"Ça fait un mois qu'on a 15 cm d'eau dans nos jardins et nos caves" : quand les sols n'absorbent plus les eaux pluviales

Sous l'effet de la pluviométrie exceptionnelle qui touche la France depuis le mois d'octobre, un quartier d'Albert dans la Somme se retrouve les pieds dans l'eau : les nappes phréatiques n'absorbent plus les eaux pluviales et certains fossés d'évacuation, bouchés, ne jouent plus leur rôle.

"Ça fait des heureux quand même ! Regardez mes oies et mes canards ! Ils sont bien là ! Non ?"

Et ça fait un mois que les oies et les canards de Michel Dellinger sont bien, les pattes dans l'eau au fond du jardin de cet habitant du quartier Caraïbes d'Albert dans la Somme.

Un mois que le sol est spongieux, les fossés remplis d'eau et les terrains boueux. Un mois que Michel Dellinger ne quitte pas ses bottes quand il s'agit d'aller voir si ses groseilliers et ses cassissiers résistent au débordement continu de la petite source qui passe au fond de son verger. "C'est à cause des sources. Il y en a d’autres un peu partout, mais ici, il n’y a pas de rivière, pas de fossé, donc il n’y a pas de raison d’être inondé. Ça fait 19 ans que j’habite ici et c’est pire qu’il y a 19 ans", constate-t-il.

Des pompes en marche jour et nuit

Par endroits, il y a jusqu'à 15 centimètres d'eau. "C’est juste les nappes phréatiques qui débordent. Quand on entend que le niveau des nappes est bas, ici, on a la preuve du contraire". Michel a de la chance : son sous-sol n'est pas inondé. Une de ses voisines a dû faire intervenir les pompiers : sa cave était sous 1,20 m d'eau. "Beaucoup ont des pompes dans les caves pour vider régulièrement. Certaines fonctionnent jour et nuit", affirme-t-il.

C'est le cas de la petite pompe que son voisin Julien Louchart a installé dans le regard des eaux pluviales installé dans son jardin. Sa maison, comme toutes celles du quartier, est en zone partiellement inondable : seuls les jardins sont menacés par les eaux. Il avait donc acheté ce matériel peu après s'être installé à Albert il y a 10 ans. Elle se déclenche quand le niveau de l'eau atteint un capteur. Et depuis un mois "elle se déclenche toutes les 47 secondes. Ça veut dire que ça ne baisse quasiment pas. Je l'ai mise en route en février. Avec le prix de l'électricité, on s'attend à avoir une belle facture cette année", déplore le père de famille qui a, en plus, rehaussé son terrain et planté des arbres pour éviter d'avoir régulièrement de l'eau dans son sous-sol. "Aujourd'hui, si je ne pompais pas, il y aurait 15 cm dans ma cave. Ce serait la catastrophe pour l’électroménager déjà. Et puis il ne faut pas non plus que l’eau remonte dans les murs. C’est un risque de champignons. Et on ne veut pas non plus que notre terrain perde de sa valeur."

Des fossés d'évacuation qui n'évacuent plus

Voir de l'eau remonter en surface régulièrement n'est pas extraordinaire pour les habitants du quartier des Caraïbes. "On est habitués à avoir un petit peu d’eau, mais comme ça, c’est surprenant", confirme Michel Dellinger.

"On n'a jamais été inondés comme ça, constate Julien. C’est vrai qu’il y a les sources qui donnent, mais il n'y a pas que ça. Il y a des gens qui ont bouché les fossés. Donc il faut bien que l’eau ressorte quelque part. Et comme nous, on est au point le plus bas du quartier, ça ressort dans nos jardins et dans nos fossés."

Et c'est vrai que le fossé d'évacuation des eaux pluviales qui longe les jardins de Julien Plouchart et de Michelle Dellinger est plein jusqu'à ras bord. Tellement plein que les enfants de Julien ne peuvent même plus le traverser pour se rendre au toboggan et aux balançoires installés par leur père. "Moi, j’ai investi pour aménager mon jardin : j’ai planté des arbres et installé des jeux pour les enfants. Là, tout est en train de se dégrader. On ne peut même pas accéder à cette partie du jardin", se désole-t-il.

Alors chaque jour, Michel, Julien et un autre voisin se relayent pour déblayer les fossés, enlever l'herbe et les branches qui pourraient boucher les buses d'écoulement. "C’est tout ce qu’on peut faire à notre niveau en attendant que ça diminue", constate Michel Dellinger.

Car attendre, c'est bien la seule chose à faire. Depuis le mois d'octobre, il est tombé plus d'un mètre d'eau au m² à Albert. Une pluviométrie exceptionnelle contre laquelle la mairie n'a pas vraiment de solution pérenne. Et l'Ancre, toute proche, n'étant pas sortie de son lit, ouvrir un peu plus les vannes des écluses ne se justifie pas.

Pas de solution technique pérenne

"Les nappes sont saturées. Elles n’arrivent plus à drainer suffisamment. Donc tous les riverains à proximité de ces nappes ont les pieds dans l’eau, explique Christophe Métay, directeur des services techniques. On peut être juste vigilant sur l’entretien des fossés qui appartiennent à la ville. Pour ceux qui appartiennent aux particuliers et qui sont obstrués, on ne peut que rappeler aux propriétés qu’ils doivent les entretenir. Mais les fossés sont là pour les débordements ponctuels. Ils ne régleront pas le problème. Donc, on ne peut qu’être patient et attendre que les pluies cessent et que les niveaux des nappes reviennent à des niveaux qui soient acceptables."

La construction d'un bassin de rétention est-elle envisageable à terme ? "Ça n’est pas possible. Il faudrait des terrains démentiels, oppose Christophe Métay. On n’a pas de solution technique parce qu’on est plus bas et au plus près d’un cours d’eau. On n’est pas dans une vallée où on pourrait dévoyer ailleurs donc c’est compliqué d’avoir une solution technique viable pour assainir de manière perpétuelle le secteur."

Michel, Julien et leurs voisins vont donc devoir prendre leur mal en patience jusqu'à ce que l'eau soit à nouveau absorbée par les sols. Ce qui ne semble pas être pour demain : "d’après un ancien qui n’habite pas loin, on en a jusqu’au moins de juillet. Il le sait, il l’a déjà vécu. Ça fait plus de 50 ans qu’il habite là et ça, ça arrive à peu tous les 20 ans. Donc, il sait. Il nous a dit qu’on ne serait pas tranquille jusqu’au mois de juillet", souffle Michel.

Julien a fait une croix sur ses cultures de l'été et sur sa serre. "Remarque, là, tu peux planter du cresson !", ironise Michel. Et à son jeune voisin de répondre, amer : "plutôt du riz..."

Avec Camille Di Crescenzo / FTV

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