L'histoire du dimanche - Long, "ville-lumière" propulsée dans le XXe siècle grâce à sa centrale hydroélectrique

L'énergie hydraulique, puisée dans la Somme, a alimenté pendant 65 ans les foyers de Long en électricité et en eau courante. Dès 1903, c'est une révolution pour les habitants - un millier environ - alors qu'à cette époque, la France rurale s'éclaire encore majoritairement à la lampe à pétrole.

Implantée sur un bras de la Somme, à mi-chemin entre Amiens et la baie, la petite bâtisse fait la fierté du village de Long.

Des murs de briques rouges, restés intacts, solidement installés sur leur structure de pilotis. À l'intérieur, la salle des machines et ses trois turbines, dont deux d'origine, qui continuent d'être actionnées épisodiquement pour les visiteurs : quelques 500 par an, qui viennent découvrir ce joyau du patrimoine picard.

La construction de la centrale débute en 1901, sur décision du conseil municipal de l'époque. "La commune s'est alors notablement enrichie grâce à l'extraction de la tourbe, présente en quantité sur ces sols marécageux", commente Amanda Lecuyer, médiatrice du patrimoine au sein du Parc naturel régional baie de Somme Picardie maritime - elle s'occupe d'une partie des visites guidées du site.

Utilisée comme combustible pour le chauffage, la tourbe est massivement extraite du sol et commercialisée à partir du XIXe siècle. "C'est à Long qu'il y en avait le plus. Une quantité si importante qu'elle était revendue à des communes voisines. Pont-Rémy ou Fontaine-sur-Somme, par exemple".

Ainsi débute l'âge d'or de Long. "L'hôtel de ville venait d'être construit, ainsi que les écoles et la gare. L'église Saint-Jean-Baptiste avait été agrandie...", énumère Amanda Lecuyer. La suite logique : c’est la centrale hydroélectrique. Un pas de plus vers la modernisation.

Une ampoule par foyer

La commune fait le pari d'exploiter l'énergie du cours d'eau pour alimenter les foyers en électricité. Deux ans plus tard, la centrale est inaugurée lors d'une fête, le 7 juin 1903. Une petite révolution pour les habitants, qui se dotent d'abord d'une ampoule par foyer.

"On avait droit à un robinet par maison et une lampe par pièce (avec un usage alterné, ndlr). On ne pouvait pas dépasser. L'hiver, le garde-champêtre venait dans la cour et dans les étables relever le nombre de bêtes. On payait l'eau selon ce qu'on avait de bêtes", témoignait en 1998, une cultivatrice longinienne à la retraite.

Surnommée "la ville-lumière", Long fascine jusqu'à Paris. La centrale fait la notoriété de cette petite commune, implantée à mi-chemin entre Amiens et la baie de Somme. "On pouvait apercevoir le village de loin. D'ailleurs, le train entre Paris et le Nord ralentissait lorsqu'il s'en approchait", mentionne encore la médiatrice du parc.

"C'est exceptionnel pour l'époque. La tourbe fournit le confort au village : l'électricité et l'eau courante. À l'inverse, Abbeville par exemple, a dû attendre l'après-guerre pour se doter de ces avancées."

Au rez-de-chaussée de la centrale, courroies, roues dentées et autres rouages s'enchevêtrent. D'un geste, le technicien actionne le gouvernail, libérant les turbines. Les engrenages se mettent alors en branle, transposant l'énergie de l'eau en électricité. Un courant continu de 110 volts.

Avec un débit d'environ 8 mètres cubes par seconde pour chaque turbine, la centrale produit de quoi éclairer une petite dizaine de foyers aujourd'hui. À l'époque, c'est le bourg de Long tout entier qui est alimenté, avec trois villages voisins. La commune compte alors un millier d'habitants contre environ 630 aujourd'hui et depuis l'après-guerre.

Le bâtiment classé monument historique

En 1961, un groupe électrogène est ajouté, pour renforcer la production face aux besoins croissants des foyers comme de la commune : l'éclairage public, le château, gourmands en énergie. "Cela faisait énormément de bruit. Le mécanicien et son épouse vivaient dans l'appartement de fonction au-dessus. Ils étaient obligés de placer des allumettes entre les verres et des feuilles entre les assiettes, pour limiter le cliquetis provoqué par la vibration".

À Long, la facture se calcule au nombre d'ampoules par foyer, relève également Amanda Lecuyer. Jusqu'en 1968. Après deux épisodes d'inondations, la commune se raccorde au réseau électrique. "Pour faire fonctionner les turbines, il faut une chute d'eau entre l'amont et l'aval. Lorsque le fleuve est inondé, la chute s'interrompt. Il n'y a donc plus de force motrice", explique la médiatrice. Confrontée à ces difficultés techniques, l'énergie hydraulique est abandonnée.

Le bâtiment est toutefois conservé, avec ses machines. Il est classé monument historique en 1984. "Les Longiniens y sont très attachés", ajoute Amanda Lecuyer. Depuis 1991, le site est ouvert au public, pour des visites libres ou guidées, sur réservation.

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