Coronavirus : "Je ne sais pas si nous nous relèverons", les boulangers de la Somme en difficulté financière

Les boulangeries, comme les boucheries, sont des commerces alimentaires considérés comme essentiels, et restent ouverts pendant la crise sanitaire. Mais ils sont de plus en plus nombreux à tirer la sonnette d'alarme, inquiets de voir leur chiffre d'affaires chuter... Mais pas leurs dépenses.

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"Ces dernières heures, je les passe à pleurer, à m'inquiéter pour mes salariés, pour ma famille, pour mon entreprise..." C'est le cri du cœur lancé sur Facebook par Cindy Ledru, co-gérante de la Maison Bourgeois à Doullens, qu'elle tient avec son mari boulanger. Sa lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron dans laquelle elle fait part de son inquiétude qui grandit a déjà été partagée plus de 500 fois.
 
Un "coup de gueule" qui semble se généraliser dans la profession. Alain Langlet, président du groupement des boulangers de la Somme et de l'union des commerces de proximité, nous a lui aussi fait part de son désespoir. Le cœur du problème ? L'argent. En pleine crise sanitaire, le gouvernement a promis des aides financières aux entreprises, à travers deux mesures centrales : le chômage partiel pour les salariés et le report des cotisations Urssaf et des impôts pour les patrons. 

Chute du chiffre d'affaires

Mais pour les boulangers (comme pour les bouchers), ce n'est pas si simple... "Nous avons le droit de fermer, mais si on ferme, on n'a pas le droit aux aides de l'État. Parce que nous sommes des commerces alimentaires, nous sommes considérés comme essentiels et donc on attend de nous que l'on soit ouverts", explique Alain Langlet. "Mais si on ouvre, on a des baisses de chiffres d'affaires. Moi, par exemple, je tourne environ à 40% de mon chiffre d'affaires habituel depuis le début du confinement, puisqu'on a réduit l'activité et qu'on ne fait plus que du pain."

Une baisse très significative mais pas suffisante pour obtenir l'aide de 1 500 euros promise par l'État, puisque pour l'obtenir, il faut accuser une baisse de 70% du chiffre d'affaires par rapport au mois de mars 2019. "C'est absurde, qui va pouvoir toucher cette aide ? Les mesures de confinement n'ont commencé que mi-mars, donc forcément, avec les deux premières semaines "normales", on n'a pas une baisse de 70% ce mois-ci. Sans parler de ceux qui se sont installés il y a moins d'un an et pour qui il n'existe donc pas de chiffre d'affaires auquel se référer..."

Il faut donc continuer de payer les salaires, les fournisseurs, les charges. "On n'a même pas le droit au chômage partiel pour nos salariés, pas même pour les apprentis, on n'a pas le choix que de les faire travailler", déplore-t-il. La seule absence autorisée et prise en charge par l'État est l'arrêt maladie ou pour garde d'enfants. Alors Cindy et son mari ont pris la décision de ne plus faire travailler leurs sept salariés. S'ils n'ont pas droit au chômage partiel, ils devront les payer de leur poche. "Et on nous parle de report des cotisations... Mais ce que je ne gagne pas ce mois-ci, je ne pourrai pas le payer dans trois mois."
 

"Je ne sais pas si nous pourrons nous relever"

"Un report des cotisations, mais ce n'est pas suffisant, il faut complètement les annuler pour la période !" confirme Alain. "Si on n'a pas d'argent qui rentre, comment peut-on payer des charges ?" Même son de cloche chez Cindy, de la maison Bourgeois. "Nous nous battons déjà en temps normal à travailler pour payer des cotisations [...] Je ne sais pas si nous pourrons nous relever" écrit-elle sur Facebook.

Et dans le même temps, les salariés ont de moins en moins envie de se rendre au travail. Cindy les compare même à des "soldats" qui "vont au front" chaque matin en allant travailler ! "Nous n'avons évidemment ni masques, ni gel, nous n'en avons pas trouvé" regrette Alain Langlet. "Nous faisons avec les moyens du bord pour les protéger et protéger les clients, mais la personne à la caisse est directement exposée aux risques !" Ce que confirme Cindy : "Les soignants hospitaliers n'en ont pas eux-mêmes, alors je n'ose même pas demander des masques pour moi. Une amie m'a proposé de m'en fabriquer, elles va m'en envoyer. Et entre chaque paiement en liquide, je me lave les mains."

Adaptation difficile

Elle mène donc un combat pour sa santé, et pour celle de son entreprise. Pour le groupement des boulangers, il faut que le gouvernement annonce des mesures adaptées à leur situation. "Depuis dix jours, on n'obtient aucune réponse. On est en contact permanent avec la Chambre des métiers, mais eux-mêmes n'ont pas d'élément à nous donner. C'est au ministère du Travail et au Président de nous apporter des réponses." assène Alain Langlet.
 
En attendant des réponses, les professionnels n'ont pas d'autre choix que de s'adapter. Chaque jour, le couple se relaie pour aller travailler. "Mon mari part travailler pour faire le pain le soir, et rentre à la maison quand je dois partir ouvrir la boutique. Du coup, il ne dort pas." nous explique-t-elle. C'est la seule organisation qu'ils ont trouvé pour pouvoir garder, à tour de rôle, leurs trois enfants. "Quand on demande à ce qu'il bénéficie du système de garde avec les enfants de soignants, on nous dit que ce n'est pas possible." À Doullens, les deux autres boulangeries ferment leurs portes à 14 heures. Alors Cindy, elle, reste ouverte jusqu'à 18h30. "Je me suis en quelques sortes "sacrifiée" pour qu'on puisse acheter du pain l'après-midi à Doullens.

Cindy est partagée entre la fatigue et la colère envers le gouvernement. "Il est en train de nous pousser au suicide", nous dit-elle, en larmes. "Ils sont en train de nous enterrer vivants." Envahie par le sentiment d'abandon, elle et son mari ont de plus en plus de mal à tenir le coup. Malgré tout, ils ont décidé de donner chaque jour des sandwiches et du pain au personnel hospitalier. Et souligne que leurs clients leur apporte du courage. "Heureusement qu'ils sont là pour nous soutenir. Sans ça, on ne tiendrait pas."
 
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