Confinement : l’école à la ferme ou comment les agriculteurs des Hauts-de-France gèrent l’école la maison

C’est l’une des professions où le télétravail n'est pas possible et où les horaires de bureau n’existent pas. Alors quand s'ajoute l’école à la maison aux travaux de la ferme, les journées ressemblent à un casse-tête pour les agriculteurs.

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Entre les bugs, de l’espace numérique de travail (ENT), et le début des semis pour certaines cultures, les journées ont sacrément rallongé pour les professionnels de l’agriculture. Beaucoup sont déçus de ne pas faire partie de la liste des personnels prioritaires pour la garde d’enfant comme les soignants ou les policiers par exemple. 

"Même si on a des aides pour prendre un remplaçant ça ne couvre pas le coût d’une journée de travail", explique Sophie Lenaerts-Wieme, secrétaire générale de la Coordination rurale de l’Oise. "C’est compliqué pour celles qui ont des enfants en bas âge et qui n’ont pas d’amies qui ne sont pas du monde agricole".

Pour les éleveurs notamment, impossible d’amener leurs enfants lors des traites ou lorsqu’ils s’occupent des animaux. "C’est beaucoup trop dangereux si vous n’êtes pas concentrés sur ce que vous faites", poursuit-elle.

Une journée chronométrée

Alors pour Marion Gauthier, éleveuse au Mesge dans la Somme, les journées de nourrice s’allongent. Pour elle, l’école à la maison n’est pas du tout adaptée à leur profession. "Les horaires de visio c’est 10h30/11h, c’est le moment où nous on est en plein boom sur la ferme", explique-t-elle. Marion Gauthier a deux petites filles Emma et Ambre qui ont 5 ans et 2 ans et demi, impossible de les laisser seules à la maison. Elle profite de ses beaux-parents ou des oncles et tantes pour les garder en plus de la nourrice, ce qui lui fait multiplier les trajets et les kilomètres chaque jour. 

Une journée désormais bien chronométrée entre la traite des vaches et les enfants à aller chercher. "D’habitude le soir je trais les vaches à cinq heures moins vingt, mais c’est trop tard pour mes filles, regrette-t-elle. J’ai trouvé la parade je trais une heure plus tôt, mais du coup je n’ai pas mes 12 heures entre deux traites, les bêtes ont moins le temps de manger, je perds environ 15% de lait".

"Ce n'est pas notre métier"

Comme tout le monde cette fermeture des écoles a pris de court les agriculteurs. C’est le cas de Sandrine Anquetil également éleveuse et mère de deux enfants de 6 et 8 ans à Domart-en-Ponthieu dans la Somme. "Là ils ont une visio dans une heure mais je ne vais pas pouvoir les mettre, on est en plein travail, y’a la mise en herbe pour les vaches et les semis pour le maïs à faire".

En attendant, c’est sur papier qu’ils font classe, sur des polycopiés donnés par la maîtresse avant l’arrêt des cours. Pour Sandrine Anquetil comme pour beaucoup de parents, enseigner à ses enfants reste une tâche compliquée. "On n’a pas les compétences... On a beau avoir les réponses, on ne sait pas comment leur expliquer, c’est pas notre métier", explique-t-elle.

D’autant plus difficile quand l’outil de travail ne fonctionne pas. L’ENT subit des bugs récurrents, Nathalie Ribeiro Billet, productrice à Ailly-le-Haut-Clocher dans la Somme l’a constaté avec sa fille de 9 ans. Pour éviter les déconnexions systématiques, elle a décidé d’utiliser la plateforme internet plutôt le mercredi, jour où les enfants ne sont pas censés avoir cours. Il y avait alors moins de monde sur le réseau, moins de problèmes également. En plus de son activité agricole, Nathalie Ribeiro Billet est aussi banquière. En ce moment, elle est en télétravail et elle se force à se lever plus tôt le matin pour avoir un moment sans être dérangée par ses enfants afin d’avancer dans son travail. Elle n’a pas pu décaler ses vacances mais elle estime avoir de la chance. "J’ai beaucoup de monde autour, dont les grands-parents", qui la soulagent un peu.

Dans le monde agricole, on regrette que le gouvernement n’ait pas pris en compte les changements sociaux de la profession. Avant, la garde des enfants était assurée par les femmes qui ne travaillaient pas et restaient à la maison. Aujourd’hui elles sont de plus en plus nombreuses à avoir une activité à plein temps sur la ferme ou en dehors.
Au vu de la nécessité de leur travail, éleveuses et agricultrices déplorent ne pas être considérées comme personnel prioritaire, elles qui s’occupent de nourrir ceux qui travaillent "en première ligne".

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