"C'est respecter la tradition de nos anciens" : la restauration de l'église Saint-Gilles d'Abbeville s'achève et profite à l'économie locale

La restauration de l'église Saint-Gilles d'Abbeville touche à sa fin : un chantier de plus de deux ans qui a nécessité un investissement important pour la commune. Mais la restauration du patrimoine profite aussi au tissu économique local.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Autour de la statue de Saint-Gilles et sa biche, la pierre blanche rayonne en lignes sinueuses, puis la rosace s'efface sous la dentelle minérale. Ce portique de l'église Saint-Gilles d'Abbeville dresse là son gothique flamboyant depuis le XVe siècle. C'est la seule partie de l'édifice qui a survécu aux assauts du temps. 

Le reste a été détruit puis restauré de nombreuses fois, notamment au XIXe siècle où l'église a été reconstruite dans un style néo-gothique. La Seconde Guerre mondiale a presque eu raison de la nef, mais elle renaît de ses cendres dans les années 60 et se pare à l'intérieur d'un style moderne. La structure extérieure était cependant très dégradée et depuis les bombardements, le clocher n'avait jamais retrouvé de couverture. 

En 2022, la municipalité entame donc une restauration conséquente de l'édifice : deux ans et 1,3 million d'euros plus tard, celle-ci touche à sa fin. Et ce chantier au service du passé a des conséquences très concrètes dans le présent. 

Les gestes des anciens

Cette pierre calcaire si typique des églises et cathédrales picardes, des artisans locaux la travaillent depuis des siècles. L'expertise perdure de génération en génération, notamment dans l'atelier de l'entreprise d'Abbeville où sont taillées les pierres qui viendront habiller l'église Saint-Gilles. 

Sous le toit de tôle, le bruit des burins et des rabots marque le rythme du travail de huit tailleurs de pierre. Millimètre par millimètre, leurs outils progressent dans la matière pour se rapprocher du trait, le repère qui leur permet de passer d'un simple bloc à l'exact profil de la pierre qui sera placée sur la façade. 

Ici, tout est encore fait à la main, il y a peu de machines, car la pierre traditionnellement utilisée pour les édifices locaux est assez tendre pour continuer à être taillée à l'ancienne. "C'est ce qui donne le cachet au métier, sourit Romain Buignet. C'est respecter la tradition de nos anciens qui ont fait toutes ces pierres. Pour nous, ça permet d'être satisfait du travail, c'est très important de travailler à la main. C'est gratifiant de se sentir bien dans notre métier via nos mains."

Le jeune homme reproduit les gestes transmis pas ses collègues lors de son apprentissage dans l'entreprise, il y a quinze ans. Aujourd'hui, il les enseigne aux deux apprenties d'un lycée professionnel d'Amiens qui se forment auprès de l'entreprise. Le chantier est d'autant plus gratifiant qu'il est local. "C'est une chance : parfois, on doit voyager beaucoup pour trouver de bons chantiers, observe Romain Buignet. Travailler sur son patrimoine, quand on est d'ici, c'est bien." 

Les chantiers du patrimoine représentent 80% de l'activité de l'entreprise. Implantée en Picardie depuis près d'un siècle, elle perdure grâce aux nombreux monuments à restaurer. Ses artisans connaissent le style local sur le bout des doigts. Cela lui permet de remporter de nombreux marchés publics dans la région. 

Passion et insertion 

Sur le chantier de l'église, les maçons posent les pierres du bandeau fraîchement sorties de l'atelier, à l'ancienne, avec un cordeau : une cordelette tendue entre deux clous et qui donne le niveau. Ils ajustent ensuite la pierre à l'aide de petites cales, puis ils fichent la pierre, c'est-à-dire stabilisent sa position avec du mortier. Ils ajoutent ensuite le coulis : un mortier très liquide fabriqué avec de la chaux, qui viendra épouser la pierre pour la sceller dans la façade. 

"C'est un honneur de restaurer des édifices qui datent d'un certain temps. Et puis ce n'est jamais la même chose" souligne Cyril Dulermez, chef de l'équipe des maçons, avant de soulever avec son collègue un nouveau bloc de cinquante kilogrammes, qu'il posera tout aussi minutieusement que le précédent. Cela fait un an que les ouvriers sont présents chaque jour sur le site, trois ans que l'atelier travaille sur l'église. Pour l'entreprise abbevilloise, ce chantier représente un contrat de 900 000 euros.

 

"C'est un marché public, d'autres règles, d'autres contraintes, un suivi très important, on doit respecter ce qui est présent et pas refaire à neuf, ça change tout", souligne Laurine Lignier, conductrice de travaux sur ce chantier. Cela représente aussi des défis : l'architecte des monuments historiques et la commune ont commandé un certain volume de pierres à l'entreprise. Mais en installant l'échafaudage, les artisans se rendent parfois compte qu'il faut en changer plus que prévu, viennent alors de longs arbitrages avec tous les acteurs de cette restauration.

Au-delà de fournir du travail à cette entreprise qui aide les savoir-faire ancestraux à perdurer, ce type de chantier est aussi une opportunité pour certains. "Nous avons des clauses d'heures d'insertion, c'est souvent le cas dans les marchés publics. C'est pour des personnes sorties du monde du travail, qu'il faut réintégrer, détaille Laurine Lignier. Sur ce chantier, nous avons eu une personne en clause d'insertion, aujourd'hui, nous l'avons intégrée à l'entreprise. C'est une personne qui habite par ici, à Abbeville. Quand ces personnes trouvent une passion, derrière, elles sont embauchées et restent avec nous."

 

Pour les habitants, l'église restaurée offrira enfin une meilleure compréhension de l'histoire locale. "L'église d'Abbeville est une église martyre de 1940, on sait combien Abbeville a souffert des bombardements à cette époque, rappelle Romain Zechser, directeur du patrimoine de la ville d'Abbeville. On a cette dualité entre une enveloppe gothique, néogothique et un intérieur très contemporain, ce qui nous permet d'expliquer tout un pan de l'histoire de la ville, ne serait-ce qu'en visitant cette église et une partie du quartier."

Il espère que ce bâtiment participera au rayonnement touristique de la ville. Le chantier doit se terminer à la fin de l'année 2024. La ville envisage maintenant de restaurer les portails du XVe siècle, noircis par le temps et rongés par la pluie, afin d'achever la mise en beauté de cet édifice, qui fût en travaux pour la majeure partie de ses six siècles d'histoire.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information