Contrairement à l'Aisne, où le RN trouve dans une économie poussive un terreau d'implantation, et à l'Oise où la droite reste forte, la Somme fonctionne encore sur une alternance gauche/droite classique qui ne sera pas forcément aussi évidente lors des élections départementales des 20 et 27 juin.
Des 5 départements des Hauts-de-France, la Somme est le troisième plus grand avec une superficie de 6170 km². Elle présente néanmoins la deuxième plus faible densité de population après l'Aisne, avec 92 habitants/km². La Somme est en effet le deuxième département des Hauts-de-France avec la plus faible population puisqu'elle comptait 570 662 habitants en 2018.
Le budget de fonctionnement 2021 du conseil départemental de la Somme est de 580 millions d'euros. L'un des principaux enjeux des élections départementales, c'est l'attractivité économique du département. Coincée entre le Nord et l'Oise, la Somme a pour elle un littoral dont la réputation n'est plus à faire. Mais attirer les entreprises comme les touristes à l'intérieur des terres est vital. Et ça passe par plusieurs leviers.
1 - Le tourisme vert
Marquée par deux grandes guerres, la Somme a fait de cette histoire un attrait touristique essentiellement pour les anglophones : le tourisme de mémoire attire chaque année 250 000 personnes sur les anciens champs de bataille de 14/18.
L'enjeu est désormais de renforcer une offre touristique plus classique. La Somme est un département rural dont la vie se polarise autour des deux plus grandes villes que sont Amiens et Abbeville. Cette particularité peut être un atout notamment touristique. Car on le sait, le tourisme est un grand pourvoyeur d'emplois - 5 000 emplois directs en 2020. Et un magnifique vecteur de notoriété et d'image. Pas très loin de Paris et de Lille, mais pas non plus toute proche, le département souffre de cette situation géographique dont la seule bouffée vient d'un littoral dont la réputation n'est plus à faire.
Aujourd'hui, c'est l'intérieur des terres qu'il faut valoriser comme destination touristique attractive. La tendance étant au tourisme vert, les espaces naturels qui caractérisent le département ont besoin d'être accompagnés pour proposer une offre touristique moins anecdotique et tournée vers le développement durable.
L'actuelle majorité départementale consacre 34,8 millions au développement de ces territoires avec des plans comme "Vallée de Somme, vallée idéale", un programme d'aménagements et d'activités autour du fleuve qui traverse le département. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que se développe en Somme une offre touristique à haute valeur ajoutée.
2 - L'accès au très haut débit
Les différents confinements liés à la crise sanitaire du covid-19 et la généralisation du télé-travail ont montré la nécessité pour les territoires d'avoir des connexions très haut débit de qualité. C'est par ailleurs un facteur d'attractivité économique pour des entreprises qui cherchent à s'implanter ailleurs qu'en région parisienne où l'espace est de plus en plus cher.
Le très haut débit est l'un des gros dossiers de l'actuelle mandature du conseil départemental de la Somme. Avec pour objectif l'accès à la fibre pour tous d'ici 2024. Si une grande partie du département est couvert un débit d’au moins 8 Mbit/s et 80 % d’un débit d’au moins 20 Mbit/s, certaines zones restent encore mal desservies. D'ici 2024, le conseil départemental va investir 6 millions d'euros dans la deuxième phase de raccordement au très haut débit qui concerne 150 000 foyers et le déploiement de 4 900 km de fibre optique.
Un projet qui va au delà du quotidien des habitants de la Somme et de celui des entreprises puisqu'il doit permettre de faciliter l'accès des collégiens du département aux outils numériques.
3 - Le barreau Creil-Roissy
L'un des gros projets d'infrastructures dans la Somme, c'est le barreau Roissy-Picardie, autrement appelé barreau Creil-Roissy. Cet important projet ferroviaire pour la région est longtemps resté dans un fond de tiroir. Il devrait enfin voir le jour.
Ce projet est développé depuis 2010. Il prévoit la création d’une nouvelle ligne de 6,5 km, reliant la ligne à grande vitesse (LGV) d’interconnexion Est à la ligne classique Amiens-Creil-Paris. Des aménagements seront aussi réalisés sur l’axe Paris-Creil, et dans la gare TGV Aéroport Charles-de-Gaulle.
Le gouvernement, sur les 310 millions d'euros, doit mettre 51% de financement. Le reste est apporté par les collectivités territoriales et la SNCF. La région apportera près de 106 millions d'euros et, de leur côté, les collectivités territoriales ont elles aussi réparti les dépenses : le conseil départemental de la Somme versera 3,2 millions d'euros.
Si Creil ne sera plus qu’à 23 minutes de Roissy Charles de Gaules, Amiens bénéficiera également des aménagements des infrastrutures ferroviaires : grâce à cette liaison ferroviaire, Amiens ne sera plus qu’à 1h de Roissy, au lieu d'1h40 actuellement en TER puis RER B, et sera reliée au réseau TGV vers Lyon, Marseille et Strasbourg avec 2 allers-retours quotidiens Amiens-Strasbourg et Amiens-Marseille qui feront gagner entre 35 et 50 minutes aux voyageurs.
Les travaux du barreau devaient être lancés en 2019 et les dates semblent se décaler à 2020/2025, pour une mise en service en 2027.
4 - Le Canal Seine Nord
Comme le barreau Creil-Roissy, le Canal Seine-Nord-Europe fut longtemps le serpent de mer des Hauts-de-France. Il doit permettre de raccorder la Seine au réseau fluvial du nord de l’Europe : 107 km de Compiègne à Aubencheul-au-Bac dans le Pas-de-Calais, 6 écluses et 61 ponts… Les travaux doivent démarrer en 2024, pour une mise en service du canal en 2028.
Le coût du Canal Seine Nord est estimé à 5 milliards d'euros. L'Etat mettra 1,1 milliard d'euros. Le projet sera également financé par l'Union européenne à hauteur de 2 milliards d'euros. Même somme pour les collectivités territoriales. 53 km de travaux sont prévus dans la Somme. Le département a prévu d'investir 76 millions d'euros dans ce vaste projet.
Ce projet devrait employer entre 10 000 et 15 000 personnes pendant la phase de chantier après 2022, et entre 15 000 et 30 000 emplois structurels sur les 4 plateformes importantes qui vont accueillir des entreprises à vocation logistique et agro-alimentaire. Deux sont prévues dans la Somme à proximité de Nesle et de Péronne. 3 ponts-canaux doivent ponctuer le parcours du canal Seine-Nord dont un ouvrage de 1,3 km qui franchira la rivière Somme. Il sera le plus long pont-canal d’Europe.
Les travaux débuteront dans la Somme à partir de 2023 et s’achèveront en 2028.
5 - Les forces en présence pour le scrutin des 20 & 27 juin 2021
En 2015 dans la Somme, le Rassemblement national arrive en tête du premier tour avec 34,23% des suffrages, devant l'UMP (30,65%) et le PS (37,87%). Les électeurs l'ont placé premier dans 12 des 23 cantons du département.
Finalement, à l'issue du second tour, le parti de Marine le Pen ne décroche qu'un seul canton, celui de Corbie, et donc seulement 2 sièges dans l'assemblée départementale. La droite gagne 13 cantons et la gauche 9.
L'alternance historique au conseil départemental de la Somme est encore une fois respectée : après une majorité de gauche sous la présidence de Christian Manable, le Département repasse à droite. Laurent Somon, LR, est élu président jusqu'en 2020, date à laquelle il est élu sénateur de la Somme et quitte son mandat départemental en vertu de la loi sur le non-cumul des mandats. Il est remplacé par l'actuel président, étiqueté Divers droite, Stéphane Haussoulier et jusqu'alors vice-président.
Pour le scrutin 2021, 190 candidats se pésentent dans la Somme pour 46 sièges. Le président sortant est candidat dans le canton d’Abbeville-2 avec Sabrina Holleville-Milhat. La majorité sortante se re-présente donc, à moitié renouvelée, mais toujours sous la bannière Unis pour la Somme. Des candidats de droite et du centre sont présents dans 21 des 23 cantons.
Les socialistes de la Somme sont plus visibles que dans les autres départements des Hauts-de-France : soutenus par le parti communiste, Europe-Ecologie-Les-Verts, et le Parti radical de gauche, ce rassemblement baptisé Somme en commun présente ou soutient des binômes dans tous les cantons.
Enfin, également présent dans tous les cantons : le Rassemblement national et son allié "L’avenir français", constitués d’anciens membres de Debout La France. Une alliance menée par Jean-Philippe Tanguy, candidat sur le canton de Roye avec Aurélie Dupont. Il est par ailleurs candidat aux régionales.
Aujourd’hui, la droite et le centre disposent d’une majorité précaire : il suffirait que 4 cantons basculent pour qu'ils ne soient plus majoritaires. Et la gauche est dispersée en plusieurs groupes. Le RN a un canton. Des cartes qui risquent d'être redistribuées : à voir l'augmentation régulière des taux d'abstention dans les scrutins locaux, les choses ne sont pas si tranchées qu'elles en ont l'air. Bien que généralement une faible participation profite soit aux sortants soit au RN, l'offre politique peu lisible des départementales risque de peser dans la balance. Le spectre d'une absence de majorité forte plane sur ces élections départementales des 20 et 27 juin prochains, faisant du Rassemblement national un arbitre difficilement fréquentable pour la droite comme pour la gauche. Un Rassemblement national qui est le seul à partir avec une étiquette et une identité claires.