des études médicales (R3C). Il ne sera effectif qu'en novembre 2020, lors de la phase de consolidation, pour les internes de la promotion 2017. Il concerne le choix des stages. C'est lui qui a mis le feu au poudre. Ces choix de stage des internes et ceux des maîtres de stage sont confiés à un algorithme qui, en fonction des desiderata de chacun, propose, d'après les pouvoirs publics, la meilleure combinaison. Les étudiants, eux, craignent une sélection à la tête du client.
"On n'est pas d'accord car on est entré en internat sans savoir comment on va finir, explique Morgan Gronnier, ils ont cadré le 3e cycle avec la fin de l'internat, c'est-à-dire qu'ils ont rallongé l'internat en devenant un 'Dr Junior' qui durerait 1 an (...) Avant, on choisissait son stage selon le classement national. Là, le choix d'installation, on s'assoit dessus. Moi par exemple, j'ai un internat de 5 ans. Je suis obligée de passer ma thèse dans 4 ans en médecine interne. Dans 1 an, je serai 'Dr Junior' pendant un an, je ne sais pas où. Et, est-ce que le Dr Junior remplace l'assistant, on ne sait pas".
Seule, la prime à destination de ces "docteurs Junior" paraîtraient aller dans le bon sens, selon l'ISNI. Elle monterait à 5000€ en 4e et 5e année et de 6000€ pour la 2e année des spécialités chirurgicales.
Le temps de travail remis en cause
Autre revendication phare de l'ISNI, le respect du temps de travail. L'intersyndicale souhaite que les internes soient payés au décompte horaires.
"Notre temps de travail est de 48h par semaine dans le cadre légal, sans aucune indemnité, sans paiement d'heures supplémentaires et pas de repos compensatoire. Mais on ne peut pas faire moins" rappelle Morgan Gronnier.
En réponse, la Ministre de la Santé revient sur les demi-gardes. "C'est-à-dire qu'on serait payé de 18h30 à minuit. Or ce n'est jamais respecté et il faudrait revenir à 9h le matin" explique Morgan.
Pas question pour l'ISNI de revenir sur ce point. La proposition avait déjà été abordée en 2015. L'intersyndicale ayant alors obtenu la mise en demeure de la France par l'Union européenne parce qu'elle ne respectait pas les 48h.
"Quand on fait 70 heures, qu''on le respecte et qu'on ait une compensation financière. 48 heures par semaine, on les dépasse forcément or on n'a aucune revalorisation. L'an dernier, j'étais bac + 6 et j'étais à 1300€ nets avec les gardes. Une garde de nuit, c'est payé 110€ qu'on ait bac + 6 ou + 8".
À cela s'ajoute les remplacements chez les médecins. "Dès qu'il avait sa licence et validé un certain nombre de stages, un interne en médecine générale pouvait faire des remplacements. Aujourd'hui c'est supprimé. Il n'a plus le droit avant la fin de son cursus s'insurge Morgane Gronnier, c'est absurde puisqu'on estime qu'on est capable de gérer un service à 2 ou 3 alors que le chef de services est en consultation".
Des chefs de service qui ne sont plus assez nombreux pour assurer aussi la formation. Une formation de qualité, c'est encore une des revendications prioritaires des internes. "Avec des praticiens hospitaliers pour nous encadrer, car quand ils sont en consultation, comment peuvent-ils nous former ?" déplore la jeune femme, elle-même en 2e année de médecine interne.