Coronavirus - L'angoissant système D des généralistes : "j'ai l'impression de partir à la guerre sans fusil"

Peu ou pas de masques. Pareil pour les gants et les tenues de protection. Si la situation est difficile pour les praticiens hospitaliers, elle l'est tout autant pour les professions libérales de santé. Arnaud Le Roy, généraliste à Oresmaux dans la Somme, se sent abandonné par les institutions.

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"Ce qui me fait peur ? Vous voyez, là, je pars pour une visite à domicile et je me suis arrêté pour répondre à votre appel. Autour de moi, c'est le calme plat. A part un agriculteur qui travaille dans son champ, il n'y a pas âme qui vive. Cette ambiance de fin du monde, ça a quelque chose d'angoissant".

Des raisons d'avoir peur, des raisons d'angoisser, Arnaud Le Roy en a pourtant d'autres. Médecin généraliste depuis 1992 à Oresmaux près d'Amiens, il avoue avec retenue qu'en ce moment, "ça ne se passe pas très bien".
Son secteur d'intervention couvre plusieurs petites communes autour d'Oresmaux : "j'ai une patientèle de toutes conditions sociales et de tous âges", explique celui qui fut le premier médecin du village et qui en reste le seul. Je fais beaucoup de visites à domicile. Certains médecins en ville ne voient plus personne à cause du confinement. Même les patients qui ont des pathologies sévères. Moi, je continue à voir mes patients. Mais c'est très compliqué. Et ça me met en colère".

Récupérer des masques à droite, à gauche


"On manque de masques, de gants. On n'a pas de tenue de protection, explique Arnaud Le Roy. On devrait avoir du matériel spécifique, professionnel. On n'a rien pour se protéger davantage. Au lieu de ça, c'est de la débrouillardise. Ma pharmacie de dotation n'avait pas de masques à me donner. J'ai du faire appel à mon réseau pour en trouver à droite, à gauche."

Après un post sur sa page Facebook, Arnaud Le Roy récupérera 250 masques, des gants et des charlottes pour les cheveux auprès de particuliers dont plusieurs patients. "Deux de mes collègues m'ont donné des masques. Solidarité..."
 
"On a créé un groupe WhatsApp avec les autres médecins du secteur. On partage des informations scientifiques mais aussi notre situation. Il n'y en a que pour les hospitaliers. Et c'est normal. Mais nous, comme les infirmières libérales, on se sent abandonnés par les institutions. On a l'impression de partir à la guerre sans fusil. Tout en bleu, comme en 14", se désole le praticien. 

Une tenue de cuisinier pour faire ses visites


Et d'expliquer comment il s'organise chaque jour : "le matin, je mets une tenue spécifique à mon cabinet. Le midi, avant de rentrer déjeuner chez moi, je rentre à mon cabinet, je prends une douche et je remets mes vêtements du matin. Je remets ma tenue de travail pour repartir l'après-midi. Le soir, je prends une nouvelle douche à mon cabinet et je me change une dernière fois. Je travaille avec une tenue de cuisinier achetée sur internet. Je n'ai rien d'autre."

Un système D qui met en colère le médecin : "depuis le début, c'est de la débrouillardise. Malgré tout, je continue à voir mes patients. Et je remarque qu'ils ne vont pas bien. Ils sont nombreux à être porteurs du coronavirus. A en avoir des symptômes : de la toux, de la fièvre, des courbatures", ajoute Arnaud Le Roy.

La peur de perdre des patients


Et la suite ? Le pic à venir de l'épidémie ? Comment le voit-il ? "Très mal. Le secteur hospitalier est au bord de la rupture. Le matin, je me réveille angoissé. Je ne dors pas bien. J'ai l'impression qu'on est de la chaire à canon. J'ai peur de ramener le virus chez moi", avoue ce père de trois enfants.

Et c'est surtout de la mort de ses patients dont Arnaud Le Roy a peur : "quand je pars de chez l'un d'eux, je tourne toujours une dernière fois la tête vers lui. Comme si c'était la dernière fois que je le voyais. Nous, ce n'est pas comme les urgentistes ou les hospitaliers : les gens qu'on soigne, on les soigne depuis parfois 30 ans. L'affect entre énormément en ligne de compte. Quand on perd quelqu'un, ça nous fait mal. Ca me fait mal".

Et de conclure : "si je dois l'avoir, je l'aurais. Il faut juste limiter les risques et c'est ce que je fais. Mais si on part avec l'angoisse au ventre, alors c'est fichu".

 
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