Voilà 20 ans que Caroline Dahyot a entièrement et artistiquement investi sa propre maison de Ault, dans la Somme. Mue par une envie irrépressible de dessiner, cette plasticienne a progressivement recouvert les murs, les plafonds, les parquets mais aussi la façade extérieure de sa "Villa Verveine".
Perchée sur les hauteurs des falaises d'Ault, la Villa Verveine se drape de biens étranges parures. Des parures de peintures et de mosaïques qui ont longtemps, si ce n'est fait peur, du moins interrogé les habitants de cette commune de la baie de Somme. Depuis 20 ans, y vit Caroline Dahyot, une artiste plasticienne parisienne tombée amoureuse de l'endroit. Et depuis plus de 20 ans, Caroline Dahyot habite dans son propre tableau. Elle a transformé sa maison en oeuvre d'art. Comme le facteur Cheval.
Voyages, enfants et chaos
À l’intérieur les plafonds, les murs, les plinthes portent l'empreinte artistique de Caroline Dahyot. Partout, la couleur tisse le monde imaginaire de l'artiste où il est question de la famille, de ses enfants - Marie, sous les traits d'une fée et Ulysse, le super-héros, de la maternité ou encore du corps humain. "C'est toujours un monde idyllique. Et dans ce dessin-là, je suis toujours avec mes enfants, et moi et mes enfants, on part en voyage. Tout est bien. Il y a une espèce de chaos mais tout le monde est toujours un peu sauvé", explique-t-elle de sa voix enfantine.
Considérée comme artiste en Art Brut, Caroline Dahyot expose ses dessins sur papier et draps aux quatre coins de France, au Canada, à New York ou encore en Belgique depuis une dizaine d'années. Son art ne se résume pas à la Villa Verveine. Mais dessiner sur sa maison, c'est pour elle une nécessité absolue. "J'ai toujours un peu besoin de peindre cet idéal pour y croire. Plus je vois que ça va mal autour, plus j'ai besoin de le faire, confie l'artiste. Ce que je fais, c'est un tout. Et le fait que ce soit un tout, ça fait que je suis toujours dans une sorte d'imaginaire. Je me lève, je fais un peu de sport et après je fais ça jusqu'à ce que je me couche."
Rapports apaisés avec les habitants
Et si la Villa Verveine sert de support aux dessins de Caroline, elle est aussi une source d'inspiration dont il est impossible de s'évader : "j'y ai souvent réfléchi mais je crois que j'y suis très attachée, et c'est ce qui m'empêtre aussi : cette maison m'attache. J'ai pas le sentiment d'avoir beaucoup de pouvoir dans tout ça. Ce sont des choses qui sont là mais je ne les maîtrise pas trop. Mais je suis heureuse !", assure-t-elle.Caroline expose depuis une dizaine d'années, et son travail est de plus en plus reconnu. Un statut et une notoriété qui ont peut-être aidé les habitants de Ault à accepter le style de Caroline Dahyot. Et le chemin a été long : en 2010, la municipalité ordonne à l'artiste de repeindre "normalement" la façade de la Villa Verveine. Et les poupées "contre le mauvais sort" que fabrique Caroline Dahyot lui ont collé l'étiquette de sorcière. Une pétition est alors lancée et Caroline ne nettoiera que le trottoir sur lequel son oeuvre avait débordé. Sa façade continuera à vivre sous ses crayons :
Aujourd'hui, les rapports avec les Aultois semblent s'être apaisés : "avec la population, ça va plutôt bien. Je pense que je suis dans mon élément. Aussi bien eux que moi, on s'est apprivoisés".