Dès janvier, le tri des biodéchets se généralisera partout en France, même si seulement 40% de la population aura une solution courant 2024. Alors que certaines communes ont déjà pris les devants, il n'y a pas encore de méthode unique à toutes les villes de France.
Pelures, coquilles d'œuf, marc de café, restes de repas, 30% de nos ordures ménagères sont constituées de matières organiques. Parfois données aux poules, aux chiens ou compostées dans le jardin, elles sont, le plus souvent, jetées en pure perte dans le sac gris habituel.
À partir de janvier, le tri des biodéchets va se généraliser partout en France, afin d’alléger les poubelles et produire du compost ou du biogaz. Une réforme évoquée depuis les années 2010 mais qui, malgré la loi, ne concernera qu'une minorité de foyers dans l'immédiat.
Le Pays du Clermontois prend les devants
Certaines collectivités ont pris de l'avance. C'est le cas du Pays du Clermontois dans l'Oise et de sa distribution gratuite de bacs à compost. "On a eu un message comme quoi ils avaient fabriqué du terreau avec nos composts on a trouvé l'idée vraiment intéressante et on a voulu donner un geste en venant aujourd'hui", expliquait un habitant sur place au micro de France 3 Picardie le 4 octobre dernier.
Pour la communauté de communes, cette action visait surtout à sensibiliser au développement du compost individuel. 600 bacs avaient été distribués début octobre car dès 2024, tous les ménages doivent disposer d'une solution pour trier leurs déchets biodégradables. Le Pays du Clermontois est d'ailleurs passé de 1900 bacs distribués en 10 ans à 1000 réservés en une année.
Pour se lancer, les habitants ont été accompagnés par des professionnels. "L'important dans le composteur, c'est vraiment d'apporter autant de matières humides que de matières sèches", souligne Sandra Periquet, maître composteur avant d'ajouter : "pour que ce soit durable, il faut que les gens partent de suite avec les bonnes explications parce que s'ils commencent sur un échec, les remotiver à composter, c'est compliqué".
Et s'il ne manque ni de matière sèche, ni d'air, le compost ne risque pas de générer de mauvaises odeurs. Il faut pourtant continuer la sensibilisation. Dans le Clermontois, à ce jour, seuls 40% des pavillons individuels sont équipés d'un composteur.
Seulement 40% de la population aura une solution courant 2024
"Certaines collectivités ont encore des investissements à poursuivre", indique le ministère de la Transition écologique à l'AFP, à l'approche de la date butoir du 1er janvier 2024 fixée par la directive européenne de 2018 et la loi antigaspillage de 2020.
Seuls 27 millions de Français, soit 40% de la population, auront une solution courant 2024, selon le ministère. Et encore, puisque ce chiffre inclut les 10 millions de riverains qui se contenteront de pouvoir réclamer un bac composteur à domicile sur une base de volontariat.
"L'enjeu premier est de sortir les biodéchets de la décharge ou de l'incinérateur, car ils contiennent beaucoup d'eau, et les brûler n'a pas de sens", souligne Vincent Coissard, responsable de la sous-direction déchets et économie circulaire au ministère.
Dire que si les personnes ne font pas le tri, elles auront 35 euros d'amende, c'est totalement faux.
Vincent Coissard, responsable de la sous-direction déchets et économie circulaire au ministère
La question du coût et de l'acceptation
A l'échelle européenne, "la France ne se classe ni dans les premiers, ni dans les derniers. Il y a des villes qui font du très bon travail", constate Manon Jourdan, de l'ONG Zero Waste Europe, qui milite pour la réduction des déchets et la pollution qu'ils génèrent.
Qu'est-ce qui freine alors ? "Il y a la question du coût de la collecte et de l'acceptation par la population, analyse-t-elle. La question des déchets reste émotionnelle car on doit influencer la façon dont les gens se comportent chez eux, et les élus ont toujours peur que ce soit mal reçu. Donc, on en revient à une volonté politique".
Au total, selon l'Ademe, l'agence de la transition écologique, 83 kilos de biodéchets sont générés par an et par habitant en France, dont 50% pourraient être facilement captés au lieu de finir en décharge ou incinérés.
Plusieurs façons de collecter les biodéchets
"Même avec des hypothèses hyper pessimistes, le gisement de biogaz est très important", souligne Roland Marion, de l'Ademe, sans donner de chiffre. Là où c'est déjà en place, il n'y a pas de recette unique. Certaines communes ont opté pour de la collecte en porte à porte, d'autres pour des points d'apport volontaire. Le bac peut être sécurisé par un badge ou un QR code pour permettre la pesée et éviter qu'un passant jette n'importe quoi à l'intérieur.
Quant aux nuisances, odeurs ou bestioles, mises en avant par les réfractaires, l'Ademe reconnaît qu'"on n'est pas à l'abri des rongeurs mais il y a des solutions". On peut par exemple mettre des grilles au fond des composteurs, ou veiller à une fréquence suffisante des collectes.
Avec Emilie Boulenger / FTV et AFP