L'Europe a perdu 800 millions d'oiseaux en 40 ans, la Picardie ne fait pas exception

Selon une étude publiée le 15 mai 2023 dans la revue scientifique PNAS, le nombre d’oiseaux a décliné de 25 % en 40 ans sur le continent européen, voire de près de 60 % pour les espèces des milieux agricoles. La Picardie n'échappe pas à cette tendance.

Les chiffres publiés le 15 mai dans la revue scientifique PNAS font froid dans le dos : 800 millions d’oiseaux ont disparu en Europe depuis 1980. Ce bilan dramatique est établi par une équipe européenne dirigée par deux scientifiques du CNRS et un doctorant de l’Université de Montpellier. Ils ont compilé 37 ans de données de 20 000 sites de suivi écologique dans 28 pays européens, pour 170 espèces d’oiseaux différentes.

Le butor étoilé en voie de disparition

En Picardie, les amoureux de la nature font le même constat. "Je me rappelle enfant, dans les milieux cultivés, il y avait de très nombreuses allouettes des champs, des bergeronnettes printanières, des bruants proyers (...) Toutes ces espèces ont fortement régressé", précise François Sueur, ornithologue.

Le butor étoilé également disparaît peu à peu au grand désespoir de M. Sueur : "Avant, il y avait plus de cent couples pour la Picardie. Maintenant, pour le département de la Somme, c'est cinq à dix couples. Cela en cinquante à soixante ans. C'est dramatique."

Dans son havre de paix situé dans la vallée de la Somme à Bettencourt-Rivière, le photographe François Douvrin se désole de cette disparition massive : "J'ai l'impression, de temps en temps, de faire le reportage de la fin du monde, dans le sens, où c'est la dernière fois que je photographie un oiseau spécifique. Il y avait une grande population de gobe-mouches. Cette année, je n'en ai vu qu'un seul alors que d'habitude, j'en ai une bonne quarantaine".

Les études accusent les pesticides

Si les oiseaux souffrent de l’évolution des températures, de l’urbanisation, des surfaces forestières et des pratiques agricoles, l'étude européenne pointe avant tout l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides.

Les intrants agricoles, abondamment utilisés dans l'agriculture intensive, "sont susceptibles d'avoir des impacts négatifs sur les populations d'insectes et leurs prédateurs aviaires", affirmait déjà en 2021 une étude internationale dans Avian Research. Les auteurs révélaient des "réductions de 70 à 80 % dans plus de 15 études dans les zones climatiques tempérées".

Ronan Marrec, enseignant-chercheur à l'Université Picardie-Jules-Verne confirme : "On tue les insectes directement, par l'application d'insecticides qui attaquent les organismes ravageurs des cultures, mais ne sont pas réellement ciblés. Finalement, on peut avoir des organismes non ciblés qui vont mourir de ces insecticides. On peut avoir également d'autres pratiques avec un travail du sol intensif ou des aménagements territoriaux avec peu d'écosystèmes non cultivés, peu de haies, peu de bandes enherbées, de bandes enfleurées, qui leur servent habituellement de refuges ou de sources de nourriture alternative et qui vont disparaître de ces systèmes-là. (...) Cette perte de biodiversité en insectes est l'une des causes principales du déclin des oiseaux aujourd'hui."

Des bonnes pratiques pour enrayer le déclin

Ce triste état des lieux oblige à changer les habitudes. François Douvrin n'hésite plus à éparpiller des graines de tournesol produites localement : "Il y a quelques années, on disait qu'il ne fallait pas nourrir [les oiseaux], mais les conseils sont complètement différents aujourd'hui. Si on ne nourrit pas jusqu'à début avril ou mi-avril, il y a une vraie mortalité chez les oiseaux."

Au nom d'un principe de photographie responsable, le Samarien a même modifié sa manière de travailler : il s'installe uniquement dans des affûts plutôt que dans les roselières ou les lieux de nidification, quitte à manquer le meilleur cliché, car cela "peut créer de la mortalité".

Des bonnes pratiques qui permettent à la biodiversité de se reconstruire. En replantant des arbustes, des couvre-sols et en entretenant les milieux différemment sur sa propriété, François Douvrin est parvenu en 20 ans à recréer un écosystème et faire revenir certaines espèces d'oiseaux longtemps disparues, comme le martin-pêcheur.

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