"Complètement à sec, c'est catastrophique" : météo capricieuse, dérèglement climatique et parasites, les apiculteurs en difficulté

En Picardie, les apiculteurs traversent une saison difficile marquée par des conditions météorologiques imprévisibles, des parasites envahissants et une concurrence étrangère féroce. La production de miel est gravement compromise, mettant en péril la survie des abeilles et l'équilibre écologique de la région.

"Complètement sec, on voit juste quelques petites gouttes de nectar. C’est vraiment catastrophique de voir ça. Elles ont faim, il n’y a pas assez de réserves de nourriture. Si on ne leur met pas à manger, ce sont des colonies qui vont s’effondrer". Philippe Blin, apiculteur dans la commune de Bourdon dans la Somme, a un peu le bourdon. Ses abeilles sont au chômage technique en raison des mauvaises conditions météo : le froid, la pluie. Et si le soleil est de retour, les températures restent relativement fraîches, en particulier la nuit.

Un printemps catastrophique

Ce printemps, la récolte est désastreuse : deux fois moins de miel que les années précédentes. Pourtant, l’apiculteur ne baisse pas les bras, et espère de meilleures conditions cet été. "J’ai emmené quelques ruches dans un parc dans lequel il y a des tilleuls. Il va y avoir une miellée de tilleul au mois de juin, peut-être, on espère pouvoir leur apporter un peu de nourriture. Mais tout ça est très aléatoire, on ne sait jamais. C’est comme l’agriculture, on est très dépendants de la météo", explique-t-il.

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Menaces climatiques et parasitaires

Le dérèglement climatique n’est pas le seul ennemi de l’apiculteur. Le climat favorise au contraire d’autres problématiques.

Les abeilles doivent faire face à des parasites comme le Varroa et à des prédateurs comme le frelon asiatique. Philippe Blin a dû prendre des mesures pour protéger ses ruches : "Cette année personnellement, j'ai mis des bouteilles à droite à gauche, des pièges. Donc ça, c'est déjà une bonne chose, j’ai déjà piégé des reines fondatrices. C'est important parce que c’est autant de nids en moins. Tout le monde est embêté avec ça, ils ont colonisé l’ensemble du pays. Ils sont en station fixe devant les ruches, ils attrapent quelques abeilles au passage pour les décortiquer, les manger, mais ça stresse les colonies. Les gardiennes sont à la porte et les abeilles finissent par ne plus sortir, ne peuvent plus travailler. Le stress occasionne aussi l’effondrement des colonies."

Bernard Lamidel, vice-président du syndicat national d'apiculteurs et président de l’union syndicale des apiculteurs picards, confirme la menace : "Le frelon asiatique, comme il ne va plus rien trouver à manger dans la nature, il va manger des abeilles. On perd chaque année des apiculteurs, car ils ont toutes leurs ruches mangées complètement."

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Conséquences sur les plantes et la pollinisation

Les abeilles jouent un rôle crucial dans la pollinisation des plantes et la fécondation des arbres fruitiers. Bernard Lamidel observe : "On a eu une période où il a fait beau, les fleurs se sont développées, ensuite le froid est revenu, puis il a beaucoup plu, donc les abeilles sortaient très peu. Les arbres fruitiers étaient en fleurs, mais n’ont pas été pollinisés. On l’a vu notamment sur les pruniers. Conséquence, il y a eu des rentrées de nectar, mais vu la période de froid, elles ont mangé ce qu’elles avaient rentré, ce qui est logique, elles travaillent d’abord pour elles et pas pour nous, elles ne sont pas à notre service."

Explosion des essaimages et ruches orphelines

Un autre problème causé par le climat est l'explosion des essaimages, un phénomène naturel chez les abeilles où une partie de la colonie, menée par une reine, quitte la ruche pour former une nouvelle colonie. Ce processus permet la multiplication des colonies... "Quand il y a essaimage, il faut qu’il y ait renouvellement des reines. Pour cela, il faut être deux, une reine et des mâles. Mais pour l’instant les mâles ne sortent pas encore avec des parapluies. Automatiquement, il n’y a pas eu les fécondations. Donc il y a eu beaucoup de ruches orphelines, beaucoup de ruches bourdonneuses et donc il y a eu une catastrophe à ce niveau-là", explique Bernard Lamidel.

À toutes ces difficultés s’ajoute la concurrence étrangère, que les apiculteurs jugent déloyale. Un miel de moindre qualité, important en grande quantité et à bas coût, qui perturbent le marché local et qui met une pression supplémentaire sur les apiculteurs.

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